La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15616

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 juin 2003, 15616


Tribunal administratif N° 15616 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 novembre 2002 Audience publique du 24 juin 2003

=============================

Recours formé par le Syndicat intercommunal pour la collecte, l’évacuation et l’élimination des ordures provenant des communes de la région de Diekirch, Ettelbruck et Colmar-Berg (SIDEC), Diekirch contre 1) une décision du conseil communal de Diekirch, 2) un arrêté grand-ducal d’approbation et, 3) une décision d’approbation du ministre de l’Intérieur afférents en matière d’actes administratifs Ã

  caractère réglementaire

----------------------------------------------------------...

Tribunal administratif N° 15616 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 novembre 2002 Audience publique du 24 juin 2003

=============================

Recours formé par le Syndicat intercommunal pour la collecte, l’évacuation et l’élimination des ordures provenant des communes de la région de Diekirch, Ettelbruck et Colmar-Berg (SIDEC), Diekirch contre 1) une décision du conseil communal de Diekirch, 2) un arrêté grand-ducal d’approbation et, 3) une décision d’approbation du ministre de l’Intérieur afférents en matière d’actes administratifs à caractère réglementaire

----------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15616 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2002 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du Syndicat intercommunal pour la collecte, l’évacuation et l’élimination des ordures provenant des communes de la région de Diekirch, Ettelbruck et Colmar-Berg (SIDEC), établi et ayant son siège social à Diekirch, (Fridhaff), tendant à l’annulation 1) d’une délibération du conseil communal de Diekirch du 7 février 2002 moyennant laquelle fut introduite une taxe pour la mise en décharge de déchets sur une déponie fixe située à Diekirch/Fridhaff, ainsi que 2) d’un arrêté grand-ducal du 1er mars 2002 approuvant la prédite délibération et 3) d’une décision du ministre de l’Intérieur du 7 mars 2002 portant approbation de la même délibération ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA du 9 décembre 2002 portant signification de ce recours à l’administration communale de Diekirch ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 2003 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2003 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de Diekirch ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 7 mars 2003 portant signification de ce mémoire en réponse au SIDEC ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2003 par Maître Marc ELVINGER pour compte du SIDEC ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique au mandataire de l’administration communale de Diekirch par voie de télécopie en date du 7 avril 2003 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 avril 2003 par Maître Victor ELVINGER pour compte de l’administration communale de Diekirch ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, du 2 mai 2003 portant signification de ce mémoire en duplique au SIDEC ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Marc ELVINGER, Serge MARX, en remplacement de Maître Victor ELVINGER, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mai 2003.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Lors de sa séance publique du 7 février 2002, le conseil municipal de la Ville de Diekirch a décidé d’introduire une taxe comme compensation pour les nuisances résultant de l’existence et du fonctionnement d’une décharge de déchets sur une déponie fixe située sur le territoire de la commune à Diekirch/Fridhaff dans le but de faire face aux dépenses générales du budget communal. Cette délibération fut approuvée par arrêté grand-ducal du 1er mars 2002, ainsi que par décision du ministre de l’Intérieur datant du 7 mars 2002. Suivant un avis au public datant du 18 mars 2002 le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Diekirch a porté à la connaissance du public que la délibération prévisée du 7 février 2002 a été approuvée par arrêté grand-ducal du 1er mars 2002, tandis qu’une information afférente fut publiée au Mémorial A, n° 94 du 16 août 2002.

Par requête déposée en date du 15 novembre 2002, le Syndicat intercommunal pour la collecte, l’évacuation et l’élimination des ordures provenant des communes de la région de Diekirch, Ettelbruck et Colmar-Berg, ci-après désigné par « SIDEC », a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la délibération du conseil communal de Diekirch du 7 février 2002 moyennant laquelle a été introduite la taxe pour la mise en décharge de déchets sur la déponie fixe située à Diekirch/Fridhaff, ainsi que contre l’arrêté grand-ducal du 1er mars 2002 approuvant cette délibération et la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur du 7 mars 2002.

Dans son mémoire en réponse, la Ville de Diekirch conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté en faisant valoir que les règlements communaux, conformément aux dispositions de l’article 82 de la loi communale du 13 décembre 1988, deviennent obligatoires trois jours après leur publication par voie d’affiche dans la commune, indépendamment de la mention faite au Mémorial, de sorte que le délai de trois mois en la matière, prévu par l’article 7, alinéa 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif aurait expiré le 18 juin 2002, soit trois mois après la publication du règlement litigieux par voie d’affiche en date du 18 mars 2002.

