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02/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15804

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juillet 2003, 15804


Numéro 15804 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2002 Audience publique du 2 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15804 du rôle, déposée le 24 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au t

ableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité...

Numéro 15804 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2002 Audience publique du 2 juillet 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15804 du rôle, déposée le 24 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 23 septembre 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 18 novembre 2002 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie à l’audience publique du 5 mai 2003.

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Le 30 avril 2002, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 16 mai 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 23 septembre 2002, notifiée en date du 8 octobre suivant, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 8 novembre 2002 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 18 novembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles initiale du 23 septembre 2002 et confirmative du 18 novembre 2002 par requête déposée le 24 décembre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur, de confession musulmane, expose qu’il aurait été confronté dans son pays d’origine, en raison de sa qualité de membre du parti démocratique d’Albanie, à de graves problèmes suite à des agissements de la part de personnes membres du parti socialiste. Il relève notamment à cet égard qu’en rentrant en voiture avec son père après un meeting du parti, ils auraient été arrêtés par une autre voiture conduite par le chauffeur du président du parti socialiste et dont quatre personnes seraient descendues pour frapper son père et les injurier et que la police leur aurait ensuite dit qu’ils ne pourraient « rien entreprendre contre ces gens parce que c’était le chauffeur du président du parti socialiste ». Il reproche alors sur base de ces éléments au ministre une appréciation erronée des faits de l’espèce et de ne pas avoir tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait des persécutions dont il aurait été la victime et du risque qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine en tant que membre du parti démocratique qui se verrait empêché d’exprimer en toute liberté et sécurité ses opinions politiques. Il ajoute que les autorités compétentes de son pays d’origine ne seraient pas en mesure de lui assurer une quelconque protection « alors que les auteurs des agressions dont a été victime le requérant émanent de personnes idéologiquement proches des autorités en place et partant bénéficier d’une certaine impunité » [sic].

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 16 mai 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, même si les déclarations du demandeur relatives à son engagement pour le parti démocratique, dont son père est le président de l’arrondissement de Mallakaster, et aux menaces et actes dont il déclare avoir été la victime et qui en aurait été la conséquence paraissent crédibles, alors même que le demandeur n’a pas étayé l’ensemble des faits à la base de sa demande d’asile par des pièces afférentes, le tribunal est néanmoins amené à constater que les actes concrets de persécution invoqués par le demandeur paraissent émaner essentiellement de personnes privées étrangères aux autorités publiques, à savoir plus particulièrement de certains milieux politiques, de manière qu’ils s’analysent dans cette mesure en une persécution émanant non pas de l’Etat, mais d’un groupe de la population et ne sauraient dès lors être reconnus comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève.

En outre, s’il est vrai que le demandeur met en cause également la disposition des forces de l’ordre à mener les investigations requises pour identifier les auteurs de l’attentat commis à son encontre, l’existence d’une persécution de la part de l’Etat ne saurait être admise dès la commission d’un acte de persécution de la part d’une personne au service des autorités publiques, mais seulement dans l’hypothèse où les autorités spécifiquement compétentes pour la poursuite et de la répression des actes de persécution commis soit encouragent ou tolèrent ces actes, soit sont incapables d’entreprendre des démarches d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion contre la commission de tels actes de la part de personnes au service de l’Etat ou des collectivités locales.

Dans les deux hypothèses, il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en exergue par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves CARLIER : Qu’est-

ce qu’un réfugié ?, p. 113, n° 73 et suivants ; trib. adm. 26 mars 2003, n° 15317, non encore publié, confirmé par Cour adm. 1er juillet 2003, n° 16334C).

S’il est en l’espèce certes crédible que la motivation des personnes ayant commis les actes de persécution allégués est susceptible d’avoir trait à l’activité politique du demandeur, les éléments du dossier ne permettent cependant de retenir, au-delà des simples affirmations afférentes du demandeur, ni que celui-ci ait concrètement recherché la protection des autorités en place dans son pays d’origine, ni l’incapacité de ces dernières pour lui assurer un niveau de protection suffisante, ni encore le défaut de toute poursuite des actes de persécution commis à son encontre.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juillet 2003 par:

M. RAVARANI, président, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT RAVARANI 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15804
Date de la décision : 02/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-02;15804 ?

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