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30/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15716

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juin 2003, 15716


Tribunal administratif N° 15716 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2002 Audience publique du 30 juin 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’équivalence d’homologation des titres et grades étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15716 du rôle et déposée au greffe du tribunal

administratif le 12 décembre 2002 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’...

Tribunal administratif N° 15716 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2002 Audience publique du 30 juin 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière d’équivalence d’homologation des titres et grades étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15716 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2002 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, médecin pédiatre, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision rendue par la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en date du 24 juillet 2002 ayant, par annulation d’une décision précédente du 18 juillet 2002, refusé à Monsieur … la reconnaissance de son diplôme de fin d’études secondaires, ainsi que d’une décision confirmative du 12 septembre 2002 de la même ministre intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 février 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2003 par Maître François MOYSE au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître François MOYSE et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 avril 2003.

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Monsieur …, de nationalité luxembourgeoise, a obtenu son diplôme de fin d’études secondaires au Nigeria en 1980. En date du 5 juillet 2002, il introduisit auprès de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, ci-

après désignée par « la ministre », une demande en vue d’obtenir la reconnaissance de son diplôme de fin d’études secondaires nigérian, ceci en vue d’obtenir la reconnaissance de ses diplômes de médecin obtenus au Royaume-Uni par application du règlement grand-ducal du 22 juin 2001 fixant les critères d’homologation des titres et grades en médecine.

La ministre refusa de faire droit à sa demande par une première décision datant du 18 juillet 2002, laquelle fut remplacée par une décision ministérielle du 24 juillet 2002 au libellé identique quant au fond suivant :

« La décision de reconnaissance requise dans le cas présent est prise par le Ministre de l’Education nationale, de la Formation Professionnelle et des Sports sur la base de la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la région européenne, faite à Lisbonne, le 11 avril 1997 et ratifiée par la loi luxembourgeoise du 14 août 2000 et sur base de la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires, signée à Paris le 11 décembre 1953 et ratifiée par la loi luxembourgeoise du 13 décembre 1954. Le Nigeria n’ayant ratifié aucune de ces conventions, le Ministre de l’Education nationale, de la Formation Professionnelle et des Sports ne dispose d’aucune base légale ni réglementaire pour arrêter la reconnaissance d’un diplôme délivré par le Nigeria ».

Par courrier de son mandataire datant du 13 août 2002, Monsieur … a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 24 juillet 2002. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative de la ministre datant du 12 septembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 24 juillet et 12 septembre 2002 par requête déposée en date du 12 décembre 2002.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire l’ayant été dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur conclut à une violation du principe de l’égalité de tous les Luxembourgeois devant la loi ancré à l’article 10bis de la Constitution en faisant valoir qu’il se trouverait dans une situation d’inégalité par rapport à tous ses concitoyens ayant passé le baccalauréat à Luxembourg et que de ce fait il ferait l’objet d’une discrimination basée non pas sur la qualité de l’enseignement lui dispensé dans un pays africain, mais sur un simple critère de localisation géographique du baccalauréat.

Il estime en outre que faute pour le Nigeria d’être partie aux Conventions de Paris et de Lisbonne invoquées par la ministre et en l’absence de règlement grand-ducal pris jusqu’à présent pour fixer de manière précise les critères explicites de reconnaissance d’un diplôme de fin d’études secondaires étrangers délivré dans un pays qui n’a pas adhéré aux dites conventions, il aurait appartenu à la ministre de vérifier, par application de critères objectifs, si les diplômes par lui présentés sont à considérer comme étant équivalents au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois.

Le délégué du Gouvernement prend position par rapport à ce recours en signalant d’abord que la reconnaissance d’équivalence du diplôme de fin d’études secondaires nigérian est demandée par Monsieur … en vue de pouvoir exercer la profession de médecin au Luxembourg. Il relève que pour accéder à cette profession, il existe deux voies, en l’occurrence 1) la voie « classique » de l’homologation qui concerne à l’heure actuelle essentiellement les ressortissants non communautaires ou les personnes ayant accompli leurs études médicales en dehors de l’Union Européenne, ainsi que 2) la voie « nouvelle » basée sur les directives européennes qui concerne les ressortissants communautaires ayant accompli leurs études médicales dans l’Union Européenne. Dans la mesure où le demandeur, de nationalité luxembourgeoise, affirme être détenteur d’un diplôme de médecin obtenu au Royaume-Uni, le délégué du Gouvernement signale que dans ces conditions ce serait la voie nouvelle européenne qui serait applicable, de sorte qu’il pourrait accéder à la profession de médecin sans devoir passer par la procédure d’homologation. Il estime qu’il serait dès lors difficile de comprendre pourquoi Monsieur … a choisi la procédure de l’homologation plutôt que la procédure de la reconnaissance directe.

Quant à la question soulevée par le présent litige, il estime que la ministre a correctement appliqué la législation en vigueur, étant donné qu’il n’existerait à l’heure actuelle aucune base légale permettant d’accorder une reconnaissance d’équivalence d’un bac délivré au Nigeria avec le diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois, le Nigeria n’étant partie à aucune des conventions internationales applicables permettant d’accorder cette reconnaissance.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur rétorque que la réglementation devant déterminer les critères objectifs de reconnaissance des diplômes d’études secondaires découlerait non seulement de la Convention de Paris, mais également de l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 précitée, tel qu’introduit en son dernier alinéa par la loi du 20 avril 1977 précitée.