Elle soutient par ailleurs que la date d’affichage ainsi invoquée du 18 mars 2002 correspondrait également à la date de prise de connaissance effective par la partie demanderesse de l’acte litigieux, étant donné que celle-ci a son siège social à Diekirch.

La partie demanderesse prend position par rapport à ce moyen en faisant valoir que dans la mesure où l’article 107 alinéa 3 de la Constitution permet au conseil communal d’établir les impositions communales sous l’approbation du Grand-Duc, ce ne serait que par l’effet d’une approbation moyennant un arrêté grand-ducal qu’un règlement communal créant un impôt ou une taxe pourrait produire ses effets. Or, dans la mesure où l’arrêté grand-ducal d’approbation n’aurait pu sortir ses effets qu’à partir de sa publication au Mémorial, il en serait de même du règlement communal ayant fait l’objet de cette approbation.

La Ville de Diekirch rétorque que l’avis d’affichage du 18 mars 2002 a renvoyé expressément à l’arrêté grand-ducal d’approbation du 1er mars 2002 et que par ailleurs l’extrait publié au Mémorial A, n° 94 du 16 août 2002 ne publie pas non plus l’arrêté grand-

ducal en question dans son intégralité, mais se limite à y renvoyer. Elle se réfère ensuite aux dispositions de l’article 112 de la Constitution suivant lequel aucune loi, aucun arrêté ou règlement d’administration générale ou communal n’est obligatoire qu’après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi, pour soutenir que le règlement communal litigieux, conformément aux dispositions de l’article 82, alinéa 4 de la loi communale du 13 décembre 1988 précitée, est devenu obligatoire trois jours après l’affichage du 18 mars 2002, de sorte qu’en combinant cette disposition légale relative au caractère obligatoire du règlement communal avec l’article 7, alinéa 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée, il y aurait lieu de constater que le délai pour introduire un recours en annulation contre le règlement communal litigieux est venu à expiration le 18 juin 2002.

Il n’est pas contesté en cause que les actes attaqués, en l’occurrence le règlement communal de la Ville de Diekirch ayant pour objet l’introduction d’une taxe pour la mise en décharge de déchets sur une déponie fixe sise à Diekirch/Fridhaff du 7 février 2002, et les actes d’approbation grand-ducal et ministériel subséquents, revêtent le caractère d’actes réglementaires.

Conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, les recours en annulation contre les actes administratifs à caractère réglementaire doivent être introduits dans les trois mois de la publication de l’acte administratif à caractère réglementaire attaqué ou, à défaut de publication, de la notification ou du jour où le requérant en a eu connaissance.

Il résulte de la rédaction de la disposition légale précitée que le législateur a fixé le point de départ du délai de recours par rapport à la publication de l’acte réglementaire concerné et non pas par rapport à l’entrée en vigueur de cet acte, étant entendu qu’il est évident que le législateur a ainsi visé une publication effective et efficace susceptible d’atteindre le grand public. A cet égard, force est de constater que la publication normale des règlements communaux par voie d’affichage dans le « Reider » n’est pas à considérer comme publicité effective, de sorte qu’à défaut de notification d’un tel règlement au demandeur en annulation ou de la preuve de la date à laquelle celui-ci en a eu effectivement connaissance, la date à prendre en considération comme point de départ du délai de trois mois prévu pour l’introduction d’un recours en annulation est la date de la mention du règlement communal au Mémorial (cf. Cour adm. 29 septembre 1998, n° 10626C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Actes réglementaires, n° 9, p. 34).

Force est encore de constater que la simple considération que la partie demanderesse a son siège social à Diekirch, est insuffisante pour établir en cause une prise de connaissance effective par cette partie de l’acte litigieux, de sorte qu’il y a lieu de retenir sur base des développements qui précèdent que le moyen d’irrecevabilité pour cause de tardiveté soulevé par la Ville de Diekirch n’est pas fondé.

