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09/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15887

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2003, 15887


+Tribunal administratif N° 15887 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 janvier 2003 Audience publique du 9 juillet 2003

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Recours formé par les époux … et …, Luxembourg contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’établissements classés en présence de la société … s.à r.l., Luxembourg

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15887 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20

janvier 2003 par Maître Lex THIELEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour...

+Tribunal administratif N° 15887 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 janvier 2003 Audience publique du 9 juillet 2003

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Recours formé par les époux … et …, Luxembourg contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’établissements classés en présence de la société … s.à r.l., Luxembourg

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15887 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2003 par Maître Lex THIELEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , et de son épouse, Madame …, …., demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 2 décembre 2002 accordant à la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayan son siège social à L-…, l’autorisation pour l’exploitation d’un monte-plats d’une capacité maximale de levage de 50 kilos à …, exploitant le restaurant … à ladite adresse ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 20 janvier 2003 portant signification de ce recours à la société … s.à r.l. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 17 avril 2003 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg du 17 avril 2003 portant signification de ce mémoire en réponse aux époux…-… ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Philippe STROESSER, en remplacement de Maître Lex THIELEN, et Ferdinand BURG, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juin 2003.

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En date du 15 novembre 2002, la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après appelée « la société … », a fait introduire une demande auprès du ministre du Travail et de l’Emploi en vue d’obtenir l’autorisation pour l’exploitation d’un monte-plats d’une capacité maximale de levage de 50 kilos à Luxembourg, …, au restaurant ….

Par arrêté datant du 2 décembre 2002 le ministre accorda l’autorisation sollicitée à la société … sous réserve des conditions d’exploitation suivantes :

« 1) Le monte-plats doit être installé et exploité conformément aux plans et indications techniques contenus dans le dossier de la demande et conformément aux prescriptions du présent arrêté d’autorisation.

Ces mêmes prescriptions sont seules d’application en cas de contradictions entre les indications du dossier de la demande et les stipulations de la présente autorisation.

2) Le dossier de la demande d’autorisation ainsi que les pièces liées à l’autorisation d’exploitation pourront être consultés auprès de l’inspection du travail et des mines par toute personne pouvant démontrer un intérêt légitime.

3) Toutes dispositions doivent être prises par l’exploitant afin de garantir la sécurité et l’hygiène, la salubrité et l’ergonomie sur le lieu de travail ainsi que d’une façon générale la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public ou au personnel.

4) L’exploitant doit se soumettre aux obligations nouvelles qui peuvent lui être imposées ultérieurement par l’autorité compétente dans l’intérêt de la sécurité, de la salubrité et de la commodité par rapport au public et au personnel.

5) L’exploitant doit faire parvenir à l’Inspection du Travail et des Mines dans les délais indiqués tous les rapports de contrôle énoncés, le cas échéant, dans la présente autorisation.

6) Une nouvelle autorisation est requise pour toute transformation du monte-plats.

7) La visite du monte-plats par les agents de l’autorité de contrôle compétente doit être concédée en tout temps par l’exploitant.

8) Lors d’un contrôle d’inspection, une copie de la présente autorisation d’exploitation doit être mise à la disposition de l’autorité de contrôle compétente.

9) La présente autorisation est à porter à la connaissance du personnel assurant l’entretien du monte-plats, personnel qui doit pouvoir la consulter à tout moment.

10) Les droits des tiers sont et demeurent réservés.

11) La présente autorisation ne dispense pas de l’obtention d’autres autorisations éventuellement requises en vertu d’autres dispositions légales applicables en la matière ».

Par requête déposée en date du 20 janvier 2003 les époux … et …, voisins directs du Restaurant …, ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 2 décembre 2002.

Dans son mémoire en réponse l’Etat se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en relevant que la décision entreprise date du 2 décembre 2002, mais que le recours n’a été déposé qu’en date du 20 janvier 2003.

S’il est certes vrai que conformément aux dispositions de l’article 19 de la loi du 10 juin 1999 précitée le recours en la matière doit être interjeté sous peine de déchéance dans le délai de 40 jours, lequel commence à courir vis-à-vis des tiers intéressés à dater du jour de l’affichage de la décision, il n’en reste pas moins qu’il appartient à la partie qui se prévaut du moyen d’irrecevabilité pour cause de tardiveté d’établir les faits à la base de sa conclusion.

