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30/06/2003 | LUXEMBOURG | N°16031

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juin 2003, 16031


Tribunal administratif N° 16031 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2003 Audience publique du 30 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’admission à la formation offerte aux chargés de cours et en matière d’équivalence de diplômes

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16031 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2003 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit a

u tableau auprès de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L...

Tribunal administratif N° 16031 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2003 Audience publique du 30 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’admission à la formation offerte aux chargés de cours et en matière d’équivalence de diplômes

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16031 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2003 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau auprès de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-

…, tendant à l’annulation 1. d’une décision du 21 novembre 2002 de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, lui refusant son admission à la formation offerte aux chargés de cours de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire, 2. contre une décision du 5 février 2003 de la même ministre lui refusant la reconnaissance d’équivalence de son diplôme d’ingénieur industriel au titre du diplôme de fins d’études secondaires luxembourgeois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2003 par Maître Romain ADAM au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Dominique FARYS, en remplacement de Maître Romain ADAM, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 juin 2003.

Le 21 novembre 2002, Monsieur … s’est vu refuser par la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, désignée ci-après par « la ministre », son admission à la formation offerte aux chargés de cours en application de la loi du 25 juillet 2002 concernant le remplacement des instituteurs de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire au motif qu’il ne remplit pas les conditions de l’article 1er point c) de la loi précitée aux termes duquel il faut être détenteur d’un diplôme de fin d’études secondaires ou d’un diplôme de fin d’études secondaires techniques ou d’un diplôme reconnu équivalent.

Le 5 décembre 2002, Monsieur … s’adressa à la ministre afin de voir reconsidérer sa décision.

Le 21 janvier 2003, la ministre informa Monsieur … que l’admission à la formation offerte aux chargés de cours exige dans le chef du candidat un diplôme de fin d’études secondaires ou secondaires techniques et lui conseilla de s’adresser au « service secondaire et secondaire technique » de son ministère.

Le 28 janvier 2003, Monsieur … demanda auprès du ministère de l’Education nationale la reconnaissance d’équivalence de son diplôme d’ingénieur industriel au diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires en vue de son admission à la formation prévisée.

Le 5 février 2003, la ministre lui refusa cette reconnaissance au motif que le diplôme d’ingénieur industriel n’est pas assimilable au diplôme de fin d’études secondaires.

C’est contre ces deux décisions émanant du ministre de l’Education nationale, la première du 21 novembre 2002 et la deuxième du 5 février 2003, que Monsieur … a fait introduire le 21 février 2003 un recours en annulation.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond dans les présentes matières, le recours en annulation introduit contre les deux décisions ministérielles litigieuses est recevable pour avoir été introduit, par ailleurs, dans les formes et délais de la loi.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il lui appartient d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, ainsi que de vérifier si les éléments de fait dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée.

Quant à la décision ministérielle du 5 février 2003 refusant à Monsieur … la reconnaissance d’équivalence du diplôme d’ingénieur industriel au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois Monsieur … fait valoir que la décision litigieuse se contenterait de l’informer que son diplôme d’ingénieur industriel n’est pas assimilable au diplôme de fin d’études secondaires, mais omettrait cependant d’en préciser les raisons. Il s’appuie sur l’article 1er du règlement grand-ducal du 8 septembre 1998 concernant l’organisation des études ainsi que les programmes et critères de promotion du cycle d’études de l’ingénieur industriel à l’Institut Supérieur de Technologie selon lequel les études à l’Institut Supérieur de Technologie confèrent à l’étudiant une formation supérieure dans les domaines de l’enseignement scientifique et de l’enseignement technologique ainsi qu’une formation générale et pratique propre à l’ingénieur industriel.

Il s’appuie encore sur l’article 29, point 2 de la loi du 11 août 1996 portant réforme de l’enseignement supérieur selon lequel « il est créé le grade d’ingénieur, de niveau universitaire, sous la dénomination d’ingénieur industriel (…) » et prévoyant en son dernier alinéa que « les diplômes d’ingénieur industriel et le diplôme y assimilé sur la base de l’article 31 ci-dessus sont inscrits d’office au registre des diplômes déposés au ministère de l’Education nationale, conformément à l’article 2 de la loi du 7 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur ».

Il fait valoir que le niveau universitaire serait par définition supérieur à l’enseignement secondaire et que partant le diplôme d’ingénieur industriel serait au moins équivalent au diplôme de fin d’études secondaires, voire d’une valeur supérieure.

