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30/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15913

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juin 2003, 15913


Tribunal administratif N° 15913 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 janvier 2003 Audience publique du 30 juin 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15913 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2003 par Maît

re Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M...

Tribunal administratif N° 15913 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 janvier 2003 Audience publique du 30 juin 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15913 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2003 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi le 30 décembre 2002, portant refus d’une autorisation de séjour dans son chef ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2003 par Maître Michel KARP au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Yvette NGONO YAH, en remplacement de Maître Michel KARP et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 juin 2003.

Monsieur … ayant introduit une demande dans le cadre de la campagne dite de « régularisation » des étrangers en situation irrégulière sur le territoire s’étant étendue du 15 mai au 13 juillet 2001, il s’est vu adresser une décision par courrier datant du 30 décembre 2002 signé par le ministre de la Justice d’une part et le ministre du Travail et de l’Emploi d’autre part, par laquelle l’autorisation de séjour lui a été refusée au motif que « selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Pour le surplus, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour est également à rejeter au regard des directives applicables en matière de régularisation.

En effet, il ressort des pièces accompagnant votre demande introduite sur base de la catégorie C que vous ne remplissez pas les conditions prévues pour cette catégorie qui est libellée comme suit : « Je réside de façon ininterrompue au Grand-

Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 au moins ».

Par la même décision, il fut invité à quitter le Luxembourg dans un délai d’un mois.

Par requête déposée en date du 27 janvier 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre de la décision prévisée du 30 décembre 2002.

Ni la loi prévisée du 28 mars 1972, ni aucune autre disposition légale n’instaurant un recours au fond en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour statuer en tant que juge du fond en l’espèce. Le recours en annulation introduit à titre principal est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur fait exposer que les critères applicables aux personnes ayant déposé une demande de régularisation seraient au nombre de trois, en l’occurrence les catégories A, B et C, mais que la décision litigieuse ne fournirait pas une motivation au regard de l’ensemble de ces critères. Il expose à cet égard résider au Grand-Duché de Luxembourg de manière ininterrompue depuis mi-juin 1998 et signale que son employeur aurait fait une demande en obtention du permis de travail dans son chef, de sorte qu’il tomberait indubitablement dans l’une de ces trois catégories. Il relève en outre avoir travaillé de manière ininterrompue au pays, de manière à avoir disposé et de disposer encore de moyens d’existence personnels suffisants. Il conclut partant au caractère illégal, sinon non pertinent des motifs retenus à la base de la décision litigieuse, ainsi qu’à une violation du principe général de la confiance légitime ainsi que du principe général de l’égalité des citoyens devant la loi, alors que dans d’autre cas les critères énoncés dans la brochure auraient été retenus et appliqués par les autorités compétentes.

Le délégué du Gouvernement rétorque que conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, une autorisation de séjour peut être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter ses frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers et qu’en l’espèce, il ne se dégagerait pas des éléments du dossier que cette condition aurait été remplie dans le chef de Monsieur … au moment où la décision attaquée fut prise. Il rappelle à cet égard que la preuve de moyens d’existence devrait être rapportée par la production d’un permis de travail certifiant que l’intéressé peut légalement s’adonner à un travail au pays. Quant aux critères de régularisation invoqués par le demandeur, le représentant étatique signale que Monsieur … aurait coché la case C à l’appui de sa demande, mais qu’il serait constant en cause qu’une résidence ininterrompue depuis le 1er juillet 1998 ne serait pas établie dans son chef, alors qu’il a déclaré lui-même être arrivé au Luxembourg le 12 octobre 1998 en provenance du Monténégro.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur affirme avoir coché la case A dans sa demande de régularisation et qu’il remplirait par ailleurs les conditions y inscrites, à savoir une résidence et un travail ininterrompu au Grand-Duché depuis au moins le 1er janvier 2000. Quant à la réalité de son séjour au Grand-Duché, il se réfère à différentes attestations testimoniales pour soutenir qu’effectivement il serait au pays depuis au moins le 14 juin 1998 déjà. Il estime que dans la mesure où il remplirait les conditions de régularisation, le ministre ne pourrait pas lui opposer le défaut de moyens personnels suffisants légaux.

