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02/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16614

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juillet 2003, 16614


Tribunal administratif N° 16614 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2003 Audience publique du 2 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16614 du rôle, déposée le 24 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Wenzhou (Chine), de natio...

Tribunal administratif N° 16614 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2003 Audience publique du 2 juillet 2003

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Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16614 du rôle, déposée le 24 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Wenzhou (Chine), de nationalité chinoise, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de la Justice du 30 mai 2003 prononçant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Il ressort d’un procès-verbal référencé sous le numéro 10774 du centre d’intervention de Luxembourg de la police grand-ducale du 29 mai 2003 que Monsieur … fit l’objet d’une mesure de rétention ordonnée en date du même jour par le substitut du procureur d’Etat près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

Monsieur … fut ensuite placé, par arrêté du ministre de la Justice du 30 mai 2003, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le procès-verbal no 10774 du 29 mai 2003 établi par la Police grand-ducale, Centre d’Intervention, Luxembourg ;

Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention en date du 29 mai 2003 ;

Considérant que l’intéressé prétend avoir demandé asile auprès des autorités françaises ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 sera adressée dans les meilleurs délais aux autorités françaises ;

- qu’en attendant l’accord de reprise de ces autorités, l’éloignement immédiat de l’intéressé vers la France n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 24 juin 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de l’arrêté ministériel de placement du 30 mai 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 30 mai 2003. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur estime en premier lieu que le recours par le ministre à une mesure de placement sur base de l’article 15 de la loi prévisée du 28 mars 1972 constituerait une mesure largement disproportionnée dans ses effets, étant donné que l’article 12 de la même loi aurait constitué une base suffisante pour ordonner purement et simplement son refoulement vers la France au vu de son statut de demandeur d’asile dans ce pays, de manière que l’arrêté déféré devrait encourir l’annulation pour erreur d’appréciation manifeste sinon pour excès de pouvoir.

Le demandeur conteste en outre que les autorités compétentes auraient entrepris les démarches nécessaires en vue de son éloignement vers la France dans les délais les plus brefs, au vu de sa rétention depuis « presque plus de 3 semaines ».

Il y a lieu de relever liminairement que le demandeur ne conteste pas que les conditions de fond d’un refoulement, se trouvant nécessairement à la base de l’arrêté de placement entrepris à défaut d’arrêté d’expulsion, se trouvent réunies en l’espèce.

Il est en outre constant en cause que le demandeur a fait l’objet, en France, d’une décision de refus du statut de réfugié par le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, prise en date du 7 août 1995.

Il s’ensuit que le demandeur tombe directement dans les prévisions de l’article 10, 1.

de la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés Européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990, approuvée par une loi du 20 mai 1993, en ce sens qu’il se trouve visé soit par le point c) dudit article en tant que demandeur d’asile dont la demande est encore en cours d’examen et qui se trouve irrégulièrement dans un autre Etat membre, soit par le point e) du même article en qualité d’étranger dont la demande d’asile a été définitivement rejetée et qui se trouve irrégulièrement dans un autre Etat membre, étant précisé qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis au tribunal que la France aurait pris les dispositions nécessaires pour que le demandeur rentre dans son pays d’origine ou dans un autre pays où il aurait pu se rendre légalement.

Dans la mesure où la Convention de Dublin du 15 juin 1990 est un instrument de droit international régissant spécifiquement les droits et obligations des Etats membres de l’Union européenne face aux ressortissants d’Etats tiers ayant déposé une demande d’asile sur le territoire de l’Union européenne, elle doit trouver application en l’espèce, conformément au principe que les lois spéciales dérogent aux lois générales, par dérogation à toute disposition de droit international ou interne régissant d’une manière plus générale le statut des ressortissants d’Etats tiers.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a eu recours en l’espèce à la procédure spécifique instaurée par l’article 13 de ladite Convention du 15 juin 1990 en soumettant aux autorités françaises une demande de reprise en charge préliminairement à l’exécution de toute mesure d’éloignement.

Concernant les diligences déployées, il y a lieu de signaler en premier lieu que, contrairement à ses affirmations actuelles, le demandeur a présenté en date du 29 mai 2003 auprès des autorités luxembourgeoises une demande en obtention du statut de réfugié et que devant l’incertitude de la situation administrative du demandeur, les autorités luxembourgeoises ont procédé à son audition en date du 10 juin 2003 pour l’hypothèse où il se serait révélé qu’aucune procédure de demande d’asile n’aurait été pendante en France. Ce n’est que le 16 juin 2003 que les autorités luxembourgeoises ont été informées par le mandataire du demandeur de la prédite décision française de rejet du statut de réfugié du 7 août 1995. En parallèle, le ministre de la Justice avait cependant déjà saisi en date du 2 juin 2003 le service de police judiciaire d’une demande d’enquête sur le demandeur et de confection de trois photos et d’une fiche signalétique en vue de son éloignement éventuel, documents qui furent retournés au ministère par transmis du 16 juin 2003, parvenu au ministère de la Justice le 18 juin 2003. Finalement, à la suite de la confirmation par les autorités françaises en date du 19 juin 2003 de leur compétence en vertu de l’article 10 de la Convention de Dublin, le ministre de la Justice a soumis le 24 juin 2003 au ministère de l’Intérieur français une demande formelle de reprise en charge du demandeur en se prévalant expressément de la Convention susvisée du 15 juin 1990.

Au vu des diligences ainsi déployées, on ne saurait reprocher au ministre de ne pas avoir entrepris des démarches suffisantes en vue de l’éloignement du demandeur vers la France, de manière que le reproche du demandeur laisse d’être fondé, d’autant plus qu’il a affiché tout au long de son séjour au Luxembourg un manque flagrant de coopération avec les autorités en vue de l’éclaircissement de sa situation administrative, attitude qui ressort plus particulièrement du rapport d’audition du 10 juin 2003.

Le demandeur critique finalement le caractère disproportionné de la mesure de placement prise à son encontre en faisant valoir qu’il serait soumis au Centre de séjour provisoire à Schrassig à un régime identique à celui des détenus de droit commun, à l’exception du droit limité à la correspondance et de la dispense de l’obligation de travail, et que partant ledit centre ne constituerait pas un établissement approprié pour l’exécution d’une mesure de placement.

Force est de constater cependant que le nouveau centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière a été créé par la voie d’un règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, de sorte que le caractère approprié de cet établissement au sens de l’article 15 (1) de la loi prévisée du 28 mars 1972 se dégage directement d’un texte réglementaire et ne saurait dès lors plus être sujet à discussion, aucune exception d’illégalité afférente n’ayant été soulevée en cause.

Il résulte des développements qui précèdent que le recours n’est fondé en aucun de ses moyens et doit partant être rejeté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 2 juillet 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16614
Date de la décision : 02/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-02;16614 ?

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