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02/07/2003 | LUXEMBOURG | N°16511

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juillet 2003, 16511


Numéro 16511 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juin 2003 Audience publique du 2 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16511 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2003 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre d

es avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Gradacac (Bosnie-Herzégovine), d...

Numéro 16511 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juin 2003 Audience publique du 2 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16511 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2003 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Gradacac (Bosnie-Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 27 février 2003, notifiée le 4 mars 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du 25 avril 2003, rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2003 par Maître Edmond DAUPHIN au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en ses plaidoiries.

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Le 9 janvier 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu le 13 février 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 27 février 2003, notifiée par lettre recommandée le 4 mars 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il n’allèguerait aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève. Le ministre a en effet retenu que le fait que Monsieur … risquerait une peine de prison pour port d’armes illégal ne saurait fonder une demande en obtention du statut de réfugié.

A la suite d’un recours gracieux daté au 4 avril 2003 introduit par le mandataire du demandeur auprès du ministre de la Justice, ce dernier a confirmé, par décision du 25 avril 2003, sa décision initiale du 27 février 2003.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 27 février et 25 avril 2003.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, ainsi qu’un mémoire en réplique, le jugement est réputé contradictoire entre parties. Il échet de relever à cet égard que par lettre du 30 juin 2003, parvenue au tribunal avant l’audience fixée pour les plaidoiries, le mandataire du demandeur a informé le tribunal qu’il était dans l’impossibilité de se présenter à l’audience des plaidoiries et qu’il sollicitait l’exoine, mais que le tribunal a dû rejeter cette demande, étant saisi d’un recours dirigé contre une décision de refus d’une demande d’asile considérée comme manifestement infondée et devant statuer, conformément à l’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996, dans le mois de l’introduction de la requête.

Ledit article 10 (3) dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’en tant que bosniaque musulman il ferait l’objet d’une « exclusion de nature sociale pure et simple » qui s’apparenterait à « une forme lancinante de persécution » qui devrait lui permettre de bénéficier des dispositions protectrices de la Convention de Genève. Le demandeur fait plus particulièrement état de problèmes rencontrés avec les autorités policières et judiciaires dans son pays d’origine suite à la découverte, au courant du mois d’août 2002, de plusieurs armes et « bombes » (sic) à son domicile, qui y auraient été cachées en 1993, à une époque où il avait 15 ans, ce qui lui aurait valu une convocation devant le tribunal et une condamnation à une peine d’emprisonnement d’un an, et comme l’idée d’être enfermé constituerait pour lui un cauchemar insoutenable, il aurait décidé de quitter son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial et non sur un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 93 et autres références y citées).

Par ailleurs, il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement. Ainsi, il ne suffit pas d’invoquer une crainte de persécution pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, il faut encore que le demandeur d’asile soumette aux autorités compétentes des éléments suffisamment précis permettant à celles-ci d’apprécier la réalité de cette crainte. L’absence de production de tels éléments a pour conséquence que la demande d’asile doit être déclarée manifestement infondée.

En l’espèce, il ressort du rapport d’audition du 13 février 2003 que le demandeur se dit « persécuté » par les autorités de son pays d’origine en raison du fait qu’il n’aurait pas rendu des armes de guerre, tout en étant conscient qu’il aurait normalement dû les restituer. Or, une telle attitude relève de la criminalité de droit commun, laquelle, quelle que soit la gravité de la peine encourue, ne saurait en tout état de cause être qualifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, mais traduit plutôt dans le chef du demandeur un sentiment d’insécurité. A cela s’ajoute, que le demandeur n’a produit aucune pièce documentant sa prétendue convocation devant le tribunal et la peine d’emprisonnement d’un an qui s’en serait suivie.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 2 juillet 2003 par le vice-président en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16511
Date de la décision : 02/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-02;16511 ?

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