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07/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15672

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juillet 2003, 15672


Tribunal administratif N° 15672 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 décembre 2002 Audience publique du 7 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration … en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15672 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 décembre 2002 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Co

ur, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, inspecteur principal ...

Tribunal administratif N° 15672 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 décembre 2002 Audience publique du 7 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration … en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15672 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 décembre 2002 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, inspecteur principal à l’administration …, demeurant à L-… tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’administration … du 2 août 2002 portant refus de continuer au ministre des Finances sa demande de nomination au grade 13 en tant qu’inspecteur principal premier en rang ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 février 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 mars 2003 par Maître Jean-Marie BAULER au nom de Monsieur … ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Marie BAULER et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mai 2003 ;

Vu le mémoire en triplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 mai 2003 par Maître Jean-Marie BAULER au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en « triplique » du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 juin 2003 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision déférée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nadia JANAKOVIC, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juin 2003.

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Considérant qu’en date du 30 juillet 2002, Monsieur … a fait adresser par son mandataire un courrier recommandé au directeur de l’administration …, désigné ci-après par « le directeur », conçu en les termes suivants :

« Monsieur le Directeur, Par la présente, j’ai l’honneur de vous écrire au nom de Monsieur …, demeurant à L-

…, qui m’a chargé de la sauvegarde de ses intérêts.

Vous n’ignorez pas que depuis des années mon mandant est régulièrement évincé concernant la promotion au grade 13, alors qu’il remplit toutes les conditions et que suivant le classement officiel de l’Administration, il aurait dû en bénéficier depuis un temps certain.

Plus particulièrement le 16 novembre 2001 vous avez notifié à Monsieur … que sa « candidature pour le poste du grade 13 n’a pas été retenue ».

Je vous prie de bien vouloir me communiquer les motifs de cette décision de refus, alors que mon mandant entend saisir le tribunal administratif.

D’autre part, mon mandant m’a fait savoir qu’à l’heure actuelle deux postes au grade 13 vacants jusque récemment, et pour lesquels il avait posé sa candidature, viennent d’être attribués suivant deux arrêtés grand-ducaux du 5 juillet 2002 à Mademoiselle … et à Monsieur… , tous deux pourtant classés à un niveau inférieur dans la hiérarchie, et sans qu’il n’y ait eu d’appel de candidature pour lesdits postes.

Une telle situation n’est d’ailleurs pas unique. Ainsi, précédemment Monsieur … avait par arrêté grand-ducal du 14 décembre 2001, été nommé aux fonctions d’inspecteur principal premier en rang grade 13, alors qu’aucun appel de candidature n’avait eu lieu et que le fonctionnaire concerné était classé à un niveau inférieur dans la hiérarchie.

Je vous saurais gré de bien vouloir proposer la nomination de Monsieur … au grade 13 à Monsieur le Ministre des Finances.

Dans la négative, je vous prie de bien vouloir me faire parvenir une décision motivée susceptible d’un recours devant le tribunal administratif.

En espérant que vous réservez une suite favorable à la présente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de mes sentiments très distingués » ;

Que le directeur de prendre position par courrier du 2 août 2002 adressé directement à Monsieur … et conçu comme suit :

« Monsieur l’Inspecteur, Vous voulez donc me contraindre par voie judiciaire de proposer au Ministre votre nomination au grade 13 ! Sachez que cette nouvelle initiative échouera, tout comme celles antérieures.

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Votre avocat lira attentivement ses propres commentaires dans la publication « Le droit de la fonction publique au Luxembourg », n° 122, 124, 125, 127, 130… -

Vous lui direz que compte tenu de vos antécédents, vous ne méritez pas la promotion au grade 13.

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Vous constaterez que les frais de procès et les honoraires de l’avocat dépasseront largement vos expectatives de gains supplémentaires au grade 13, alors que, dans un très proche avenir, vous ferez l’avancement au traitement de ce grade et que dès lors une confrontation judiciaire ne vaut pas l’enjeu.

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Vous apprécierez certainement que, pour des motifs de discrétion, je n’ai pas signalé au Ministre des Finances les motifs de mon refus, mais que j’ai simplement constaté qu’un autre candidat était plus méritant.

Je pense que je pourrai, le cas échéant, réviser mon opinion, si vous me communiquiez par écrit la vérité sur les événements qui se sont produits à partir du moment où vous avez reçu communication de l’amende fiscale que j’ai prononcée contre vous et Monsieur …, jusqu’au moment du recours judiciaire de Monsieur …….

