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30/06/2003 | LUXEMBOURG | N°16196C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 00 juillet 2003, 16196C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16196 C Inscrit le 27 mars 2003 —————————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 10 JUILLET 2003 Recours formé par les époux … et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié (jugement entrepris du 17 mars 2003)  Vu la requête déposée le 27 mars 2003 par laquelle Maître Patrick Weinacht

, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a relevé appel au nom de …, né le … (Bosnie-Herzégovine), et de son épouse …, née le … (Monténégro/ex-Yougoslavie), agissant ta...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 16196 C Inscrit le 27 mars 2003 —————————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 10 JUILLET 2003 Recours formé par les époux … et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié (jugement entrepris du 17 mars 2003)  Vu la requête déposée le 27 mars 2003 par laquelle Maître Patrick Weinacht, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a relevé appel au nom de …, né le … (Bosnie-Herzégovine), et de son épouse …, née le … (Monténégro/ex-Yougoslavie), agissant tant en leur nom propre qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, contre le ministre de la Justice d’un jugement rendu le 17 mars 2003 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 15487 du rôle;

vu le mémoire en réponse déposé le 24 avril 2003 par le délégué du Gouvernement;

vu les pièces régulièrement versées et notamment les décisions critiquées, ainsi que le jugement entrepris;

ouï le conseiller en son rapport ainsi que Maître Tessy Kuborn, en remplacement de Maître Patrick Weinacht, et Madame la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries.

 Par requête inscrite sous le numéro 15487 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 octobre 2002 par Maître Patrick Weinacht, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, …, né le … (Bosnie-

Herzégovine) et son épouse …, née le …(Monténégro/ex-Yougoslavie), agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, ont demandé la réformation, sinon l’annulation d’une décision du ministre de la Justice prise en date du 14 mai 2002, notifiée en date du 3 juin 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision implicite de refus du ministre de la Justice, tirée du silence de plus de trois mois suite à un recours gracieux introduit le 2 juillet 2002.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement en date du 17 mars 2003, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Maître Patrick Weinacht , avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 27 mars 2003.

Le jugement est entrepris par rapport aux décisions ministérielles déférées pour violation de la loi sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits, à savoir la situation personnelle spécifique des appelants qui laisse supposer un danger grave et sérieux pour leur personne.

Le délégué du gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 24 avril 2003 dans lequel il demande la confirmation du jugement attaqué.

La Cour estime, sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux premiers juges, que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans ce contexte, il convient de préciser que les juridictions administratives sont appelées, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et 2 l’opportunité d’une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où ils statuent.

Le tribunal administratif a décidé à raison que dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des époux ….

C’est à juste titre, que les premiers juges ont estimé que l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives des 28 mai, 2 et 4 juin 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse ainsi que les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs ne font pas état à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leurs convictions et activités politiques, ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Les premiers juges sont encore à confirmer dans leur argumentation lorsqu’ils rappellent que, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs d’asile.

En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies y a été mise en place.

La notion de protection de la part du pays d’origine n’implique par ailleurs pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de toute acte de violence et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel ; il ne saurait en être autrement qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos. 73-s).

En ce qui concerne la situation des membres des minorités au Kosovo, notamment de celles des « bochniaques », s’il est vrai que leur situation générale est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discrimination ou agressions par des groupes de la population, notamment du groupe majoritaire des Albanais, elle n’est cependant pas telle que tout membre de la minorité ethnique visée serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs d’asile risquent de subir des traitements discriminatoires.

3 A cet égard, les premiers juges se sont référés à juste titre à une version actualisée du rapport de l’UNHCR datant de janvier 2003 sur la situation des minorités au Kosovo d’après laquelle la situation de sécurité générale des Bosniaques du Kosovo est restée stable et n’a pas été marquée par des incidents d’une violence sérieuse (« the general security situation of Kosovo Bosniaques remains stable with non incidents of serious violence »), de même qu’il est relevé dans ledit rapport que dans la période entre avril et octobre 2002 la situation des minorités au Kosovo au regard de leur sécurité a continué à s’améliorer, certes non pas de manière uniforme sur tout le territoire du Kosovo, mais de manière plus ou moins accélérée suivant les différentes régions passées sous revue, de sorte que les considérations avancées dans ledit rapport au sujet de l’organisation de retours forcés au Kosovo ne permettent pas pour autant de conclure que la situation générale des Bosniaques au Kosovo serait à l’heure actuelle grave au point que la seule appartenance à ladite minorité justifierait l’octroi du statut de réfugié dans leur chef.

Les arguments et pièces nouvelles soumises en rapport avec un prétendu défaut de moyens de subsistance en cas de retour des appelants dans leur pays d’origine ne sont pas à prendre en considération dans le cadre d’une procédure d’octroi du statut de réfugié politique.

Il suit de ce qui précède que les appelants n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef.

Par ces motifs, la Cour, statuant contradictoirement ;

reçoit l’acte d’appel du 27 mars 2003 ;

le dit non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 17 mars 2003 dans toute sa teneur ;

condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par Georges Kill, président Jean-Mathias Goerens, premier conseiller Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur et lu par le président Georges Kill en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

4 le greffier en chef le président 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16196C
Date de la décision : 30/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-07-00;16196c ?

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