Le recours introduit en date du 15 novembre 2002 est dès lors recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le SIDEC fait valoir que le règlement communal litigieux serait illégal et que la taxe introduite porterait atteinte au principe de l’égalité devant l’impôt, en ce que seul le SIDEC serait frappé par l’impôt litigieux. La partie demanderesse estime que cela résulterait de manière tout à fait nette de la proposition de délibération initialement soumise au conseil communal et que même si moyennant le texte finalement adopté, le conseil communal avait voulu quelque peu occulter ce fait en retenant à l’article 2 du règlement litigieux qu’« est redevable de cette taxe le producteur ou le gestionnaire de déchets qui fait transporter les déchets à la décharge du Fridhaff (…) », son article 5, en ce qu’il prévoit que la taxe est perçue auprès de l’exploitant de la décharge, ferait en sorte que c’est en réalité le SIDEC qui est seul redevable de l’impôt institué. A l’appui du même moyen, la partie demanderesse soutient que la justification avancée à la base de l’institution de la taxe, en l’occurrence les nuisances résultant de l’exploitation de la décharge fonctionnant au Fridhaff, ne ferait que souligner cette rupture du principe fondamental de l’égalité des citoyens devant l’impôt, étant donné que l’impôt ne frapperait qu’un seul contribuable alors qu’il n’y aurait bien sûr pas que l’activité du SIDEC qui serait à l’origine de certaines nuisances sur le territoire communal.

A titre subsidiaire, la partie demanderesse conclut à l’annulation des actes déférés en faisant valoir que la délibération litigieuse ne permettrait pas de déterminer l’assiette de l’impôt qu’elle institue. Elle précise à cet égard que suivant le considérant introductif de la délibération litigieuse, ce seraient les nuisances résultant de l’existence et du fonctionnement « d’une décharge de déchets sur une déponie fixe » qui justifieraient l’impôt institué, tandis que suivant l’article 2 de la même délibération serait redevable de la taxe le producteur ou le gestionnaire de déchets qui fait transporter des déchets « à la décharge du Fridhaff pour y être recyclés ou mis en décharge », que l’article 3 prévoit de son côté que la taxe est due « pour les déchets admis en vertu du registre des admissions des déchets » et que finalement suivant l’article 6 de la délibération, l’exploitant de la décharge doit remettre à l’administration communale une déclaration indiquant « les quantités exactes des déchets mis en décharge ». La partie demanderesse estime que ces différentes dispositions seraient inconciliables entre elles et ne permettraient pas de connaître l’assiette exacte de l’impôt institué. Elle fait valoir plus particulièrement que 1) l’article 2 se réfère aux déchets transportés à la décharge du Fridhaff « pour y être recyclés ou mis en en décharge », alors que suivant les autres dispositions de la délibération, la taxe ne serait due que pour les déchets mis en décharge, à l’exclusion de ceux qui ne sont amenés sur le site que pour, par la suite, être recyclés et qui, après les opérations de triage, quittent à nouveau le site sans y être mis en décharge, 2) le registre des admissions porte sur l’ensemble des déchets qui entrent sur le site, y compris ceux qui n’y seront pas mis en décharge, alors que seuls ces derniers seraient, suivant d’autres dispositions de la délibération, à prendre en considération pour la détermination de la taxe due, 3) qu’en raison du traitement que les déchets amenés sur le site subissent avant leur mise en décharge, il n’y aurait pas d’équivalence entre les quantités acheminées sur le site et celles mises en décharge, et que 4) pour autant que la délibération litigieuse dispose qu’est redevable de la taxe le producteur ou le gestionnaire des déchets qui fait transporter ceux-ci à la décharge, elle serait donc insusceptible d’application. En effet, au moment d’accepter les déchets, le SIDEC ne serait pas en mesure de déterminer les quantités qui seront finalement mises en décharge et, par conséquent, le montant de la taxe à percevoir pour être transmis à la commune.

Dans la mesure où la détermination précise de l’assiette serait essentielle pour tout impôt, les incohérences ainsi relevées devraient, d’après la demanderesse, conduire à l’annulation de la délibération critiquée, ainsi que des décisions d’approbation qui s’en sont suivies.

A titre plus subsidiaire, la partie demanderesse conclut au caractère illégal de la délibération litigieuse en ce qu’elle opère rétroactivement, étant donné que suivant son article 1er, la taxe litigieuse est mise en place à partir du 1er janvier 2001. Pour autant que le principe de la non-rétroactivité des actes administratifs, et en particulier des actes administratifs à caractère réglementaire, ne conduirait pas le tribunal à annuler purement et simplement la délibération litigieuse, la partie demanderesse estime que celle-ci ne pourrait pas produire d’effet rétroactif et demande au tribunal de dire qu’elle n’aurait pu produire ses effets qu’à partir de la publication au Mémorial ayant eu lieu en date du 16 août 2002.

