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09/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15840

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2003, 15840


Numéro 15840 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 janvier 2003 Audience publique du 9 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15840 du rôle, déposée le 7 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nation...

Numéro 15840 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 janvier 2003 Audience publique du 9 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15840 du rôle, déposée le 7 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 20 septembre 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 4 décembre 2002 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mai 2003.

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Le 31 août 2001, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 24 avril 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 20 septembre 2002, notifiée par courrier recommandé du 8 octobre suivant, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 5 novembre 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 4 décembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles de rejet des 20 septembre et 4 décembre 2002 par requête déposée le 7 janvier 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il aurait été membre du mouvement « OTPOR », dont le but aurait été le renversement du régime de MILOSEVIC au moyen d’une résistance pacifique et des désobéissances civiles, qu’il aurait fait l’objet d’arrestations et de mauvais traitements sous ce même régime et que son départ de son pays d’origine aurait été motivé par son refus de réintégrer le nouveau corps de police serbe. Il expose à cet égard qu’il aurait reçu une formation de parachutiste, que les supérieurs de son ancienne unité auraient fait pression sur lui afin qu’il se taise en tant que témoin oculaire d’exactions par eux commises contre la population non serbe durant la guerre au Kosovo et qu’il aurait été arrêté pendant trois mois par la police serbe sous le prétexte de la détention d’armes prohibées en raison de son refus de collaboration afin de la réduire au silence. Il ajoute que les mêmes personnes l’auraient menacé pour l’amener à rejoindre le nouveau corps de police MUP et s’y engager activement. Sur base de ces éléments, il reproche au ministre une appréciation erronée des faits de l’espèce et de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait que son comportement pourrait être perçu par les autorités comme un acte d’opposition contre le pouvoir qui devrait être reconnu comme fondant une crainte justifiée de persécution. Il ajoute que sa situation serait loin d’être sécurisée en cas de retour dans son pays d’origine, d’autant plus qu’il risquerait de devoir subir le restant de sa peine d’emprisonnement prononcée pour détention d’armes illégales, et qu’il faudrait accorder à son récit le bénéfice du doute alors qu’il serait impossible de prouver tous les faits par lui invoqués.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 24 avril 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de leur départ et de mettre en lumière qu’il est indéniable que depuis le départ des demandeurs, la situation politique en Yougoslavie s’est considérablement modifiée, qu’un processus de démocratisation est en cours et que le demandeur n’a pas fait état d’une raison suffisante justifiant à l’heure actuelle qu’il ne puisse pas utilement se réclamer de la protection des nouvelles autorités.

Les faits invoqués par le demandeur, se situant dans le temps pour l’essentiel dans la période immédiate après la chute du régime MILOSEVIC ne sont dès lors plus de nature à établir à suffisance de droit que le demandeur ne pourrait pas bénéficier de la protection des autorités compétentes actuellement en place. S’y ajoute que le tribunal ne peut pas apprécier la réalité de la condamnation pour détention d’armes illégales dont le demandeur se prévaut, vu qu’il est resté en défaut de soumettre tant au ministre qu’au tribunal une traduction dans une des langues du pays du jugement par lui versé.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15840
Date de la décision : 09/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-09;15840 ?

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