Le délégué du Gouvernement remarque qu’il n’est pas contestable que le diplôme d’ingénieur industriel se situe dans le domaine de l’enseignement supérieur technique et qu’il sanctionne des études supérieures d’une durée effective de trois ans dans le chef de Monsieur … et représentant quatre ans selon le nouveau régime de l’ingénieur industriel. Cela ne changerait cependant rien au fait que Monsieur … n’est pas titulaire d’un diplôme de fin d’études secondaires tel que requis pour accéder à la formation en cours d’emploi offerte aux chargés de cours de l’éducation préscolaire ou de l’enseignement primaire, alors qu’il a pu accéder à l’Institut Supérieur de Technologie après sa réussite de l’enseignement moyen en 1977. Le diplôme de fin d’études secondaires ne pourrait en effet pas être considéré comme équivalent au diplôme d’ingénieur industriel, alors que la finalité et le champ des études concernées seraient bien différents.

Les études secondaires et secondaires techniques seraient axées sur une formation générale avec une finalité professionnelle limitée, alors que les études supérieures techniques à l’Institut Supérieur de Technologie seraient au contraire axées sur une formation purement professionnelle dans le domaine de l’ingénierie. Il serait dès lors évident que la réserve de suppléants dans l’enseignement primaire créée par la loi du 25 juillet 2002 requiert bien plus des connaissances générales que des connaissances techniques pointues et que ces connaissances générales requises se situeraient essentiellement dans le domaine des langues, domaine qui ne serait pas couvert par les études supérieures à l’Institut Supérieur de Technologie.

Monsieur …, dans son mémoire en réplique, fait valoir que ce serait à tort que le délégué du Gouvernement a retenu que la finalité et le champ des études sanctionnées par le diplôme d’ingénieur industriel seraient différents de celles sanctionnées par le diplôme de fin d’études secondaires, alors que l’article 21 de la loi du 21 mai 1979 et l’article 23 de la loi modifiée du 4 septembre 1990 portant entre autres sur la réorganisation de la formation professionnelle et de l’enseignement secondaire technique disposent qu’« en vertu de l’accès à des professions réglementées et de l’admission aux emplois du secteur public, le diplôme de technicien confère les mêmes droits que le diplôme de fin d’études secondaires ».

En arguant que la finalité et le champ des études des deux diplômes seraient différents, le délégué du Gouvernement ajouterait une condition supplémentaire à celle prévue par l’article 1er point c) de la loi du 25 juillet 2002 citée ci-avant, aux termes de laquelle il faut être détenteur d’un diplôme de fin d’études secondaires ou d’un diplôme de fin d’études secondaires techniques ou d’un diplôme reconnu équivalent. Il ne serait nullement exigé par cet article que le diplôme à reconnaître équivalent avec le diplôme de fin d’études secondaires devrait recouvrir le domaine des langues tel que le prétendrait à tort le délégué du Gouvernement.

Monsieur … souligne encore une fois que les études à l’Institut Supérieur de Technologie confèrent à l’étudiant une formation supérieure, de sorte que l’argumentation présentée par le délégué du Gouvernement tomberait à faux.

Le délégué du Gouvernement, dans son mémoire en duplique, rétorque que Monsieur … n’est pas titulaire d’un diplôme de technicien, de sorte que la disposition invoquée, à savoir l’article 23 de la loi modifiée du 4 septembre 1990 portant réforme de l’enseignement secondaire technique, ne lui serait pas applicable.

Il conclut qu’il n’existerait de fait aucune disposition légale établissant une équivalence entre le diplôme d’ingénieur industriel et le diplôme de fin d’études secondaires.

La question qui se pose en l’espèce est celle de la reconnaissance d’un diplôme luxembourgeois d’études supérieures et non pas d’un diplôme étranger au diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires en vue d’accéder à une formation spécifique organisée au Luxembourg.

Il est constant en cause que Monsieur … a réussi le collège d’enseignement moyen à Luxembourg en 1977. En 1984, il a obtenu le diplôme d’ingénieur technicien après des études de trois années à l’Institut Supérieur de Technologie. Le 25 janvier 2002, son diplôme d’ingénieur technicien a été assimilé au diplôme d’ingénieur industriel, option mécanique, conformément aux dispositions du règlement grand-ducal du 27 juillet 1997 déterminant la composition et les modalités de fonctionnement de la commission d’assimilation chargée d’évaluer la qualification scientifique ou professionnelle des ingénieurs techniciens en vue de leur conférer le titre d’ingénieur industriel.

A ce titre, il importe peu de savoir sous quelles conditions Monsieur … a acquis son diplôme luxembourgeois d’ingénieur industriel, face au fait, non contesté, qu’il est détenteur, depuis janvier 2002, d’un diplôme d’ingénieur industriel.