Le délégué du Gouvernement rétorque que c’est par application du principe du pollueur-payeur inscrit à l’article 15 de la loi modifiée du 17 juin 1994 relative à la prévention et à la gestion des déchets que le choix a été porté sur le producteur ou détenteur de déchets en tant que redevable de la taxe. Il estime que la taxe litigieuse ne porterait pas atteinte au principe de l’égalité devant l’impôt, étant donné que ce sont les producteurs ou les gestionnaires-détenteurs qui sont redevables de la taxe et non pas le syndicat requérant. La perception de la taxe se ferait pour des raisons de facilité pratique évidentes par l’intermédiaire de l’exploitant de la décharge, en l’occurrence le syndicat demandeur. Pareil mode de perception ne serait pas inhabituel puisqu’il serait courant en matière d’impôts de percevoir les montants redus par un intermédiaire. Il relève d’autre part que dans la mesure où la décharge située au lieu-dit « Bockelsgrond/Fridhaff » est la seule qui existe sur le territoire de la Ville de Diekirch, le règlement communal litigieux ne saurait donc viser que les producteurs et les gestionnaires-détenteurs de déchets qui font acheminer leurs déchets vers ladite décharge, mais que ledit règlement concernerait néanmoins indistinctement tous les producteurs et gestionnaires de déchets qui se trouvent dans la même situation, à savoir ceux qui font transporter leurs déchets à la décharge en question, de sorte que le principe de l’égalité devant la loi et devant l’impôt serait respecté.

Concernant ensuite l’assiette de l’impôt, le représentant étatique conclut au caractère clair du règlement communal litigieux en faisant valoir qu’au regard du libellé de son article 3, il n’y aurait pas de confusion possible et que même si ledit règlement parle dans son article 6 des « quantités exactes de déchets mis en décharge », il serait évident et il résulterait de l’économie du texte qu’il vise les quantités exactes de déchets admis à la décharge conformément au registre des admissions de déchets et ceci quelle que soit la destination ultérieure des déchets acheminés.

Quant à la rétroactivité invoquée par la partie demanderesse, le délégué du Gouvernement, tout en parlant d’une inadvertance, explique que celle-ci résulte du fait que le conseil communal avait voté un premier règlement lors de sa séance du 24 janvier 2001, qui n’avait cependant pas trouvé l’assentiment de l’autorité supérieure et qu’il aurait été omis par la suite de modifier la date initialement prévue. Il estime que cette omission ne constituerait toutefois pas une cause de nullité du règlement, étant donné que l’article 82 de la loi communale serait applicable en ce qui concerne l’entrée en vigueur du règlement-taxe communal et que par communication du 7 mars 2002 le ministre de l’Intérieur aurait par ailleurs rendu la commune attentive au fait que la délibération restait encore à publier en due forme, de sorte que l’administration communale serait consciente du fait que l’entrée en vigueur du règlement litigieux aurait eu lieu seulement trois jours après sa publication dans la commune.

Dans son mémoire en réplique la partie demanderesse insiste sur le caractère selon elle contradictoire des dispositions du règlement litigieux et suggère que dans l’hypothèse où le tribunal ne devrait pas conclure à l’annulation du règlement, il devrait néanmoins constater qu’en tout état de cause seuls les déchets effectivement mis en décharge pourraient donner lieu à la perception de l’impôt institué, étant donné que l’article 6 de la délibération communale litigieuse, qui serait censé opérationnaliser son article 3, fait obligation à l’exploitant de la décharge de remettre à l’administration communale une déclaration indiquant « les quantités exactes des déchets mis en décharge », ceci au motif que si le manque de clarté d’un texte imposant un impôt ne devait pas conduire à son annulation, il devrait pour le moins conduire à son interprétation restrictive.

Quant au caractère rétroactif du règlement communal, la partie demanderesse signale que contrairement à ce qui est indiqué par le délégué du Gouvernement, la Ville de Diekirch aurait bien perçu la taxe litigieuse dès l’année 2001.

