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18/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15705

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 juin 2003, 15705


Numéro 15705 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 décembre 2002 Audience publique du 18 juin 2003 Recours formé par les époux … et … …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15705 du rôle, déposée le 6 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian GAILLOT, avocat à la Cour, insc

rit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , et de son ép...

Numéro 15705 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 décembre 2002 Audience publique du 18 juin 2003 Recours formé par les époux … et … …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15705 du rôle, déposée le 6 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian GAILLOT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , et de son épouse, Madame … …, née le…, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, … et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision cosignée par les ministres de la Justice et du travail et de l’Emploi du 31 juillet 2002 portant rejet de leur demande en obtention d’une autorisation de séjour;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Christian GAILLOT et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2003.

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Par demande déposée le 13 juillet 2001 auprès du service commun des ministères du Travail et de l'Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, les époux … et … …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, tous préqualifiés, sollicitèrent l'obtention d'une autorisation de séjour dans le cadre de la campagne dite de régularisation de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Par courrier du 31 juillet 2002, les ministres de la Justice et du Travail et de l'Emploi informèrent les consorts … de ce qui suit:

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 13 juillet 2001 auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Par ailleurs, le dossier tel qu’il a été soumis au service commun ne permet pas au Gouvernement de vous accorder la faveur d’une autorisation de séjour ».

Cette décision fut notifiée à Monsieur … en personne le 22 août 2002 dans les locaux du service commun des ministères du Travail et de l'Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse.

Le recours gracieux soumis par les consorts … à travers un courrier de leur mandataire du 24 août 2002 s’étant soldé par une décision confirmative des mêmes ministres du 6 septembre 2002, ils ont introduit un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre de la décision du 31 juillet 2002 par requête déposée le 6 décembre 2002.

Encore que les demandeurs entendent exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l'obligation d'examiner en premier lieu la possibilité d'exercer un recours au fond en la matière, l’existence d'une telle possibilité rendant irrecevable l'exercice d'un recours en annulation contre la même décision.

Dans la mesure où ni la loi prévisée du 28 mars 1972, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation. Le recours principal en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs reprochent à la décision critiquée un défaut de motivation suffisante. Ils font valoir à cet égard que l’article 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 conférerait au ministre de la Justice un pouvoir discrétionnaire pour apprécier le caractère suffisant des moyens d’existence d’un demandeur d’autorisation de séjour et que le gouvernement aurait édicté dans le cadre de l’application de cette disposition légale des directives, sous forme de la brochure relative à la régularisation des étrangers en situation irrégulière, fixant des critères afin d’orienter les choix et le pouvoir d’appréciation de l’administration et que celle-ci devrait normalement appliquer. Les demandeurs estiment qu’il ne résulterait d’aucun élément du dossier que leur demande en obtention d’une autorisation de séjour aurait été examinée au regard des critères de la brochure susvisée et devrait partant encourir l’annulation.

En second lieu, les demandeurs reprochent aux ministres une mauvaise interprétation des faits en ce qu’il n’aurait pas tenu compte du courrier de la société … qui se serait engagée à recruter Monsieur … dès l’obtention d’un permis de travail, entraînant que leurs moyens d’existence seraient garantis par cet emploi.

Le délégué du Gouvernement rétorque qu’il existerait une seule base légale régissant l’entrée et le séjour des étrangers, à savoir la loi prévisée du 28 mars 1972, laquelle s’appliquerait à tout étranger qui désire séjourner au pays, dont également à une personne sollicitant une régularisation de son séjour irrégulier. Sur pied du constat que le demandeur n’était pas titulaire d’un permis de travail l’autorisant à occuper un emploi salarié au pays, il fait valoir que le ministre aurait valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée en raison du défaut de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de ladite loi du 28 mars 1972. Quant aux critères de régularisation, le représentant étatique relève que les demandeurs auraient coché la case « A », de manière qu’il leur aurait appartenu de rapporter la preuve qu’ils ont résidé et travaillé de façon ininterrompue au Luxembourg depuis le 1er janvier 2000.

L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, n° 9669, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 121 et autres références y citées).

En outre, la seule preuve de la perception de sommes, en principe suffisantes pour permettre à l'intéressé d'assurer ses frais de séjour au pays, est insuffisante; il faut encore que les revenus soient légalement perçus (trib. adm. 15 avril 1998, n° 10376 du rôle, Pas. adm 2002, v° Etrangers, n° 125). Ne remplissent pas cette condition les revenus perçus par un étranger qui occupe un emploi alors qu'il n'est pas en possession d'un permis de travail et qu'il n'est dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et toucher des revenus provenant de cet emploi (trib. adm. 30 avril 1998, n° 10508 du rôle, Pas. adm 2002, v° Etrangers, n° 125 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal que les demandeurs étaient, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisés à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire s’adonneraient légalement à une activité indépendante, et qu’ils pouvaient partant disposer de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis. Plus particulièrement, eu égard aux considérations ci-avant faites, la promesse d’engagement de la société … du 24 juin 2002 n’est pas de nature à établir l’existence de moyens de subsistance suffisants, la condition de la légalité du poste de travail ainsi promis ne se trouvant pas établie en l’espèce.

A défaut par les demandeurs d’avoir rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels, le ministre de la Justice a dès lors valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée sur base de ce motif.

Au-delà de ces considérations tenant à l’application directe de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, il ressort des éléments en cause que les demandeurs ont soumis leur demande en obtention d’une autorisation de séjour sur pied de la brochure intitulée « Régularisation du 15.3 au 13.7.2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg », éditée par le service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille et de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, et qu’ils se sont prévalu de la catégorie A de cette brochure, visant « la personne, âgée de 18 ans au moins, qui réside et travaille de façon ininterrompue au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 et qui est affiliée depuis cette date à la sécurité sociale luxembourgeoise, sous condition d’avoir un emploi stable et de toucher, soit un salaire égal au salaire social minimum pour travailleur non qualifié âgé de 18 ans (52.047.- LUF), soit un salaire égal au RMG auquel elle peut prétendre compte tenu de sa situation familiale ».

Les critères fixés dans ladite brochure ne se heurtent pas à l’article 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 qui énonce une faculté de refus par le ministre et s’inscrivent donc dans le cadre légal en la matière par la fixation de directives destinées à encadrer le pouvoir discrétionnaire que la loi concède à l’autorité compétente lors de l’examen de situations individuelles. Les juridictions administratives, dans le cadre d’un recours en annulation, sont appelées à contrôler également les motifs complémentaires avancés par le délégué du Gouvernement par rapport à l’application de la catégorie A de la brochure susvisée, alors même qu’une telle motivation faisait défaut dans la décision contestée (Cour adm. 20 mai 2003, Ilic, n° 16092C, non encore publié).

En l’espèce, s’il est vrai que les demandeurs résident au Luxembourg depuis le 13 octobre 1998, ils n’établissent pas que l’un d’eux a travaillé de manière ininterrompue depuis cette date au Luxembourg et était affilié à la sécurité sociale luxembourgeoise de ce chef. En effet, ils ne se prévalent que de deux autorisation d’emploi temporaires des 8 décembre 1999 et 30 mars 2000, dont la dernière relative à un emploi de manœuvre auprès de la société … a expiré le 15 juin 2000.

Dans la mesure où les demandeurs ne prouvent pas qu’ils répondent aux conditions fixées pour la catégorie A de la brochure de régularisation, leur moyen afférent est en tout état de cause à écarter.

Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, reçoit le recours principal en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 juin 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15705
Date de la décision : 18/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-18;15705 ?

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