La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15636

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juin 2003, 15636


Numéro 15636 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 novembre 2002 Audience publique du 25 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15636 du rôle, déposée le 21 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité algé...

Numéro 15636 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 novembre 2002 Audience publique du 25 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15636 du rôle, déposée le 21 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 1er août 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Frank WIES, en remplacement de Maître Sarah TURK, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mars 2003.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 13 mai 2002, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 29 mai 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 1er août 2002, notifiée en date du 3 septembre suivant, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 27 septembre 2002 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 21 octobre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle initiale du 1er août 2002 par requête déposée le 21 novembre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre une appréciation inexacte de sa situation personnelle, étant donné qu’il se serait enfui de son pays d’origine en raison du danger de mort dans lequel il se serait trouvé. Il fait exposer à cet égard que des personnes non identifiées auraient voulu l’inciter à l’espionnage afin de recueillir un maximum d’informations quant aux personnalités fréquentant l’hôtel dans lequel il aurait assumé la fonction d’agent de sécurité et qu’il n’aurait pas osé déposer plainte car il n’aurait eu aucune confiance dans la police qui serait probablement infiltrée par des mouvements terroristes, de manière qu’il n’aurait pas pu compter sur une protection efficace des autorités de son pays. Quant à la situation générale en Algérie, le demandeur relève que l’état d’urgence y serait en vigueur depuis 1992, que cent mille personnes auraient été tuées depuis cette époque dans des affrontements entre les forces de l’ordre et des groupements islamistes radicaux, que des violations graves des droits de l’homme, continuellement dénoncées par les acteurs politiques étrangers et les organisations non gouvernementales, et notamment des massacres de personnes civiles attribués à différents groupements terroristes islamistes continueraient à être commis, que des massacres auraient encore été perpétrés aux mois de septembre et octobre 2002 dans son département d’origine et que les autorités policières et de sécurité continueraient à harceler la population civile et à procéder à des arrestations sans motifs apparents. Dans la mesure où la population civile resterait ainsi exposée à ces arrestations et comme la notion de crainte de persécution au sens de la Convention de Genève ne viserait pas exclusivement les seules personnes qui ont déjà été persécutées mais également celles qui veulent éviter de se trouver dans une situation où elles pourraient l’être, le demandeur conclut à l’existence d’une crainte fondée de persécution dans son chef.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 29 mai 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les actes de persécution dont il se prévaut émanent non pas des autorités publiques, mais de certains éléments de la population qui ont commis des actes rentrant dans la criminalité de droit commun. Or, il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-

qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel. Enfin, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée. Il y a lieu d’ajouter qu’une situation de conflit interne violent ou généralisé ne peut, à elle seule, justifier la reconnaissance de la qualité de réfugié, étant donné que la crainte de persécution, outre de devoir toujours être fondée sur l’un des motifs visés par l’article 1er A de la Convention de Genève, doit avoir un caractère personnalisé.

Or, s’il est vrai que la crainte de persécution invoquée par le demandeur a pour origine des affrontements entre des groupements islamistes et les autorités en place, il n’en reste pas moins, en ce qui concerne la situation de conflit généralisé ainsi mise en avant, que le demandeur reste en défaut de soumettre au tribunal un quelconque élément concret lui permettant de retenir qu’il serait personnellement touché par cette situation. Il y a encore lieu de constater que le demandeur ne risque pas, ainsi qu’il admet lui-même, des actes de persécution pour l’un des motifs visés par la Convention de Genève, mais en raison de son emploi d’agent de sécurité auprès d’un hôtel. En outre, le demandeur a simplement affirmé qu’il n’aurait pas porté plainte devant la police par manque de confiance dans les autorités en place sans pour autant établir, voire alléguer une démarche concrète en vue d’obtenir la protection de la part des autorités en place ou des circonstances qui seraient de nature à établir un risque réel de persécution pour sa personne en cas de dénonciation des démarches dont il aurait fait l’objet. Il en résulte qu’à défaut de toute précision relativement au type de démarches entreprises, voire aux réactions concrètement opposées à ces démarches, le demandeur n’a pas mis le tribunal en mesure de conclure utilement à l’existence d’un quelconque défaut caractérisé de protection à son égard.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 juin 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15636
Date de la décision : 25/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-25;15636 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award