Dans son mémoire en duplique la Ville de Diekirch conclut à l’existence d’un désistement tacite dans le chef de la demanderesse en faisant valoir que celle-ci a reçu en date du 6 décembre 2002 de sa part deux factures de l’ordre de 160.000 € chacune, correspondant aux taxes de mise en décharge de déchets pour les années 2001 et 2002 et que ces dernières auraient été payées sans aucune réserve par le SIDEC en date du 27 janvier 2003, donc postérieurement à l’introduction du recours en annulation sous examen. Elle estime que ce paiement inconditionnel équivaudrait à un désistement tacite résultant d’une attitude incompatible avec le maintien d’une demande antérieurement formée, pareil désistement tacite n’exigeant à son avis aucune formalité particulière et pouvant résulter de tout acte ou fait impliquant nécessairement, de par de son auteur, la volonté d’abandonner l’action, l’instance ou les effets d’un acte de procédure.

La Ville de Diekirch estime encore que la même conclusion s’imposerait relativement au moyen concernant l’assiette de l’impôt institué, étant donné qu’en payant les factures prévisées du 6 décembre 2002 relatives à tous les déchets admis à la décharge, le SIDEC aurait tacitement renoncé à son moyen tenant à l’indétermination de l’assiette de l’impôt institué.

Le moyen tiré du désistement tacite du syndicat demandeur laisse d’être fondé en fait eu égard au courrier versé en cause par la partie demanderesse adressé en date du 31 janvier 2003 par le SIDEC à l’administration communale de Diekirch et lui signalant ce qui suit :

« Nous vous prions de recevoir ci-après la « déclaration indiquant les quantités exactes des déchets mis en décharge ainsi que le montant de la taxe due à la commune » conformément aux stipulations de l’article 6 de la décision mentionnée en rubrique.

Nous tenons toutefois à vous signaler que nous considérons la décision sus-

mentionnée comme illégale et que nous venons d’interjeter recours auprès des juridictions administratives compétentes.

En attente d’un jugement à ce sujet, nous vous prions de trouver ci-après le bilan des quantités de déchets mis en décharge suivant votre demande par courrier du 6 décembre dernier. En ce contexte, nous nous permettons de vous signaler, que ce bilan comptabilise, conformément aux stipulations de la décisions mentionnée en rubrique, exclusivement les quantités de matériaux déposé à la décharge présentant un caractère de déchets (…) ».

La taxe introduite par délibération du conseil municipal de la Ville de Diekirch du 7 février 2002 est réglementée comme suit :

« Article 1er : A partir du 01 janvier 2001, il est établi une taxe pour la mise en décharge de déchets aux lieux-dits Bockelsgrund-Fridhaff situés sur le territoire de la commune de Diekirch.

Article 2 : Est redevable de cette taxe le producteur ou le gestionnaire de déchets qui fait transporter des déchets à la décharge du Friedhaff pour y être recyclés ou mis en décharge.

Article 3 : La taxe est due pour les déchets admis en vertu du registre des admissions des déchets à tenir par l’exploitant d’une décharge en vertu de l’autorisation ministérielle servant de référence.

Article 4 : Le montant de la taxe est fixé à 161, 359 Luf (4,00 euros) par tonne de déchets. Le montant arrêté en euro est indicatif pour l’exercice 2001 et applicable à partir du 01.01.2002.

Article 5 : La taxe est perçue auprès de l’exploitant de la décharge pour déchets qui la transmet à la recette communale selon les modalités ci-après.

Article 6 : A la fin de chaque trimestre et au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre écoulé, l’exploitant de la décharge remet à l’administration communale une déclaration indiquant les quantités exactes des déchets mis en décharge, ainsi que le montant de la taxe due à la commune.

Il règle le montant afférent à la recette communale au moment du dépôt de sa déclaration.

Article 7 : Le règlement fait en suite de la déclaration est accepté sous réserve de tous droits de vérification.

Article 8 : Toutes sommes non réglées par l’exploitant le dernier jour du mois qui suit le trimestre pour lequel la taxe est due sont productives d’intérêts de retard à partir du premier jour du mois suivant.

Les (sic) taux d’intérêts de retard est celui fixé par l’Etat en matière d’impôt sur le revenu.

Article 9 : L’exploitant est tenu de laisser pénétrer dans ses établissements les agents de surveillance délégués par l’administration communale et de se soumettre aux mesures de contrôle déterminées par le Collège des Bourgmestre et Echevins.