Je continue à avoir des réticences en vous demandant de me dire ou écrire la vérité, parce que, dans le passé, j’ai constaté que cette notion vous cause des problèmes.

Néanmoins et avec toutes mes réserves, je vous concède cette chance » ;

Considérant que par requête déposée en date du 2 décembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du courrier directorial prérelaté du 2 août 2002 en ce qu’il porte refus de proposer au ministre des Finances sa nomination au grade 13 ;

Considérant qu’à travers son mémoire en réponse, le délégué du Gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et dans les délais, tout en concluant à l’irrecevabilité du recours en réformation, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en matière de promotion ;

Qu’à l’audience du 5 mai 2003, le représentant étatique de soulever le moyen repris à travers son mémoire en triplique suivant lequel le recours serait à déclarer irrecevable omisso medio en ce que l’article 33 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, désignée ci-après par « le statut général », organiserait un recours administratif spécifique précontentieux non suivi en l’espèce ;

Que pour le surplus, le demandeur ne saurait arguer avoir introduit un recours gracieux, alors qu’en l’occurrence son courrier du 30 juillet 2002 s’analyserait non pas en un recours, mais en demande au directeur de proposer sa nomination au grade 13 au ministre des Finances ;

Que de toute façon aucun recours contentieux direct ne saurait être envisagé à l’encontre du refus de proposition directoriale déféré, suivant l’analyse du représentant étatique, étant donné que le pouvoir de nomination revient en l’espèce au Grand-Duc, de sorte que le délégué du Gouvernement n’entrevoit pas la satisfaction que le demandeur pourrait tirer de l’annulation du refus de proposition déféré ;

Considérant qu’en vue de toiser utilement des questions relatives à sa compétence et des moyens d’irrecevabilité soulevés, le tribunal est amené à cerner l’acte directorial déféré quant à sa nature juridique et son caractère décisionnel ;

Considérant qu’à la base de la décision déférée Monsieur … a sollicité sa promotion au grade 13, étant entendu que d’après les dispositions de l’article 5 du statut général « par promotion il faut entendre la nomination du fonctionnaire à une fonction hiérarchiquement supérieure » ;

Considérant que l’article 35 de la Constitution dispose en son alinéa premier que « le Grand-Duc nomme aux emplois civils et militaires, conformément à la loi, et sauf les exceptions établies par elle » ;

Considérant qu’à défaut d’exception afférente établie par la loi, la nomination à la fonction d’inspecteur principal premier en rang auprès de l’administration … relève du champ de compétence du Grand-Duc ;

Considérant que le pouvoir de nomination grand-ducal comporte celui de ne point nommer ;

Considérant que si le Grand-Duc est compétent pour procéder à un refus de nomination en la matière, force est cependant de constater qu’en l’espèce l’acte déféré ne saurait être interprété en refus implicite émanant du pouvoir de nomination, ne fût-ce qu’en raison du fait constant que la demande de nomination de Monsieur … du 30 juillet 2002 n’a jamais été soumise au chef de l’Etat ;

Considérant que s’il est également patent que l’acte déféré ne s’analyse dès lors pas en un refus de nomination émanant de l’autorité compétente, les effets dudit acte se trouvent cependant être équivalents à pareil refus en ce qu’à défaut de proposition faite au Grand-Duc, par la voie hiérarchique à travers le directeur et le ministre des Finances, aucune nomination au grade sollicité ne saurait s’en suivre dans le chef de l’intéressé ;

Considérant qu’il s’ensuit que l’acte directorial posé est de nature à mettre fin, du fait du refus y contenu, au processus décisionnel déclenché à travers la demande de nomination au directeur adressée pour Monsieur … le 30 juillet 2002 ;

Qu’en cela il fait encore éminemment grief au fonctionnaire concerné en plaçant un point d’arrêt, de fait définitif, à sa demande de promotion ;

Considérant qu’il découle des développements qui précèdent que l’acte directorial déféré, en ce qu’il refuse de continuer la demande de promotion formulée par Monsieur … le 30 juillet 2002 à l’autorité de nomination compétente, s’analyse en une décision administrative individuelle faisant grief ;

Considérant qu’en matière de promotion de fonctionnaires de l’Etat aucun recours de pleine juridiction n’est prévu par la loi, de sorte que le tribunal est en toute occurrence incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé à l’encontre de l’acte directorial déféré ;

Considérant que suivant l’article 33.1 du statut général « tout fonctionnaire a le droit de réclamer individuellement contre tout acte de ses supérieurs ou de ses égaux qui lèsent ses droits statutaires ou qui le blessent dans sa dignité ».