En l’espèce, force est de constater que le dossier tel que présenté en cause ne comporte pas d’informations relatives à l’affichage de la décision litigieuse, de sorte que le tribunal n’a pas été mis en mesure de statuer utilement à l’égard du moyen ainsi présenté qui est dès lors à abjuger faute de reposer sur des faits établis à suffisance.

Conformément aux dispositions de l’article 19 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, le tribunal est compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière, de sorte que le recours en annulation introduit à titre principal est irrecevable.

Le recours subsidiaire en réformation ayant été introduit dans les formes prévues par la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours les demandeurs font exposer que leur maison ainsi que l’immeuble abritant le Restaurant … font partie d’un bloc de trois maisons unifamiliales construites en même temps dans les années 1950 suivant les méthodes de construction en pratique en ce temps-là, au moyen notamment de dalles en béton d’une seule coulée et sans séparation à l’endroit de la mitoyenneté, ce qui engendrerait une transmission directe des bruits entre les différentes maisons. Ils signalent qu’au courant de l’été 2000, la société … a introduit une demande auprès de l’administration communale de la Ville de Luxembourg en vue d’obtenir l’autorisation pour l’exploitation d’un établissement de la classe II, en l’occurrence un restaurant destiné à recevoir plus de 50 personnes, mais qu’à ce jour l’autorisation sollicitée n’aurait toujours pas été accordée en raison notamment du fait que la société … n’apporterait aucun élément permettant de prouver la réalisation de travaux d’isolation acoustique dans un souci de commodité par rapport au voisinage. Ils signalent que le restaurant, malgré l’absence d’autorisation, serait exploité régulièrement avec plus de 50 couverts et qu’au vu de la configuration des lieux, et notamment en l’absence d’isolation phonique entre les bâtiments, cette exploitation entraînerait des nuisances extrêmement importantes dans leur chef, lesquelles seraient encore augmentées par l’installation et l’utilisation d’un appareil de levage.

Les demandeurs reprochent à la décision litigieuse de ne pas renseigner la prise en considération par le ministre de la sécurité, de la salubrité ou de la commodité par rapport au voisinage, alors qu’il ne ferait pourtant pas de doute que les travaux projetés risquent d’avoir des incidences défavorables sur les nuisances sonores d’ores et déjà subies par eux.

Dans la mesure où la loi du 10 juin 1999 précitée, dans son article 1er, 1. dispose expressément qu’elle a pour objet de protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel des établissements, la santé et la sécurité des travailleurs au travail ainsi que l’environnement humain et naturel, ce serait partant à tort que le ministre a accordé l’autorisation sollicitée.

La société … rétorque que les parties demanderesses se tromperaient d’adversaire, étant donné que la question d’éventuelles nuisances sonores ne serait pas du ressort du ministre du Travail et de l’Emploi pour ne ranger dans aucune des catégories pertinentes pour son appréciation, en l’occurrence un défaut de sécurité, un défaut de salubrité ou un défaut de commodité. Elle estime que bien au contraire la question d’éventuelles nuisances sonores serait à analyser par l’administration communale de la Ville de Luxembourg dans le cadre de la demande d’autorisation d’exploiter un établissement de la classe II telle que définie dans la loi du 10 juin 1999 précitée. Elle estime en outre que l’autorisation litigieuse ne serait conditionnelle en ce sens que l’administration communale de la Ville de Luxembourg devrait, dans le cadre de la demande d’autorisation lui adressée, vérifier si le monte-charge ne va pas générer des nuisances sonores.

A titre subsidiaire, la société … fait valoir que les craintes exprimées par les demandeurs relèveraient de l’exécution des travaux à réaliser suivant une autorisation ministérielle et ne seraient que des appréhensions purement hypothétiques que le tribunal administratif ne serait pas appelé à toiser, alors que ces questions seraient du ressort des juridictions judiciaires. La société … fait préciser enfin qu’il s’agit en l’espèce d’un petit monte-charge dont la capacité de levage ne dépasse pas 50 kilos et que sa place est à l’intérieur du restaurant se trouvant au rez-de-chaussée de l’immeuble et mène uniquement et seulement dans la cave.