Il est tenu notamment de leur communiquer tous documents et pièces permettant de vérifier l’exactitude de ses déclarations.

Article 10 : En cas d’abandon ou de cession de l’exploitation, les taxes échues doivent être réglées sans délai à la recette communale.

Article 11 : La taxe établie par le présent règlement sera recouvrée conformément aux règles établies par la loi communale du 13 décembre 1988.

En cas de fraude ou d’omission de la part de l’exploitant, le montant à régler à la recette communale est établi d’office à raison des recettes présumées.

Sans préjudice d’autres dispositions légales, les contraventions aux dispositions du présent règlement sont punies d’une amende de 1.000 à 10.000,- Luf».

Concernant d’abord le moyen basé sur une atteinte alléguée portée au principe de l’égalité devant l’impôt, il y a lieu de constater que conformément à la définition du redevable de la taxe litigieuse retenue à l’article 2 du règlement communal déféré, la taxe est due d’une manière générale par tout producteur ou gestionnaire de déchets qui fait transporter des déchets à la décharge du Friddhaff, de manière à s’appliquer indistinctement à tout producteur ou gestionnaire de déchets susceptible d’utiliser la décharge dont les nuisances mises en avant constituent la justification de la mise en place de la taxe litigieuse.

Il s’ensuit que même si le SIDEC est en fait le principal utilisateur de la décharge, le règlement communal sous examen ne saurait pour autant encourir le reproche de frapper exclusivement le syndicat demandeur, alors que l’acte déféré ne constitue qu’une application générale du principe du pollueur-payeur. Par ailleurs, il se dégage des pièces versées au dossier et plus particulièrement du récapitulatif des quantités de déchets à la base de la détermination de la taxe communale à payer à l’administration communale de Diekirch, établi par le SIDEC pour les années 2001 et 2002, que non seulement des déchets en provenance du SIDEC ont été mis en décharge, mais que notamment d’autres syndicats y ont également déposé des déchets. La Ville de Diekirch a en outre signalé que la décharge reçoit depuis 1994 les boues d’épuration du Syndicat intercommunal de dépollution des eaux résiduaires du nord (SIDEN), que depuis la fermeture de la décharge de Wiltz les déchets de cette région sont également transportés à la décharge du SIDEC et qu’en cas de problèmes techniques à l’installation d’incinération du SIDOR à Leudelange, les déchets de cette région sont transportés à la décharge du SIDEC, l’ensemble de ces faits n’étant pas autrement contesté en cause par la demanderesse.

Concernant ensuite la considération avancée par le SIDEC qu’il ne serait pas le seul sur le territoire communal à générer des nuisances, force est encore de relever que les nuisances invoquées à la base de la réglementation communale litigieuse pour justifier l’introduction d’une taxe d’après le principe du pollueur-payeur dans un souci de compensation, sont des nuisances spécifiques et déterminées en rapport direct avec l’existence et le fonctionnement de la décharge située sur le territoire de la commune, de manière à ne pas pouvoir être comparées d’une manière générale avec des nuisances de toutes sortes, non autrement spécifiées par la partie demanderesse. En effet, aucun élément concret avancé en cause ne permettant de conclure que d’autres sources de nuisances, comparables à celles générées par l’existence et le fonctionnement de la décharge du Fridhaff, soient traitées de manière à échapper à tout souci de compensation de la part de la commune, le demandeur laisse d’établir à suffisance de fait et de droit une rupture du principe de l’égalité afférente.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que conformément aux dispositions de l’article 5 du règlement communal litigieux, la taxe est perçue auprès de l’exploitant de la décharge pour déchets, en l’occurrence le SIDEC, étant donné que le rôle de percepteur de la taxe, assumant un rôle d’intermédiaire ainsi conféré à l’exploitant de la décharge en ce qu’il perçoit pour compte de la commune la taxe auprès des redevables, n’érige pas pour autant ce dernier en redevable de la taxe, ces deux notions étant nettement distinctes et définies par ailleurs clairement, chacune en ce qui la concerne, par les dispositions respectives des articles 2 et 5 du règlement communal litigieux.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen du SIDEC basé sur une rupture du principe de l’égalité devant l’impôt laisse d’être fondé.

Le syndicat demandeur conclut ensuite à l’annulation du règlement communal litigieux au motif qu’il ne permettrait pas de déterminer l’assiette de l’impôt qu’il institue.