Il est constant que l’article 29, paragraphe 2 de la loi du 11 août 1996 portant réforme de l’enseignement supérieur crée « le grade d’ingénieur, de niveau universitaire, sous la dénomination d’ingénieur industriel » et que les diplômes d’ingénieur industriel et les diplômes y assimilés sur base de l’article 31 de la loi du 11 août 1996 sont inscrits d’office au registre des diplômes conformément à l’article 2 de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur. Il est de même constant qu’en vertu de l’article 1er du règlement grand-ducal du 30 septembre 1997 déterminant les conditions d'admission en première année de la formation d'ingénieur industriel et l'organisation des études de la première année de formation d'ingénieur industriel à l'Institut supérieur de technologie le candidat détenteur :

- soit d'un diplôme de fin d'études secondaires ou secondaires techniques luxembourgeois, - soit d'un diplôme de technicien luxembourgeois, - soit d'un diplôme étranger reconnu équivalent par le Ministre de l'Education Nationale et de la Formation professionnelle, est admis en première année d'études de la formation d'ingénieur industriel à l'Institut supérieur de Technologie.

Etant donné que Monsieur … est détenteur d’un diplôme d’enseignement supérieur par définition supérieur à un diplôme d’études secondaires classiques ou techniques, dont la détention constitue actuellement une condition préalable à la formation d’ingénieur industriel, la ministre n’a pas valablement pu lui refuser l’équivalence demandée dans le cadre spécifique de son admission à la formation offerte aux chargés de cours de l’éducation préscolaire ou de l’enseignement primaire telle qu’envisagée par la loi du 21 novembre 2002 citée ci-dessus.

Au vu de cette seule constatation, il n’y a pas lieu d’examiner plus en avant les autres moyens présentés au cours de la procédure contentieuse à l’encontre de la décision ministérielle déférée du 5 février 2003.

Au vu des circonstances particulières de l’espèce et au vu de la demande d’équivalence circonscrite dans un cadre limité et précis, à savoir l’admission à la formation offerte aux chargés de cours de l’éducation préscolaire ou de l’enseignement primaire, la décision ministérielle du 5 février 2003 est partant à annuler.

Quant à la décision ministérielle du 21 novembre 2002 refusant l’admission de Monsieur … à la formation offerte aux chargés de cours de l’enseignement primaire Monsieur … ainsi que le délégué du Gouvernement ne présentent pas de moyens spécifiques propres ayant trait plus spécialement à la décision ministérielle lui refusant son admission à la formation offerte aux chargés de cours de l’enseignement primaire, si ce n’est celui présenté par le demandeur tendant à dire que la ministre n’a pas pu lui refuser son admission au titre de cette formation en arguant que son diplôme d’ingénieur industriel ne serait pas reconnu équivalent au diplôme de fin d’études secondaires.

La loi du 25 juillet 2002 concernant le remplacement des instituteurs de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire dispose en son article 1er :

« Une formation en cours d’emploi est offerte aux chargés de cours de l’éducation préscolaire ou de l’enseignement primaire qui satisfont aux dispositions suivantes:

a) remplir les conditions de l’article 3 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat ;

b) faire valoir une durée de service de trois ans comme chargé de cours dans l’éducation préscolaire ou dans l’enseignement primaire publics;

c) être détenteur d’un diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires ou d’un diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires techniques ou d’un diplôme reconnu équivalent par le ministre ayant l’Education nationale dans ses attributions, désigné ci-après par le terme «le ministre» ;

d) être détenteur d’une attestation habilitant à faire des remplacements, délivrée par le Collège des inspecteurs de l’enseignement primaire, désigné ci-après par le terme «le Collège des inspecteurs ».

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif fait son analyse au jour où la décision a été prise.

Il est constant qu’en date du 21 novembre 2002, Monsieur … n’était détenteur ni d’un diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires classiques ou techniques, ni d’un diplôme reconnu équivalent, la demande y relative ne datant que du 28 janvier 2003.

C’est dès lors à bon droit, au moment où elle a statué sur base des faits acquis à l’époque, en l’absence d’une décision reconnaissant son diplôme d’ingénieur industriel équivalent au diplôme de fins d’études secondaires, que la ministre a pu refuser l’admission de Monsieur … à la formation offerte aux chargés de cours de l’éducation préscolaire ou de l’enseignement primaire.

Le recours est partant non fondé sous ce volet.

En ce qui concerne l’indemnité de procédure demandée par Monsieur …, force est de constater que les conditions d’application de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ne sont pas remplies en espèce.

L’article 33 dispose : « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ».

En effet, Monsieur … reste en défaut de préciser d’un côté la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et d’un autre côté en quoi il serait inéquitable de laisser les frais non compris dans les dépens à sa charge.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute en tant que dirigé contre la décision ministérielle déférée du 21 novembre 2002 ;

au fond le déclare justifié en tant que dirigé contre la décision ministérielle déférée du 5 février 2003 ;

partant annule la décision déférée du 5 février 2003 et renvoie l’affaire devant la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports ;

dit que la demande en allocation d’une indemnité de procédure n’est pas fondée ;

fait masse des frais et les impose pour moitié à Monsieur … et pour l’autre moitié à l’Etat.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 juin 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16031
Date de la décision : 30/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-30;16031 ?

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