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30/06/2003 | LUXEMBOURG | N°16018

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juin 2003, 16018


Tribunal administratif N° 16018 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 février 2003 Audience publique du 30 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire à points

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16018 du rôle et déposée le 19 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Cathy ARENDT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une dé

cision du ministre des Transports du 2 décembre 2002 l’informant que deux points ont été retiré...

Tribunal administratif N° 16018 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 février 2003 Audience publique du 30 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire à points

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16018 du rôle et déposée le 19 février 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Cathy ARENDT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Transports du 2 décembre 2002 l’informant que deux points ont été retirés du capital dont est doté son permis de conduire en raison d’un avertissement taxé dressé pour une infraction au Code de la Route ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Cathy ARENDT pour Monsieur … au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Cathy ARENDT et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 juin 2003.

Monsieur … fit l’objet d’un avertissement taxé d’un montant de 145 €, duquel il résulte qu’il a commis en date du 19 novembre 2002 à Ettelbruck une infraction au Code de la route pris plus précisément en son article 107-01 pour inobservation d’un signal de priorité « Cédez le passage ».

Le 27 novembre 2002, Monsieur … paya cet avertissement taxé.

Le 2 décembre 2002, il s’est vu notifier par lettre recommandée une décision du ministre des Transports l’informant que 2 points ont été retirés de son capital dont est doté son permis de conduire pour l’infraction au Code de la route y renseignée et que le nombre de points restant s’élève à 10.

Par requête déposée le 19 février 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre cette décision du ministre des Transports du 2 décembre 2002.

En premier lieu, Monsieur … invoque une violation des formes légales destinées à protéger ses intérêts privés. Il fait valoir qu’il n’aurait pas été dûment informé, antérieurement à la décision prise, du nombre de points lui retirés, la rubrique afférente du formulaire de l’avertissement taxé n’étant pas remplie. Cette façon de procéder serait contraire à l’article 2bis, paragraphe 2, alinéa 5 de la loi du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques telle que modifiée par la loi du 2 août 2002, ainsi qu’à l’article 4bis, paragraphe 1, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 26 août 1993 relatif aux avertissements taxés, aux consignations pour contrevenants non résidents et aux mesures d’exécution de la législation sur la mise en fourrière des véhicules en matière de circulation routière, tel que modifié par le règlement grand-ducal du 2 août 2002. Il conclut que la décision du ministre des Transports se baserait ainsi sur un document incomplet et affecté d’un vice de forme.

Le délégué du Gouvernement revient aux faits sous-jacents à l’affaire. Il fait valoir qu’en date du 19 novembre 2002, Monsieur … s’est vu adresser un avertissement taxé pour inobservation d’un signal de priorité « Cédez le passage » ; qu’après avoir reçu l’information sur la réduction de points, il a signé l’avertissement taxé et qu’en date du 27 novembre 2002, il a procédé au paiement de l’avertissement taxé en question. Il ajoute qu’après avoir été informé de l’avertissement taxé par la voie informatique, le ministre des Transports aurait tout simplement adressé à Monsieur … en date du 10 décembre 2002 l’information usuelle sur la réduction des points intervenue.

Quant à l’inobservation des formalités prescrites, le délégué du Gouvernement relève que l’avertissement taxé signé par Monsieur … comporte la mention que « le contrevenant a été avisé dans les termes de la loi de la réduction de points résultant de l’application du présent avertissement taxé ». Il estime que par l’apposition de sa signature, Monsieur … aurait marqué son accord et qu’il serait dès lors mal placé pour affirmer qu’il ignorait les conséquences du non-respect du Code de la route. Il rappelle que l’article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 prévoit un catalogue des infractions qui entraînent un retrait de points, de sorte que toute personne serait censée connaître les conséquences du non-respect des règles du Code de la route. Il fait valoir que la lettre du 2 décembre 2002 du ministre des Transports constituerait le reçu du paiement de l’avertissement taxé effectué le 27 novembre 2002 et que ce reçu indique le nombre de points déduit pour en conclure que le moyen tiré de la violation de la procédure serait à écarter.