La recherche de la matière imposable et la détermination de la base de l’impôt constituent les deux opérations qui aboutissent à l’établissement de l’assiette de l’impôt, première phase de la perception de l’impôt. Asseoir l’impôt c’est déterminer quelles sont les matières imposables et mesurer dans chaque cas la quantité de matière imposable à laquelle doit s’appliquer l’impôt (cf. Jean Olinger, Introduction à l’étude du droit fiscal luxembourgeois, in Etudes fiscales, n° 93/9495, septembre 1994, p. 63).

Lors de sa délibération du 7 février 2002 le conseil municipal de Diekirch a réglementé la taxe litigieuse suivant 11 articles distincts qui s’enchainent, de par leur objet, comme suit :

L’article 1er consacre le principe de l’établissement d’une taxe pour la mise en décharge de déchets à la décharge litigieuse et détermine le point de départ de l’établissement de cette taxe comme étant le 1er janvier 2001, sans spécifier autrement ni les redevables, ni l’assiette, ni encore le tarif exact de la taxe.

C’est seulement à travers les articles suivants, en l’occurrence les articles 2, 3 et 4, que le règlement litigieux définit d’abord le redevable de la taxe, en l’occurrence « le producteur ou le gestionnaire de déchets qui fait transporter des déchets à la décharge de Fridhaff pour y être recyclés ou mis en décharge », étant entendu qu’eu égard au libellé précis et explicite retenu, la détermination du redevable de la taxe n’est pas sujette à interprétation, la définition de préciser en effet sans la moindre ambiguïté à cet égard que le fait pour un producteur ou gestionnaire de déchets de transporter des déchets à la décharge du Fridhaff, que se soit en vue de leur recyclage ou de leur mise en décharge, est suffisant et seul déterminant pour faire valoir dans son chef la qualité de redevable de la taxe litigieuse.

Après avoir ainsi défini dans son article 2 les personnes à charge desquelles l’impôt est établi, le règlement communal poursuit dans son article 3 avec la définition de l’assiette de l’impôt en déterminant la matière imposable comme étant « les déchets admis en vertu du registre des admissions des déchets à tenir par l’exploitant d’une décharge en vertu de l’autorisation ministérielle servant de référence ». Ici encore la terminologie retenue ne prête pas à confusion, étant donné que les déchets constitutifs de l’assiette de la taxe sont clairement identifiés comme étant ceux admis en vertu du registre des admissions des déchets à tenir par l’exploitant de la décharge en vertu de l’autorisation ministérielle servant de référence. La composition exacte de la matière imposable est en effet déterminable par référence à l’autorisation ministérielle ainsi visée qui détermine les déchets devant être inscrits au registre des admissions à tenir par l’exploitant, étant entendu que le mode de détermination pour une référence ainsi retenu n’est pas sujet à critique en l’espèce.

L’article 4 du règlement litigieux fixe ensuite le montant de la taxe par tonne de déchets, étant entendu qu’à défaut de disposition contraire, les déchets ainsi visés doivent s’entendre nécessairement comme étant ceux constitutifs de l’assiette de l’impôt telle que définie à l’article 3.

Le conseil communal a poursuivi en désignant à l’article 5 l’organe percepteur de la taxe, en l’occurrence l’exploitant de la décharge, en précisant qu’il incombe à ce dernier de la transmettre à la recette communale selon les modalités qui suivent.

Concernant ces modalités, l’article 6 du règlement communal litigieux retient que c’est à la fin de chaque trimestre et au plus tard le dernier du mois qui suit le trimestre écoulé, que l’exploitant de la décharge est tenu de remettre à l’administration communale une déclaration indiquant les quantités exactes des déchets mis en décharge, ainsi que le montant de la taxe due à la commune avec la précision que le montant afférent est à régler à la recette communale au moment du dépôt de la déclaration.