Il résulte des éléments du dossier administratif que Monsieur … a introduit sa demande de régularisation de sa situation dans le cadre de la campagne gouvernementale afférente en remplissant deux formules de demande officielles, toutes les deux versées au dossier administratif, en cochant une fois la case correspondant à la catégorie A aux termes de laquelle la personne concernée déclare ce qui suit : « Je réside et travaille de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000, je suis affilié(e) depuis cette date à la sécurité sociale luxembourgeoise et j’ai touché et touche toujours soit un salaire égal au salaire social minimum revenant à un travailleur non qualifié âgé de 18 ans (52.047.-

Luf), soit un salaire égal au RMG auquel je peux prétendre compte tenu de ma situation familiale », tandis qu’il se dégage de la deuxième formule versée au dossier qu’il a coché la case correspondant à la catégorie C visant les personnes qui résident de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 au moins.

Force est de constater que le dossier tel que soumis au tribunal ne permet pas de dégager une quelconque volonté du demandeur de renoncer à sa demande introduite sur base des critères énoncés sub A). Au contraire, il y a lieu d’admettre à partir des éléments fournis à son dossier administratif que les prétentions du demandeur allaient plutôt dans le sens d’une régularisation par le travail, étant donné qu’il a versé à l’appui de sa demande un certificat d’affiliation renseignant qu’il est enregistré dans les fichiers du Centre commun de la sécurité sociale en qualité d’ouvrier pendant les périodes du 12.3.1999 au 9.4.2000, 10.4.2000-15.6.2000 et 16.6.2000 jusqu’au jour de l’établissement dudit certificat, en l’occurrence le 13 juillet 2001, ainsi qu’un courrier par lui adressé en date du 3 décembre 2001 au ministre de la Justice au titre de rappel de sa demande de régularisation dont il se dégage clairement que Monsieur … fait état d’un emploi qui lui est proposé à l’Hôtel Kinnen de Consdorf.

Au vu des circonstances de l’espèce et de la contradiction apparente ci-avant dégagée concernant l’objet de la demande de Monsieur … en rapport notamment avec les formulaires figurant au dossier administratif, il aurait dès lors appartenu au ministre, conformément à son devoir de collaboration tel que se dégageant de l’article 3 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes et de l’article 1er de sa loi cadre du 1er décembre 1978, d’appliquer d’office au demandeur le droit dans son sens le plus favorable.

Comme l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée se limite à énoncer le défaut de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de séjour au Luxembourg en tant que motif de refus facultatif, de manière à opérer uniquement une restriction au niveau des possibilités accordées au ministre de la Justice pour refuser une autorisation de séjour, sans pour autant se prononcer sur l’étendue du pouvoir du ministre de la Justice en matière d’octroi d’une autorisation de séjour, le ministre de la Justice, en ce qu’il a participé à l’élaboration de certaines lignes de conduite destinées à limiter et à préciser le contenu du cadre légal tracé en matière d’octroi d’une autorisation de séjour pendant une durée déterminée à l’avance à travers des critères publiquement énoncés dans la brochure dite de régularisation, n’a pas motivé à suffisance de droit et de fait la décision litigieuse par la seule référence à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée (cf. Cour adm. 12.11.2002, n° 15102C du rôle et 25.3.2003, n° 15902C du rôle, non encore publiés).

Au regard des développements qui précèdent, concernant l’objet de la demande de Monsieur … la même conclusion s’impose relativement au motif de refus basé sur la considération que Monsieur … ne remplirait pas les conditions des critères énoncés sub C de la brochure, étant donné que même à admettre la réalité de cette conclusion au regard notamment des déclarations expresses et écrites du demandeur versées au dossier à travers lesquelles il indique lui-même être arrivé en date du 12 octobre 1998 seulement, il aurait appartenu au ministre d’examiner l’applicabilité dans le chef du demandeur des critères de régularisation énoncés sub A.

La motivation à la base de la décision litigieuse n’ayant pas été utilement complétée en cours d’instance contentieuse en ce sens, il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision ministérielle déférée encourt l’annulation pour défaut de motivation valable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule la décision déférée du ministre de la Justice du 30 décembre 2002 et lui renvoie le dossier en prosécution de cause ;

déclare le recours en réformation irrecevable ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 juin 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15913
Date de la décision : 30/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-30;15913 ?

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