Considérant que si l’acte déféré répond également à la définition posée par l’article 33 du statut général en ce que, pour le moins, émanant d’un supérieur hiérarchique, il apparaît comme lésant les droits statutaires du demandeur, et, suivant certains éléments y exprimés, est susceptible d’être analysé comme le blessant dans sa dignité, force est encore au tribunal de constater que ni la demande du 30 juillet 2002, ni aucun autre écrit versé au dossier ne s’analysent en une réclamation individuelle de Monsieur … dirigée contre l’acte directorial déféré sur base de l’article 33 du statut général ;

Considérant que dans la mesure où l’article 33.1 dispose que « tout fonctionnaire a le droit de réclamer … », la saisine précontentieuse du supérieur hiérarchique sinon du ministre du ressort conformément aux dispositions dudit article 33 constitue une faculté, non exercée en l’espèce ;

Considérant que dans la mesure où le demandeur ne s’est point placé dans le cadre des possibilités précontentieuses offertes par l’article 33 du statut général, la question même d’un omisso medio, telle que soulevée par le représentant étatique, ne se pose pas en l’espèce, le demandeur ne s’étant point engagé dans cette voie précontentieuse, encore que pareille façon de faire, non obligatoire, puisse être considérée en règle générale comme étant souhaitable, dans la mesure où il convient de donner la faveur à toute solution pouvant être trouvée à un niveau précontentieux plutôt que suite à une instance judiciaire ;

Considérant que l’acte déféré n’étant point assorti d’une instruction sur les voies de recours, aucun délai de recours n’a commencé à courir à son encontre, conformément aux dispositions de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, applicables également en matière de promotion des fonctionnaires publics ;

Considérant que le recours ayant pour le surplus été introduit suivant les formes prévues par la loi, il est recevable ;

Considérant qu’au fond, le demandeur conclut à l’annulation de l’acte déféré en ce qu’il ne serait pas basé sur des critères objectifs et non arbitraires, et en ce qu’il revêtirait pour le surplus le caractère d’une sanction disciplinaire, tout en s’analysant en acte de harcèlement ;

Que le représentant étatique de conclure que la décision entreprise ne constituerait pas une sanction disciplinaire cachée, mais une application du pouvoir discrétionnaire conféré au directeur dans le choix des agents pour occuper les différents postes relevant du cadre fermé de son administration ;

Que le représentant étatique de se placer par rapport à la vacance de poste déclarée le 1er août 2002 pour retenir que Monsieur … n’aurait pas posé de candidature spécifique afférente et que le choix du directeur aurait été effectué dans le respect des nécessités dictées par l’intérêt du service ;

Considérant que suivant sa demande du 30 juillet 2002 prérelatée, Monsieur … a demandé au directeur « de bien vouloir proposer (sa) nomination …. au grade 13 à Monsieur le ministre des Finances » ;

Considérant qu’à défaut de précision donnée par le demandeur et en l’absence de compléments d’information sollicités par le directeur, cette demande est à analyser comme valant pour le prochain poste d’inspecteur principal premier en rang vacant au grade 13 dans le cadre fermé de l’administration … ;

Considérant que si le directeur reste libre et se trouve dans les limites de ses attributions en faisant part à l’autorité de nomination, en sa qualité de chef d’administration, de son appréciation concernant l’opportunité de voir nommer tel candidat au poste par lui brigué, force est au tribunal de constater que ce n’est pas en premier lieu l’appréciation directoriale portée sur sa candidature qui fait l’objet des critiques du demandeur, mais le fait de la conséquence péremptoire en tirée ayant consisté dans la non-continuation pure et simple de ladite candidature à l’autorité de nomination ;

Considérant que le fait pour le directeur d’une administration de ne point continuer en vue de sa promotion une candidature d’un fonctionnaire relevant de son administration à l’autorité de nomination revient à limiter de la sorte l’amplitude du choix et partant les pouvoirs de l’autorité de nomination ;

Que pareille façon de procéder contrevient aux dispositions de l’article 35 de la Constitution et s’analyse en violation de la loi, étant entendu que la loi fondamentale est à comprendre sous ce vocable au regard du cas d’ouverture d’un recours en annulation afférent prévu par l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précité ;

Qu’en ce l’acte directorial déféré encourt dès lors l’annulation, de sorte que l’analyse des autres moyens d’annulation proposés devient surabondante ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, déclare le recours en annulation recevable ;

le dit également fondé ;

annule l’acte directorial déféré et renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration … ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 juillet 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15672
Date de la décision : 07/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-07;15672 ?

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