Force est de constater que par son objet, l’article 6 prévisé n’a pas trait à la détermination de l’assiette de la taxe litigieuse, mais ne fait que déterminer les modalités de perception de la taxe, ainsi que les confins des obligations de déclaration imposées par ailleurs à l’exploitant de la décharge par rapport à la commune au regard notamment des déchets mis en décharge, sans que cette dernière obligation d’indication des quantités exactes des déchets mis en décharge ne puisse être confondue pour autant avec la définition de l’assiette de la taxe, définition qui a fait l’objet d’une disposition spéciale et explicite, en l’occurrence l’article 3. En effet, le fait pour le règlement litigieux de retenir dans le cadre de l’obligation de déclaration de l’exploitant une base de référence différente, en l’occurrence moins étendue que celle servant d’assiette à l’impôt litigieux, reste sans incidence sur cette dernière.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen basé sur une incohérence entre les dispositions mêmes du règlement communal laisse d’être fondé pour relever d’une analyse faisant l’amalgame entre différents éléments isolés des dispositions du règlement litigieux, ayant chacune un objet nettement distinct.

En effet, le moyen du demandeur consistant à dire que l’article 2 se réfère aux déchets transportés à la décharge « pour y être recyclés ou mis en décharge », alors que suivant les autres dispositions de la délibération la taxe ne serait due que pour les déchets « mis en décharge », relève d’une confusion entre des éléments contenus dans différentes dispositions dont aucune n’a pourtant pour objet de définir l’assiette de l’impôt. Tel que relevé ci-avant, ce n’est en effet pas l’article 2 qui définit les déchets pour lesquels la taxe est due, ladite disposition ayant pour objet de déterminer la personne imposable, ni encore l’article 6, imposant à l’exploitant de la décharge d’indiquer chaque trimestre à l’administration communale les quantités exactes des déchets mis en décharge, de sorte que la confusion alléguée laisse d’être établie, faute pour les dispositions citées de se rapporter au seul article pertinent pour la détermination de l’assiette de la taxe, en l’occurrence l’article 3 du règlement litigieux.

Quant à l’argumentation que la délibération litigieuse serait insusceptible d’application au motif qu’au moment d’accepter les déchets, le SIDEC ne serait pas en mesure de déterminer les quantités qui seront finalement mises en décharge et, par conséquent, le montant de la taxe à percevoir pour être transmis à la commune, elle laisse encore d’être fondée au vu des développements qui précèdent, étant donné que l’assiette de la taxe n’est pas définie par rapport aux quantités finalement mises en décharge, mais par rapport aux déchets admis en vertu du registre des admissions des déchets à tenir par l’exploitant de la décharge, de sorte qu’aucun problème d’application ne se pose, la taxe pouvant être déterminée sans problème au moment de l’admission des déchets.

Le moyen relatif à la détermination de l’assiette de l’impôt institué n’étant entrevu que par rapport au caractère prétendument inconciliable des différentes dispositions du règlement litigieux entre elles, il y a lieu de rejeter ledit moyen comme étant non fondé au regard de l’ensemble des développements qui précèdent.

Quant au caractère rétroactif du règlement sous examen, c’est à juste titre que le syndicat demandeur soutient que l’article 1er du règlement litigieux contrevient au principe de la non rétroactivité applicable en la matière. En effet, aucun acte normatif ne peut sortir un quelconque effet qu’après avoir été publié au Mémorial (cf. trib. adm. 7 juin 1999, n° 10790 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 mars 2000, n° 11356C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Lois et règlements, n° 6 et autres références y citées). Dans la mesure ou l’illégalité ainsi établie affecte le règlement litigieux, non pas dans son ensemble, mais se rapporte à un élément détachable, il y a lieu de retenir que celui-ci encourt l’annulation partielle dans la mesure seulement où il dispose produire des effets déjà avant sa publication faite au Mémorial en date du 16 août 2002.

Eu égard à l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et de les imposer à raison de deux tiers au demandeur, le tiers restant étant à charge de l’Etat et de la Ville de Diekirch.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit partiellement justifié ;

partant annule l’article 1er de la délibération du conseil communal de Diekirch du 7 février 2002 en ce qu’il prévoit que la taxe est établie « à partir du 1er janvier 2001 » ;

annule l’arrêté grand-ducal du 1er mars 2002 et la décision du ministre de l’Intérieur du 7 mars 2002 dans la mesure où ils approuvent la délibération du conseil communal de Diekirch du 7 février 2002 dans son volet ainsi annulé ;

dit le recours non fondé pour le surplus et en déboute ;

fait masse des frais et les impose à raison de deux tiers au demandeur, le tiers restant étant à charge de l’Etat et de la Ville de Diekirch.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 juin 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 12


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15616
Date de la décision : 24/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-24;15616 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award