Le délégué du Gouvernement fait valoir dans son mémoire en réponse que les conditions d’exploitation de l’arrêté entrepris tiendraient compte des nuisances et dangers pouvant éventuellement résulter de l’exploitation du monte-charge et que ces conditions seraient à considérer comme suffisantes pour garantir d’une manière générale la sécurité, la salubrité et la commodité par rapport au personnel occupé, au public et au voisinage. Quant aux nuisances pouvant éventuellement résulter de l’exploitation du restaurant, il signale que leur appréciation relèverait de la compétence de la Ville de Luxembourg.

Il est constant que l’autorisation litigieuse a pour objet un monte-charge constitutif d’un établissement relevant de la classe III A référencé en tant qu’appareil de levage sous le numéro 23 de la nomenclature des établissements classés telle qu’annexée au règlement grand-ducal modifié du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés, dont l’autorisation relève de la seule compétence du ministre ayant dans ses attributions le travail.

Il se dégage encore des explications fournies en cause que parallèlement à la procédure ayant abouti à la décision litigieuse, une demande d’autorisation est actuellement encore pendante devant le bourgmestre de la Ville de Luxembourg pour l’exploitation du restaurant … en tant qu’établissement référencé sous le numéro 307, destiné à recevoir plus de 50 personnes.

S’il est certes vrai que la loi du 10 juin 1999 précitée définit son objet à travers les dispositions de son article 1er, 1. comme étant notamment celui de protéger la commodité par rapport au public et au voisinage, hypothèse susceptible de couvrir, quant à leur nature, les doléances présentées en l’espèce par les demandeurs, il n’en demeure cependant pas moins que l’article 13 de la même loi, relatif aux autorisations, conditions d’aménagement et d’exploitation, apporte des précisions au sujet des domaines de compétence respectifs des ministres de l’Environnement, du Travail et de l’Emploi et, le cas échéant, le bourgmestre, susceptibles d’intervenir sur base de cette loi.

Ledit article 13, tout en énonçant le principe que les autorisations fixent les conditions d’aménagement et d’exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection des intérêts visés à son article 1er, prend soin de différencier suivant l’autorité appelée à statuer en précisant notamment sous son point 4 que « l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions le travail, détermine les conditions d’aménagement et d’exploitation relatives à la sécurité du public et du voisinage en général ainsi qu’à la sécurité, l’hygiène et la santé sur le lieu de travail, la salubrité et l’ergonomie ».

Il se dégage du libellé clair et précis de la disposition légale prérelatée que le rôle du ministre du Travail et de l’Emploi, saisi d’une demande d’autorisation d’un établissement relevant de la classe III A, est axé sur le volet de la sécurité et consiste partant à déterminer les conditions d’aménagement et d’exploitation en rapport avec le voisinage de l’établissement concerné uniquement sous l’aspect de la sécurité, et non de la commodité.

En effet, la question de la commodité du voisinage par rapport au monte-charge concerné relève en l’espèce du domaine d’appréciation du bourgmestre, dans la mesure où il est appelé à travers les dispositions de l’article 4, alinéa 2 de la loi du 10 juin 1999 précitée à autoriser l’exploitation du restaurant … globalement considéré en tant qu’établissement de la classe II destiné à recevoir plus de 50 personnes, étant donné qu’à défaut de spécification, voire de restriction du champ d’appréciation du bourgmestre en la matière, celui-ci, conformément aux dispositions de l’article 13, 1. de la loi du 10 juin 1999 précitée, doit fixer les conditions d’aménagement et d’exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection de l’ensemble des intérêts visés à l’article 1er de la même loi Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent, que faute pour les demandeurs d’avoir avancé un quelconque moyen de nature à énerver la décision litigieuse en raison d’une carence au niveau des conditions d’aménagement et d’exploitation y énoncées en rapport avec la sécurité du voisinage, le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les parties demanderesses aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15887
Date de la décision : 09/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-09;15887 ?

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