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30/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15817

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juin 2003, 15817


Tribunal administratif N° 15817 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 décembre 2002 Audience publique du 30 juin 2003 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15817 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 décembre 2002 par Maître Lex THIELEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxe

mbourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation ...

Tribunal administratif N° 15817 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 décembre 2002 Audience publique du 30 juin 2003 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15817 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 décembre 2002 par Maître Lex THIELEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 1er octobre 2002 intervenue sur recours gracieux et refusant de lui accorder le permis de travail pour un emploi en qualité de secrétaire auprès de la société anonyme … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 avril 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2003 par Maître Lex THIELEN au nom de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Philippe STROESSER, en remplacement de Maître Lex THIELEN, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 juin 2003.

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Par arrêté du 26 juin 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après appelé « le ministre », a refusé de faire droit à la demande en obtention d’un permis de travail présentée par Madame …, de nationalité russe, pour un emploi auprès de la société anonyme … S.A. en qualité de secrétaire « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 2560 employé(e)s de bureau, dont 700 avec CATP secrétariat, inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi ;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) ;

- poste de travail non déclaré vacant par l’employeur ;

- occupation irrégulière depuis le 01.01.2002 ;

- recrutement à l’étranger non autorisé ».

Le recours gracieux introduit par Madame … par courrier de son mandataire datant du 26 septembre 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 1er octobre 2002, elle a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2002, un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel du 1er octobre 2002.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait exposer que tant la décision initiale du 26 juin 2002 que celle confirmative du 1er octobre 2002 seraient dépourvues de motivation valable, étant donné que le ministre aurait omis d’indiquer de façon circonstanciée, tant en droit qu’en fait, les motifs de refus tirés de la prétendue disponibilité concrète de main-

d’œuvre et de la priorité des ressortissants de l’E.E.E.. Elle estime ensuite que tant l’omission de la déclaration de vacance de poste que la prétendue occupation irrégulière depuis le 1er janvier 2002, par ailleurs formellement contestée, ne seraient pas de nature à justifier la décision litigieuse. La demanderesse d’exposer que Monsieur …, ancien administrateur de la société anonyme … S.A. a été victime d’un accident à la suite duquel il a dû subir certains soins et opérations, de manière à souffrir depuis lors d’une incapacité partielle de travail et d’être obligé à avoir recours à une aide extérieure tant professionnelle que dans son organisation familiale. Dans la mesure où la demanderesse partagerait sa vie et bénéficierait de son entière confiance pour l’avoir soutenu tant familialement que professionnellement, elle aurait été choisie pour le poste en question en tant que véritable personne de confiance, au-

delà de seules considérations d’ordre professionnel. Estimant que ce critère de sélection ne saurait être qualifié d’excessif, la demanderesse conclut au caractère non justifié de la décision litigieuse.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse demande à voir écarter des débats le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement pour cause de dépôt tardif au regard des délais de procédure applicables.

En effet, conformément aux dispositions de l’article 5 (1) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le défendeur est tenu de fournir son mémoire en réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive, de sorte qu’en l’espèce, le mémoire en réponse déposé par le délégué du Gouvernement en date du 17 avril 2002 est à écarter pour cause de tardiveté, étant entendu que le dépôt de la requête, conformément aux dispositions de l’article 4 (3) de la même loi, vaut signification à l’Etat et qu’en l’espèce la requête introductive d’instance fut déposée au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2002.

Le mémoire en réplique tirant sa raison d’être directement du mémoire en réponse fourni en cause, auquel il est censé répondre, il y a également lieu de l’écarter des débats.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi du 21 juin 1999 précitée, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour statuer en tant que juge du fond en l’espèce. Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, la demanderesse critique d’abord la décision ministérielle déférée en faisant valoir qu’elle serait motivée de manière insuffisante sans tenir compte de sa situation précise.

Cette insuffisance de motivation équivaudrait à une absence de motivation devant conduire à l’annulation de la décision en question.

Une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.

En l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 9 août 2002 énonce 5 motifs tirés notamment de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision déférée.

Concernant le motif de refus basé sur le recrutement à l’étranger non autorisé de Madame …, il y a lieu de constater que conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi précitée du 21 février 1976, le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi, sauf l’exception où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d’action de l’administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-d’œuvres se déclare » (doc. parl. n° 1682, commentaire des articles, ad. art. 16).

En l’espèce, il est constant que Madame …, n’ayant pas d’autorisation de séjour valable au Grand-Duché de Luxembourg, est à considérer comme ayant été recrutée à l’étranger au sens de la disposition légale précitée et que partant, au voeu des dispositions de l’article 16 (2) précité, l’employeur ayant eu l’intention d’engager Madame …, aurait dû solliciter en premier lieu l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger.

Dans la mesure où aucun élément du dossier tel que présenté en cause ne permet d’établir que le recrutement à l’étranger de Madame … fut dûment autorisé, les faits à la base du motif de refus sous examen sont à considérer comme étant établis en cause.

La méconnaissance de l’obligation légale dans le chef de l’employeur de solliciter en premier lieu auprès de l’administration de l’Emploi l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger est susceptible de sanctions pénales expressément énoncées à l’article 41 de la loi du 21 février 1976 précitée, lequel dispose notamment qu’est puni d’une amende de 500 – 25.000 € toute personne qui exerce une activité de recrutement de travailleurs à l’étranger sans être en possession de l’autorisation préalable prévue à l’article 16 de la même loi ou qui n’observe pas les conditions imposées dans ladite autorisation.

Au-delà du fait qu’une sanction pénale est prévue par l’article 41 prévisé, il convient d’analyser si le non-respect de la formalité préalable à l’emploi d’un travailleur étranger inscrite à l’article 16 (2) précité est de nature à justifier une décision de refus du permis de travail.

A cet égard, il a été arrêté par la Cour administrative que l’article 16 (1) de la loi modifiée du 21 février 1976 précitée fixe en principe pour l’administration de l’Emploi le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger et cela pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main-d’œuvre occupée dans le pays, la Cour s’étant référée à cet égard aux documents parlementaires n° 1682 entrevus plus particulièrement à partir de leur exposé des motifs, pour conclure au caractère impératif de la règle de procédure sous examen (cf. Cour adm. 22 octobre 2002, n°s 14539C et 14967C du rôle, non encore publiés).

Il s’ensuit que le motif de refus basé sur le recrutement à l’étranger non autorisé, au regard des considérations ci-avant fondées sur une jurisprudence constante de la Cour administrative, s’inscrit dans le cadre légal tracé par les dispositions de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, en vertu desquelles seules « des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi », peuvent être invoquées pour motiver le refus du permis de travail, de sorte que le tribunal, statuant sur la légalité d’une décision de refus du permis de travail, est appelé à vérifier si les dispositions de l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 précitée ont été observées.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’au-delà de toute question pouvant se poser en l’espèce au sujet de la disponibilité effective de ressortissants de l’Union Européenne ou de l’E.E.E. bénéficiant d’une priorité à l’emploi et susceptibles de pouvoir utilement occuper le poste de travail en question, l’arrêté ministériel litigieux est motivé à suffisance de droit et de fait par le seul constat du non-respect de la formalité inscrite à l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 précité, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués à son appui, ainsi que les moyens y afférents.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard des toutes les parties ;

écarte les mémoires en réponse et en réplique déposés ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 juin 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15817
Date de la décision : 30/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-30;15817 ?

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