La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16111

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2003, 16111


Tribunal administratif N° 16111 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mars 2003 Audience publique du 9 juillet 2003 Recours formé par les époux …, … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16111 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2003 par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité yougoslave, et de son épouse Madame …, éga

lement de nationalité yougoslave, agissant peur eux-mêmes, ainsi qu’en nom et pour compte ...

Tribunal administratif N° 16111 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mars 2003 Audience publique du 9 juillet 2003 Recours formé par les époux …, … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16111 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2003 par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité yougoslave, et de son épouse Madame …, également de nationalité yougoslave, agissant peur eux-mêmes, ainsi qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, demeurant actuellement ensemble à L-… , tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 31 juillet 2002, par laquelle une autorisation de séjour au Grand-

Duché de Luxembourg leur a été refusé ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sandra VION en sa plaidoirie à l’audience publique du 7 juillet 2003.

Leur demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève signée à Genève le 21 juillet 1951 ayant été définitivement déclarée non fondée par un arrêt de la Cour administrative du 13 juin 2002, la famille …-… introduisit le 25 juillet 2002 une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires et de santé auprès du service compétent du ministère de la Justice.

Par une décision du 31 juillet 2002, le ministre de la Justice refusa de faire droit à cette demande aux motifs que la famille …-… ne disposerait pas de moyens d’existence personnels suffisants et que par ailleurs elle ne ferait pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Le recours gracieux introduit par un courrier de leur mandataire du 11 septembre 2002 étant resté sans réponse, les époux …-… ont fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle de refus du 31 juillet 2002 par une requête déposée au tribunal administratif du 11 mars 2003.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Encore que l’Etat, qui s’est vu notifier le recours sous examen par la voie du greffe en date du 11 mars 2003, n’a pas déposé de mémoire en réponse dans le délai légal, le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties par application des dispositions de l’article 6 de la loi du 21 juin 1999 relative à la procédure à suivre devant les juridictions administratives.

A l’appui de leur recours, les époux …-… estiment que la décision ministérielle serait à annuler pour violation de la loi, respectivement pour erreur manifeste d’appréciation des faits. En premier lieu, ils exposent que leur demande d’autorisation de séjour serait basée sur des raisons humanitaires, en l’espèce plus précisément des raisons médicales, étant donné que Madame … aurait fait l’objet à deux reprises d’une hospitalisation pour « menace de fausse couche à 14 semaines » et qu’au demeurant elle n’aurait pas pu aller jusqu’à terme et aurait fait des fausses couches. Il ressortirait en outre d’un certificat médical daté du 6 janvier 2003 que Madame … serait actuellement enceinte et que compte tenu de ses antécédents médicaux il s’agirait d’une grossesse à haut risque.

En deuxième lieu, ils exposent que ce serait également à tort que le ministre de la Justice aurait estimé qu’ils ne disposeraient pas de moyens d’existence personnels suffisants, étant donné que Monsieur … disposerait d’une promesse d’embauche.

Le ministre a fondé sa décision sur deux motifs, à savoir premièrement l’absence de moyens d’existence personnels suffisants et deuxièmement l’absence de raisons humanitaires dans le chef des époux …-….

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il lui appartient d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, ainsi que de vérifier si les éléments de fait dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée. Pour faire cette analyse, le juge se place au jour où la décision a été prise.

Quant à l’existence de moyens personnels suffisants Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main d’œuvre étrangère, « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » Au vœu de l’article 2 précité, l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg pourront dès lors être refusés notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2002, V°Etrangers, sous Autorisations de séjour – Expulsions, n° 121 et autres références y citées, p.149).

Etant donné que l’article 26 de la loi du 28 mars 1972 précitée dispose qu’ « aucun travailleur étranger ne pourra être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail », il s’ensuit que l’étranger n’étant pas en possession d’un permis de travail et n’étant dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi, ne justifie pas des moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal que les époux …-… étaient, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisés à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire s’adonnaient à une activité indépendante, et qu’ils pouvaient partant disposer de moyens personnels suffisants.

La déclaration d’engagement du 2 août 2002 de la part de … en faveur de Monsieur … versée par les demandeurs dans le cadre de leur recours gracieux n’enlève rien à la constatation faite ci-avant. En effet la déclaration d’engagement tient seulement lieu de demande en obtention du permis de travail et ne préjudicie en aucune façon la décision du ministre du Travail quant à l’octroi ou au refus d’un permis de travail pour le poste afférent.

Etant donné que le tribunal ne peut prendre en compte l’octroi d’un permis de travail hypothétique, il y a lieu de retenir qu’à défaut pour les demandeurs d’avoir ainsi rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels suffisants, le ministre de la Justice a pu baser sa décision de refus d’autorisation de séjour sur ce motif.

Etant donné que l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 énonce un motif de refus facultatif (cf. Cour adm. 25 mars 2003, n° 15902C du rôle, non encore publié), de manière à opérer une restriction au niveau des possibilités accordées au ministre de la Justice pour refuser l’entrée et le séjour au pays à un étranger, sans pour autant délimiter l’étendue de son pouvoir en matière d’octroi d’une autorisation de séjour, le ministre a encore analysé la demande sous le volet « des raisons humanitaires » tel que demandé par les époux …-….

Quant aux raisons humanitaires Les époux …-… versent à ce titre plusieurs pièces datées de juillet et août 2002 attestant d’un côté que Madame … a été hospitalisée en novembre et décembre 2000 pour menace de fausse couche et d’un autre côté qu’elle a fait une fausse couche en 2001. En cours de procédure contentieuse, ils versent un certificat médical établi le 6 janvier 2003 par le Dr. … certifiant que Madame … est enceinte et que la date présumée de l’accouchement est fixée au 23 août 2003. Ce certificat se trouve annoté d’une mention manuscrite « grossesse à haut risque vu antécédent de fausse couche tardive ».

Sans vouloir nier le caractère de gravité des événements auxquels Madame … a dû faire face, il appartient au demandeur qui se prévaut d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires de prouver qu’il ne peut effectivement pas bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. Si le demandeur reste en défaut d’établir qu’un suivi médical de son état de santé ne pourrait pas être assuré ou lui serait refusé dans son pays d’origine ou qu’il n’établit pas la nécessité de soins médicaux spécialisés pour une durée plus longue dans le pays d’accueil, son état de santé ne justifie pas l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires (cf. Trib. adm. 5 mars 2003, n° 15125 du rôle non encore publié).

Le juge devant examiner les faits tels qu’ils se sont présentés au moment où la décision faisant l’objet du recours a été prise, en l’espèce en juillet 2002 (première décision de refus) et en décembre 2002 (décision implicite de confirmation), il échet de constater que les demandeurs n’ont pas rapporté la preuve que Madame … ne peut bénéficier d’un traitement médical approprié dans son pays d’origine ou qu’elle nécessite une prise en charge spécifique au Luxembourg. A cette fin les seuls certificats médicaux à prendre en compte du Dr. … du 20 juillet 2002 attestant que Madame … nécessite un traitement médical de longue durée sans aucunement préciser en quoi consisterait ce traitement et du Dr. … attestant que « le frottis de dépistage devra être répété dans .. 6 à 9 .. mois » ne présentent pas le caractère de précision suffisant afin d’énerver la constatation faite ci-avant.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le ministre de la Justice, au vu des faits qui lui ont été soumis au moment de la prise de la décision, a pu prendre la décision actuellement litigieuse, de sorte que le recours introduit contre celle-ci est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais, Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16111
Date de la décision : 09/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-09;16111 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award