La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16091

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2003, 16091


Tribunal administratif Numéro 16091 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2003 Audience publique du 9 juillet 2003 Recours formé par les époux … et … et consorts, …, contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16091 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…., de son épouse, Madame …, née le…, e

t de ses enfants mineurs …, née le …, …, née le …, et …, né le …, toute la famille étant de nat...

Tribunal administratif Numéro 16091 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2003 Audience publique du 9 juillet 2003 Recours formé par les époux … et … et consorts, …, contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16091 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…., de son épouse, Madame …, née le…, et de ses enfants mineurs …, née le …, …, née le …, et …, né le …, toute la famille étant de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 19 décembre 2002 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du même ministre du 4 février 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juillet 2003.

Le 20 mai 1999, Monsieur … et son épouse Madame … ainsi que leurs deux enfants … et … …, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour toute la famille fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 30 septembre 1999, les époux …-… furent entendus, chacun séparément, par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 19 décembre 2002, notifiée le même jour, le ministre de la Justice informa la famille …-… de ce que leur demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’ils n’invoqueraient aucune crainte justifiée de persécution en raison de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social.

Par courrier de leur mandataire du 20 janvier 2003, la famille …-… fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 4 février 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision du 19 décembre 2002.

Le 5 mars 2003, la famille …-… a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre les deux décisions ministérielles de refus datées des 19 décembre 2002 et 4 février 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, les demandeurs, originaires du Monténégro et de confession musulmane, reprochent à l’autorité administrative de n’avoir pas tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait des graves difficultés de co-existence dénoncées par eux entre d’une part les Musulmans et d’autre part les Orthodoxes. Ils exposent que Monsieur … aurait fait l’objet d’insultes de la part des Serbes, qu’il aurait été menacé de se faire trancher le cou, et qu’on lui aurait montré les trois doigts, signe de la victoire des Serbes. Ils ajoutent qu’ils auraient également reçu des appels téléphoniques anonymes. Ils estiment que les difficultés ainsi dénoncées trouveraient manifestement leurs origines dans le fait de leur confession musulmane et que les problèmes de coexistence entre les communautés musulmanes et orthodoxes seraient toujours d’actualité. Enfin, ils font valoir que Monsieur …, en raison de sa désertion de l’armée risquerait encore à l’heure actuelle, en cas de retour dans son pays, une condamnation particulièrement injuste et disproportionnée.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par la famille …-… lors de leurs auditions respectives du 30 septembre 1999, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne l’appartenance des demandeurs à la minorité des Musulmans, il y a lieu de constater que la simple appartenance à une minorité est insuffisante à établir une crainte légitime de persécution, étant donné qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que les membres de la famille …-…, considérés individuellement et concrètement, risquent de subir des traitements discriminatoires en raison de leur appartenance ethnique ou de leur religion.

De même les insultes mises en avant par Monsieur … ne sont pas d’une gravité telle qu’elles sauraient fonder une demande en obtention du statut de réfugié.

Concernant le motif invoqué de l’insoumission, il convient de rappeler que celle-ci n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. En l’espèce, étant donné que la paix s’est établie en Yougoslavie, il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur … risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables. Il convient par ailleurs de relever que Monsieur … n’établit pas à suffisance de droit qu’une condamnation serait encore susceptible d’être prononcée à son encontre du chef de son insoumission, voire qu’un jugement déjà prononcé serait encore effectivement exécuté, ceci au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement au vu de la loi d’amnistie votée par le parlement yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16091
Date de la décision : 09/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-09;16091 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award