Il s’empare en outre d’un arrêt rendu par la Cour constitutionnelle en date du 3 janvier 2003, référencé sous le numéro15/03 pour soutenir que l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 précitée serait contraire à l’article 11 (6) de la Constitution, au motif que seul le législateur pourrait fixer les conditions d’homologation des titres étrangers et non le pouvoir exécutif, de sorte que le pouvoir législatif n’aurait pas pu déléguer au pouvoir exécutif la compétence pour déterminer les critères de reconnaissance des diplômes d’enseignement secondaire émanant de les pays hors de la sphère de la Convention de Paris.

Il est constant que le demandeur, ayant accompli à l’étranger des études de médecine, s’est adressé à la ministre de l’Education nationale en vue d’obtenir la reconnaissance d’équivalence de son diplôme de baccalauréat nigérian au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois afin de satisfaire à la condition inscrite à l’article 2 du règlement grand-ducal du 22 juin 2001 fixant les critères d’homologation des titres et grades en médecine aux termes duquel « nul ne pourra présenter à l’homologation un diplôme final d’enseignement supérieur étranger s’il n’est pas titulaire d’un diplôme de fin d’études secondaires, d’un diplôme de fin d’études secondaires techniques, d’un diplôme de technicien approprié conformément aux dispositions de l’article 20 de la loi du 4 septembre 1990 portant réforme de l’enseignement secondaire technique et de la formation professionnelle continue, luxembourgeois ou étranger reconnu équivalent selon la réglementation luxembourgeoise en vigueur ».

En effet, tant la loi modifiée du 18 juin 1969 précitée que le règlement grand-

ducal du 22 juin 2001 précité imposent la condition préalable de l’homologation du diplôme de fin d’études secondaires avant toute homologation d’un diplôme d’études supérieures.

Les parties sont en accord pour admettre qu’en tant que titulaire d’un diplôme de fin d’études secondaires nigérian, le demandeur ne peut prétendre à l’application ni de la Convention de Paris, ni de la Convention de Lisbonne prévisées, étant donné que le Nigeria n’a pas adhéré à ces conventions.

Il s’ensuit que la demande à la base de la décision litigieuse est à examiner sur base des seuls textes luxembourgeois applicables.

Conformément à l’article 4, dernier alinéa de la loi modifiée du 18 juin 1969 précitée « un règlement grand-ducal peut déterminer la procédure et les conditions d’une reconnaissance d’équivalence au certificat luxembourgeois de fin d’études secondaires des diplômes étrangers correspondants délivrés par des pays qui n’ont pas adhéré à la Convention européenne relative à l’équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires, signée à Paris le 11 décembre 1953 et approuvée par la loi du 13 décembre 1954 ».

Si les parties s’accordent certes pour constater que jusqu’à ce jour, aucun règlement grand-ducal n’a encore été pris sur base de ladite disposition habilitante, leurs positions sont divergentes quant aux conséquences de cette absence de réglementation d’application au regard des suites à réserver à une demande de reconnaissance d’un diplôme de fin d’études secondaires délivré par un pays par rapport auquel la Convention de Paris n’a pas vocation à s’appliquer.

En l’absence de législation spéciale applicable fournissant les critères à observer en la matière, il appartient à l’autorité administrative compétente de procéder au cas par cas à une comparaison entre, d’une part, les compétences attestées par les titres présentés et, d’autre part, les connaissances et qualifications exigées par la législation nationale, sous peine de se soustraire à l’exercice de l’une des attributions lui conférées par le législateur.

En effet, si la Convention de Paris a certes pour objet de faciliter la reconnaissance mutuelle des diplômes donnant accès aux établissements universitaires à travers l’établissement de règles et de critères communs aux pays adhérents et d’objectiver ainsi le processus de la reconnaissance des diplômes de fin d’études secondaires étrangers, elle ne saurait pas pour autant avoir pour effet d’anéantir toute possibilité de reconnaissance par rapport à des situations non couvertes par elle.

Dans la mesure où le législateur a érigé, à travers l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 précitée, la reconnaissance de l’équivalence d’un certificat de fin d’études secondaires étranger au certificat de fin d’études secondaires luxembourgeois en une condition préalable et nécessaire à l’homologation d’un diplôme final d’enseignement supérieur étranger, il a conféré au ministre compétent la charge d’examiner quant au fond une demande afférente lui adressée, étant entendu qu’une reconnaissance d’équivalence consiste par essence en un exercice de comparaison qui peut soit s’inscrire dans le cadre d’un système de reconnaissance mutuelle instrumentalisé, soit, tel le cas sous examen, se concevoir par simple comparaison au fond des titres présentés, voire des connaissances effectives du candidat à l’équivalence avec le diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la ministre, en refusant la reconnaissance sollicitée au motif péremptoire que le Nigeria n’a ratifié aucune des conventions internationales applicables en la matière et qu’elle ne disposerait d’aucune autre base légale ou réglementaire pour arrêter la reconnaissance d’un diplôme délivré par le Nigeria, a méconnu la portée de l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 précitée, de sorte que ses décisions déférées encourent l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule les décisions déférées de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports des 24 juillet et 12 septembre 2002 et renvoie le dossier devant elle en prosécution de cause ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 juin 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15716
Date de la décision : 30/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-30;15716 ?

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