Monsieur …, dans son mémoire en réplique, ne conteste pas qu’il s’est vu informer sur le principe d’un retrait de points. Il souligne cependant que le nombre de points retirés ne lui aurait pas été communiqué au moment du paiement de l’avertissement taxé, mais aurait seulement été porté à sa connaissance par la décision du ministre des Transports du 2 décembre 2002. Il rappelle que la rubrique expressément prévue sur l’avertissement taxé « Permis à points » n’a pas été remplie et que dès lors il n’aurait pas pu approuver par sa signature apposée le nombre de points retirés. Il remarque que s’il est vrai que la loi prévoit un catalogue des infractions qui entraînent un retrait de points, il serait clair que l’automobiliste qui se voit délivrer un avertissement taxé n’a en général pas le texte de loi sous la main à ce moment et que ce serait notamment la raison pour laquelle la loi prévoit une rubrique « Permis à points » sur le formulaire de l’avertissement taxé. Il conclut qu’il est un fait qu’en l’occurrence une formalité expressément prévue par la loi n’a pas été remplie et que le non-respect de cette formalité devrait pouvoir être sanctionné, de sorte que le moyen tiré de la violation de la procédure devrait être admis.

Etant donné que la décision du ministre des Transports de retirer le nombre de points prévu par la loi s’analyse en une décision administrative, (cf. doc. parl. 4712, relatif au projet de loi modifiant la loi du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur les toutes les voies publiques, p. 16 et suivantes), le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours introduit.

Aucun texte de loi ne prévoyant un recours au fond dans la présente matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, les dispositions légales et réglementaires pertinentes de la loi du 2 août 2002 ayant introduit le permis de conduire à points au Luxembourg sont les suivantes.

L’article 2bis de la loi du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques telle qu’elle a été modifiée en dernier lieu par la loi du 2 août 2002 dispose :

« Pour autant qu’une des infractions mentionnées ci-avant ait été commise sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, … tout avertissement taxé dont le contrevenant s’est acquitté dans les 45 jours suivant la constatation de l’infraction, entraîne une réduction du nombre de points affecté au permis de conduire. Cette réduction intervient de plein droit.

(…) La réduction de points suite à un avertissement taxé a lieu au moment du paiement de la taxe. Avant de décerner un avertissement taxé en relation avec une contravention donnant lieu à une réduction de points, le membre de la police grand-ducale ou de l’administration des douanes et accises avise le contrevenant de la réduction de points qu’entraîne le règlement de cet avertissement taxé. Les modalités de cette information sont arrêtées par règlement grand-ducal.

Lorsque la réalité d’une infraction entraînant une perte de points est établie dans les conditions qui précèdent, le ministre des Transports fait procéder à une réduction conséquente du nombre de points dont le permis de conduire de l’auteur de l’infraction se trouve en ce moment affecté.

Toute réduction de points donne lieu à une information écrite de l’intéressé sur la ou les infractions à l’origine de la réduction de points, ainsi que sur le nombre de points dont le permis de conduire concerné reste affecté. Les modalités de cette information sont arrêtées par règlement grand-ducal. » Il s’agit du règlement grand-ducal du 2 août 2002 modifiant le règlement grand-ducal du 26 août 1993 relatif aux avertissements taxés, aux consignations pour contrevenants non résidents et aux mesures d’exécution de la législation sur la mise en fourrière des véhicules en matière de circulation routière, dont l’article 4bis est libellé comme suit : « 1. Lorsque le paiement de l’avertissement taxé est susceptible d’entraîner une réduction des points, le membre de la police grand-ducale ou de l’administration des douanes et accises informent le contrevenant de la réduction de points qu’entraîne le règlement de la taxe. Il fait en outre signer par celui-ci la déclaration sur les formules spéciales publiées en annexe du présent règlement moyennant laquelle le contrevenant déclare avoir été avisé dans les termes de la loi de la réduction de points résultant de l’application de l’avertissement taxé en cause, la formule étant complétée par les mots « lu et approuvé ».

Par ailleurs, le contrevenant se voit remettre le reçu contre paiement de la somme due en vertu du catalogue des avertissements taxés repris en annexe, la rubrique permis à points dûment remplie… ».

Le tribunal retient qu’il résulte du reçu de l’avertissement taxé versé en cause que Monsieur … a été verbalisé le 19 novembre 2002 à Ettelbruck pour avoir commis une infraction au Code de la route et plus précisément pour inobservation du signal de priorité « Cédez le passage ». Il est constant que ce reçu porte la mention « le contrevenant a été avisé dans les termes de la loi de la réduction de points résultant de l’application du présent avertissement taxé ». Il est également constant que Monsieur … a signé ce reçu et que sa signature est précédée de la mention préimprimée « lu et approuvé ». Il est encore constant que la rubrique spéciale encadrée intitulée « Permis à points Pertes de points :

___ » n’a pas été remplie. Ce n’est qu’en date du 2 décembre 2002, par la décision du ministre des Transports actuellement litigieuse, que Monsieur … a été informé du nombre de points qui ont été retirés de son capital dont est doté son permis de conduire.

