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09/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16130

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2003, 16130


Tribunal administratif Numéro 16130 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 mars 2003 Audience publique du 9 juillet 2003 Recours formé par Madame … et consort, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16130 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2003 par Maître François GENGLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, née le …, et de son fils mineur, …, né le…, tous les deu

x de nationalité russe, demeurant actuellement ensemble à L-

…, tendant à la réformation d’...

Tribunal administratif Numéro 16130 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 mars 2003 Audience publique du 9 juillet 2003 Recours formé par Madame … et consort, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16130 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2003 par Maître François GENGLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, née le …, et de son fils mineur, …, né le…, tous les deux de nationalité russe, demeurant actuellement ensemble à L-

…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 11 février 2003 en ce qu’il a rejeté leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître François GENGLER et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juillet 2003.

Le 12 novembre 2001, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministre de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 30 avril 2002, elle fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 11 février 2003, notifiée le 18 février 2003, le ministre de la Justice informa Madame … que sa demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’elle n’invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social. Il ajoute qu’il ne résulterait pas de son dossier qu’il lui aurait été impossible de s’établir dans une autre ville ou dans une autre partie de son pays et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne.

Le 17 mars 2003, Madame … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 11 février 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Madame … expose qu’elle aurait quitté la Russie à cause de ses origines juives, lesquelles auraient été révélées au printemps 2001, sans doute suite à une dénonciation de son ex-mari désirant se venger d’elle. Elle fait valoir qu’à la mi-mai 2001, un groupe de jeunes gens aurait fait part à son supérieur hiérarchique de ses origines juives et que celui-ci lui aurait enjoint de démissionner de son poste. Fin août 2001, elle aurait été agressée par quelques jeunes habillés comme des « Skinheads » qui auraient tenu des propos antisémites en la frappant et elle aurait dû être emmenée à l’hôpital suite à cet événement. Elle ajoute que sa plainte afférente aurait été classée sans suite, parce que ses agresseurs auraient été des mineurs. Par la suite, elle aurait régulièrement reçu des coups de téléphone et des petits mots anonymes dans sa boîte aux lettres. Elle continue que le 27 octobre 2001, on aurait essayé d’entrer par effraction dans son appartement et qu’on aurait mis le feu à sa porte. Elle précise qu’elle n’aurait pas porté plainte, pensant que cela ne servirait à rien et qu’elle aurait par la suite décidé de quitter le pays. Quant à la forme, elle reproche à la décision ministérielle un défaut de motivation.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Madame … lors de son audition du 30 avril 2002, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne le défaut de motivation soulevé par la demanderesse, force est de constater que ce moyen manque de pertinence. En effet, la décision du ministre de la Justice du 11 février 2003 est suffisamment motivée. Les faits, tels que résumés dans la décision correspondent aux faits soujacents à la demande d’asile de la demanderesse et les motifs de refus sont énumérés et appuyés par des références jurisprudentiels. Le premier moyen fondé sur le défaut de motivation de la décision soumise au tribunal n’est donc pas fondé.

Quant au fond, force est au tribunal de constater que la demanderesse fait essentiellement état de sa crainte de voir commettre des actes de violence à son encontre de la part des membres d’un groupement antisémite ou de sympathisants dudit groupe. Or, elle reste en défaut de démontrer concrètement que les autorités chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place en Russie tolèrent, voire encouragent des agressions notamment à l’encontre des personnes qui ont des croyances ou des origines juives ou qu’elles ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de la Russie, notamment de ceux appartenant à la communauté juive, étant entendu qu’elle n’a pas établi un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place, d’autant plus qu’elle n’a pas porté plainte contre l’incendie ayant eu lieu le 27 octobre 2001.

Pour le surplus, les risques allégués par la demanderesse se limitent à sa ville d’origine et elle reste en défaut d’établir qu’elle ne peut pas trouver refuge, à l’heure actuelle, dans une autre partie de la Russie, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité d’un demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être prise en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié (cf. trib. adm 10 janvier 2001, n° 12240 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 40 et autres références y citées).

Il résulte des développements qui précèdent que la demanderesse reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16130
Date de la décision : 09/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-09;16130 ?

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