La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16615

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juillet 2003, 16615


Tribunal administratif N° 16615 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2003 Audience publique du 2 juillet 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête déposée le 24 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … , né le …, de nationalité chinoise, alias… , né le… , alias… , né le… , ayant été p

lacé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tenda...

Tribunal administratif N° 16615 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2003 Audience publique du 2 juillet 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête déposée le 24 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … , né le …, de nationalité chinoise, alias… , né le… , alias… , né le… , ayant été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 11 juin 2003 ordonnant la prorogation de son placement pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 juin 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juin 2003.

Le 14 avril 2003, Monsieur … fut intercepté par la police grand-ducale du Findel alors qu’il tentait de voyager en destination de Londres moyennant un passeport japonais ne lui appartenant pas.

Par une décision du ministre de la Justice du 14 avril 2003, Monsieur … fut placé temporairement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig.

Par une décision du ministre de la Justice du 14 mai 2003, la mesure de placement fut prorogée une première fois pour une durée d’un mois à partir de sa notification.

Par une décision du ministre de la Justice du 11 juin 2003, la mesure de placement fut prorogée une deuxième fois pour une durée d’un mois à partir de sa notification sur base des motifs et considérations suivants :

1 « Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mes arrêtés pris en date des 14 avril et 14 mai 2003 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé a fait usage d’un passeport japonais ;

Considérant que l’intéressé a été placé en détention préventive jusqu’en date d’aujourd’hui ;

- qu’il est démuni de toutes pièces d’identité et de voyage valables ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités chinoises ;

- qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;» Par requête déposée le 24 juin 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle du 11 juin 2003 portant prorogation de son placement.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre ladite décision. Ledit recours ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … invoque en premier lieu le fait que les autorités compétentes n’auraient pas effectué des démarches suffisantes afin d’organiser son éloignement du territoire luxembourgeois, alors qu’elles auraient eu largement le temps de le faire et ce à partir du 14 avril 2003. En deuxième lieu, le demandeur invoque que les autorités administratives resteraient en défaut de justifier des circonstances particulièrement graves à la base de la décision litigieuse, étant donné que l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers subordonnerait la prorogation de la décision de placement au constat de la « nécessité absolue », de sorte que la décision devrait encourir la réformation. En troisième lieu, Monsieur … estime que la mesure de placement constituerait une mesure disproportionnée, l’esprit de la loi du 28 mars 1972, ainsi que les travaux parlementaires étant à interpréter dans le sens que le pouvoir exécutif devrait mettre en place une structure spécifique et appropriée pour accueillir les personnes placées par décision du pouvoir exécutif.

En ce qui concerne l’absence de démarches suffisantes entreprises et par conséquent l’absence de « nécessité absolue » en résultant, pourtant nécessaire à la prorogation de la décision de placement, il appartient au tribunal d’analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rend la prorogation de la décision de placement inévitable.

2En l’espèce, il se dégage des pièces versées en cause que le 16 avril 2003, le ministre de la Justice a chargé le service de police judiciaire d’enquêter sur le demandeur. Le 29 avril 2003, le ministre de la Justice a pris contact avec l’ambassade de la République populaire de Chine en vue de l’émission d’un document de voyage. Le 26 mai 2003, un rappel a été envoyé à l’ambassade de la République populaire de Chine. Le 10 juin 2003, ladite ambassade répond que les recherches sur l’identité du demandeur n’ont donné aucun résultat positif et que les renseignements précis comme le vrai nom, la date et le lieu de naissance, de résidence et de délivrance du passeport pourront être nécessaire pour l’identifier. Le 12 juin 2003, le ministre de la Justice a chargé une deuxième fois le service de police judiciaire d’enquêter sur le demandeur. Il ressort d’un message « Interpol » parvenu au ministère de la Justice le 18 juin 2003, que Monsieur … est connu en France sous deux autres identités différentes. Le même jour , le ministre de la Justice a sollicité la réadmission du demandeur auprès du « Service de la police aux frontières Thionville », sur base des nouvelles identités relevées par « Interpol ».

Le 20 juin 2003, les autorités françaises rejettent cette demande de réadmission informelle et prient les autorités luxembourgeoises d’adresser une demande officielle au ministère de l’Intérieur. Le 26 juin 2003, une nouvelle demande de réadmission est officiellement adressée au ministère de l’Intérieur. Le 26 juin 2003, le ministre de la Justice communique les deux identités différentes à l’ambassade de la République populaire de Chine en demandant de bien vouloir faire de nouvelles recherches sur base des informations supplémentaires ainsi fournies.

Il s’ensuit que des démarches suffisantes ont été entreprises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais de Monsieur …, de sorte que le moyen y relatif est à écarter, ceci d’autant plus que le demandeur n’a pas coopéré à l’établissement de sa véritable identité, ce qui aurait permis d’écourter les délais nécessaires à préparer son éloignement du territoire.

Concernant finalement le prétendu caractère disproportionné de la mesure de placement en ce que le demandeur soutient qu’il ne serait pas placé dans une « infrastructure spécifique et appropriée », il est constant en cause que Monsieur … n’a pas été placé dans la partie réservée au régime pénitentiaire au sein du Centre pénitentiaire de Schrassig, mais dans une structure spécifique y aménagée, à savoir le nouveau Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière créé par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002.

Dans la mesure où le caractère approprié de cet établissement au sens de l’article 15 (1) de la loi prévisée du 28 mars 1972 se dégage d’un texte réglementaire, il ne saurait dès lors plus être sujet à discussion.

En effet, dans la mesure où il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de placement administrative sur base dudit article 15 en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 précité, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence éventuelle de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

3 Au vu de ce qui précède les reproches tirés du prétendu caractère disproportionné de la mesure de placement litigieuse sont également à rejeter comme étant non pertinents.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juillet 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16615
Date de la décision : 02/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-02;16615 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award