Les faits tels que présentés ne sont d’ailleurs ni contestés par Monsieur … ni par le délégué du Gouvernement.

La procédure juridique visée à travers le premier moyen peut être résumé de la façon suivante : le fait que la rubrique spéciale prévue sur le formulaire de l’avertissement taxé intitulée « Permis à points Perte de points :

______ », n’a pas été remplie, est-elle de nature à entraîner l’annulation de la décision du ministre des transports du 2 décembre 2002 pour violation des formalités substantielles prévues par la loi.

Il appartient au juge administratif de contrôler la régularité de la procédure. Ce faisant il y a lieu de tenir compte de plusieurs considérations. La réduction de points est une mesure administrative grave. Elle intervient de plein droit, c’est-à-dire elle a lieu automatiquement, le ministre devant infliger le retrait des points chaque fois que les conditions d’application en sont réunies.

Il en résulte que l’information du conducteur relative à l’existence de la réduction des points et au nombre afférent est substantielle afin de garantir ses droits. Cette information doit par ailleurs être préalable pour que le conducteur puisse payer et signer l’avertissement taxé en connaissance de tous les éléments en cause, d’autant plus que le payement de la taxe dans un délai de 45 jours, à compter de la constatation de l’infraction, s’analyse en une transaction laquelle a pour effet d’arrêter toute poursuite. Si en principe l’arrêt de toute poursuite est bénéfique pour le conducteur, elle lui enlève aussi la possibilité de voir contôler devant le juge pénal la réalité des faits à l’origine de l’infraction, s’il la conteste. Ce caractère transactionnel attaché au payement de la taxe devient d’autant plus important à partir du moment où la constatation de l’infraction entraîne de plein droit une réduction du nombre de points affecté au permis de conduire.

D’ailleurs les textes légaux et réglementaires cités ci-avant prévoient expressément le caractère préalable de cette information.

Ce n’est que lorsque la réalité d’une infraction entraînant une perte de points est établie dans ces conditions, à savoir en l’espèce :

1. information par l’agent responsable que le paiement de l’avertissement taxé entraîne une réduction de points ;

2. inscription du nombre de points perdus sous la rubrique « Permis à points Perte de points :

______ » ;

3. apposition de la signature sur l’avertissement taxé par le conducteur après les formules préimprimées « Le contrevenant a été avisé dans les termes de la loi de la réduction de points résultant de l’application du présent avertissement taxé » et « lu et approuvé » ;

4. remise au conducteur du reçu contre paiement de la somme due, la rubrique « Permis à points Perte de points :

______ » dûment remplie, que le ministre procède à une réduction conséquente du nombre de points.

Au vu du caractère substantiel et préalable de tous les éléments relatifs à l’information du conducteur, éléments dont le contrôle de régularité incombe au ministre des Transports chargé de retirer les points perdus afférents et de les comptabiliser, le moyen développé par le délégué du Gouvernement tendant à faire admettre que malgré le non-respect de la seule inscription du nombre de points perdus, toutes les autres conditions ayant été respectées, Monsieur … aurait néanmoins été suffisamment informé, nul n’étant censé ignorer la loi, ne saurait valoir. De même l’affirmation selon laquelle la décision du ministre des Transports du 2 décembre 2002 constituerait le reçu du paiement de l’avertissement taxé et porterait à suffisance mention du nombre de points perdus ne porte pas à conséquence, étant donné que cette décision ne saurait être considérée comme le reçu, celui-ci étant expressément prévu par l’article 4bis du règlement grand-ducal du 2 août 2002 cité ci-avant. A cela s’ajoute que le reçu et la décision du ministre de retirer des points constituent deux actes distincts, dont chacun doit exister à travers sa propre forme, l’un ne pouvant pas se confondre avec l’autre.

En l’espèce, il est établi que la deuxième condition énumérée ci-avant, à savoir l’inscription du nombre de points perdus sous la rubrique afférente n’a pas été respectée, de sorte que le ministre des Transports n’a pas pu valablement procéder à une réduction conséquente du nombre de points afférents. Il s’ensuit que la décision sous analyse doit être annulée pour violation des forme destinées à protéger les intérêts privés compte tenu de l’annulation ainsi encourue de la décision ministérielle déférée, l’analyse des autres moyens proposés devient surabondante.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

partant annule la décision ministérielle du 2 décembre 2002 et renvoie l’affaire devant le ministre des Transports ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 juin 2003 par :

M. Delaporte, premier juge, M. Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16018
Date de la décision : 30/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-30;16018 ?

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