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02/07/2003 | LUXEMBOURG | N°15793

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juillet 2003, 15793


Numéro 15793 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2002 Audience publique du 2 juillet 2003 Recours formé par les époux … et … …-…, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15793 du rôle, déposée le 23 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avoc

at à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né ...

Numéro 15793 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2002 Audience publique du 2 juillet 2003 Recours formé par les époux … et … …-…, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15793 du rôle, déposée le 23 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, et de son épouse, Madame …, née le …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, …, …, … et … …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 20 septembre 2002 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 20 novembre 2002 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie à l’audience publique du 5 mai 2003.

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Le 5 octobre 2001, Monsieur … et son épouse, Madame … introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Les époux …-… furent entendus séparément en date du 29 avril 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa les époux …-… par décision du 20 septembre 2002, leur notifiée le 7 octobre 2002, de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Le recours gracieux formé par les époux …-… à travers un courrier de leur mandataire du 7 novembre 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 20 novembre 2002, ils ont fait introduire un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles de rejet des 20 septembre et 20 novembre 2002 par requête déposée le 23 décembre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs, originaires du Monténégro et appartenant à la minorité bochniaque, exposent avoir quitté cette province pour solliciter, en raison de la situation instable dans leur pays d’origine et de leur appartenance ethnique, principalement l’obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires et subsidiairement la reconnaissance du statut de réfugié. Ils font valoir que les décisions entreprises véhiculeraient un rejet implicite de leur demande principale en obtention d’une autorisation de séjour, laquelle serait cependant dépourvue de toute motivation, contrairement aux exigences posées par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, de manière qu’elle devrait encourir l’annulation de ce chef. Ils affirment également que la situation dans leur pays d’origine ne serait pas encore stabilisée pour permettre leur retour en sécurité et en dignité à l’heure actuelle, entraînant qu’un retour serait encore impossible et que le statut de réfugié devrait leur être reconnu.

Il ressort des éléments du dossier que les demandeurs avaient déposé le 5 octobre 2001 exclusivement une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique et que la décision ministérielle de rejet déférée du 20 septembre 2002 se rapportait également exclusivement à cette demande d’asile. Ce n’est que dans le cadre de leur recours gracieux du 7 novembre 2002 que les demandeurs ont fait soumettre la demande ainsi formulée :

« L’expression très générale de la crainte de mes mandants exprimée dans le cadre de leur demande d’asile devant l’agent du Ministre de la Justice en date du 29 avril 2002, laisse cependant aussi penser que les chances d’obtenir de la part de la juridiction administrative une réformation de la décision querellée sont quasiment inexistantes pour ne pas dire nulles.

C’est pourquoi principalement il est donné à considérer que mes mandants s’abstiendront de saisir lesdites juridictions administratives d’un éventuel recours en réformation à condition cependant que votre ministère leur délivre un titre de séjour pour des raisons humanitaires eu égard à leur situation particulière relatant de façon nette l’angoisse d’un retour dans leur pays d’origine.

L’autorisation de séjour dans le chef de mes mandants est sollicitée sur la base de considérations humanitaires, notamment le fait leur retour au Monténégro, respectivement dans une région politiquement agitée, serait problématique pour eux en cas de retour dans leur pays d’origine. [sic] Subsidiairement vous voudrez considérer la présente comme recours gracieux formé à l’encontre de la décision ministérielle alors que la situation dans le pays d’origine n’est pas suffisamment stabilisée pour permettre le retour de mes mandants en toute sécurité et dignité à l’heure actuelle ».

Face à cette double demande, le ministre a pris position dans sa décision du 20 novembre 2002 comme suit :

« Après avoir procédé au réexamen du dossier de vos mandants, je suis toutefois au regret de vous informer qu’à défaut d’éléments pertinents nouveaux, je ne saurais réserver une suite favorable à votre demande et je ne peux que confirmer ma décision du 20 septembre 2002, notifiée le 7 octobre 2002, dans son intégralité ».

Il ressort ainsi du libellé de la seconde décision ministérielle déférée du 20 novembre 2002 qu’elle n’entend pas vider, ne serait-ce qu’implicitement, la demande en obtention d’une autorisation de séjour formulée dans le recours gracieux du 7 novembre 2002, mais se confiner à vider le recours gracieux contre la décision ministérielle du 20 septembre 2002 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié. Cette analyse se trouve confirmée par le mémoire du délégué du Gouvernement qui limite son argumentation à la question de la justification des décisions ministérielles déférées par rapport à la demande d’asile en cause. Il s’ensuit que l’objet du recours contentieux sous analyse est également, par la force des choses, limité à la question de savoir si les demandeurs doivent bénéficier de la protection de la Convention de Genève, seule question ayant été abordée par la décision critiquée.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, v° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les moyens des demandeurs tirés de la situation générale dans leur pays d’origine s’analysent en l’expression d’un sentiment général d’insécurité, sans que les demandeurs n’aient établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine. En effet, les demandeurs ont déclaré lors de leurs auditions qu’ils avait quitté leur pays en substance en raison de la mauvaise situation économique au Monténégro et de l’impossibilité de subvenir à leurs besoins, mais qu’ils n’avaient pas fait l’objet de persécutions personnelles.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance, de manière que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme les demandeurs ont pris position par écrit par le fait de déposer leur requête introductive d’instance et un mémoire en réplique, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juillet 2003 par:

M. RAVARANI, président, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT RAVARANI 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15793
Date de la décision : 02/07/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-02;15793 ?

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