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18/06/2003 | LUXEMBOURG | N°12465

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 juin 2003, 12465


Tribunal administratif N° 12465 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 novembre 2000 Audience publique du 18 juin 2003 Recours formé par Madame …, et consorts contre une décision du ministre de l’Environnement en présence du syndicat intercommunal de Tandel en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12465 du rôle, déposée le 6 novembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Lucien WEILER, avocat à la Cour, insc

rit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de 1) Madame …, pensionnée, demeu...

Tribunal administratif N° 12465 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 novembre 2000 Audience publique du 18 juin 2003 Recours formé par Madame …, et consorts contre une décision du ministre de l’Environnement en présence du syndicat intercommunal de Tandel en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12465 du rôle, déposée le 6 novembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Lucien WEILER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de 1) Madame …, pensionnée, demeurant à L- Luxembourg…, 2) Madame…, pensionnée, demeurant à L- Luxembourg, .., 3) Madame …, épouse …, femme de ménage, demeurant à L-…, 4) Monsieur …, demeurant à L-…, 5) Monsieur …, employé des CFL, demeurant à L-…, 6) Monsieur …, fonctionnaire d’Etat, demeurant à L-…, 7) Monsieur …, rentier, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 25 septembre 2000 par laquelle le syndicat intercommunal Tandel, établi à L-9350 Bastendorf, 6, Haaptstrooss, a été autorisé à installer et à exploiter un hall de stockage de copeaux de bois à Brandenbourg, sur un fond inscrit au cadastre de la commune de Bastendorf, section B de Brandenbourg – Ouest, sous le numéro 254/814 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 février 2001 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 8 octobre 2002, portant signification de la requête introductive d’instance au syndicat intercommunal de Tandel ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Jean-Paul WILTZIUS, en remplacement de Maître Lucien WEILER et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives .

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Par son arrêté du 25 septembre 2000, le ministre de l’Environnement a autorisé le syndicat intercommunal de Tandel à installer et à exploiter un hall de stockage de copeaux de bois à Brandenbourg, sur un fond inscrit au cadastre de la commune de Bastendorf, section B de Brandenbourg-Ouest, sous le numéro 254/814, en autorisant plus particulièrement un hall agricole comprenant des locaux administratifs et sociaux ainsi que des installations sanitaires, une installation de chauffage, un dépôt de 1500 m3 de copeaux de bois, un atelier du travail de bois, un atelier de réparation et d’entretien pour véhicules et autres engins, un élévateur à fourches, un dépôt d’huiles, un réservoir aérien à simple paroi d’une capacité de 7000 litres destiné au stockage de gazoil, une station fixe de distribution de gazoil dont la capacité totale des dépôts est supérieure à 300 litres et inférieure ou égale à 20.000 litres, un dépôt de gaz comprimé, liquéfié ou maintenu dissous sous une pression supérieure à 1 bar, 4 emplacements pour les véhicules du service forestier, un dépôt à ciel ouvert destiné à l’entrestockage temporaire d’environ 100 m3 au maximum de bois destiné à la vente ainsi qu’un hangar d’une surface d’environ 200 m2, servant comme abri aux véhicules et engins du service forestier.

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2000, Mesdames …, … …, et …, et Messieurs …, …, … et … ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 25 septembre 2000.

L’article 19 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés ouvrant un recours au fond devant les juges administratifs pour statuer en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse. – Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et délai ainsi que du point de vue de l’intérêt à agir des demandeurs, sans fournir d’autres précisions. Au cours des plaidoiries, le délégué du gouvernement a contesté l’intérêt à agir de la part des dames … et … …, dans la mesure où celles-ci déclarent habiter à Luxembourg-Ville.

Le mandataire des demandeurs a rétorqué que dans la mesure où ledit moyen n’aurait pas été soulevé dans le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, il devrait être rejeté, au vu de son invocation tardive.

Le tribunal ne saurait toutefois suivre le raisonnement du mandataire des demandeurs en ce que, d’une part, le délégué a contesté, dans son mémoire en réponse, l’intérêt à agir de tous les demandeurs, y compris celui des dames … et … …, comme il vient d’être relevé ci-

avant, et, d’autre part, comme il s’agit d’une question ayant trait à la recevabilité d’un recours, le tribunal aurait pu soulever ledit moyen d’office au cours des plaidoiries, étant donné qu’il a trait à l’ordre public, de sorte que le moyen des demandeurs est à rejeter comme n’étant pas fondé.

L’intérêt à agir conditionne la recevabilité d’un recours administratif. Il doit être personnel et direct, né et actuel, effectif et légitime.

Il importe encore de rappeler que, d’une part, tout demandeur doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général, d’autre part, concernant le caractère direct de l’intérêt à agir, pour qu’un demandeur puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère individuel conférant ou reconnaissant des droits à un tiers, il ne suffit pas qu’il fasse état d’une affectation de sa situation, mais il doit établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre la décision querellée et sa situation personnelle et, de troisième part, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire un caractère suffisamment certain, de l’intérêt invoqué implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pour que le recours contre un acte soit déclaré recevable.

Quant au bien-fondé dudit moyen d’irrecevabilité dans le chef des dames …, et en l’absence d’une quelconque précision de la part des demandeurs quant au préjudice que l’établissement litigieux serait susceptible de leur causer et d’une quelconque précision quant à leur qualité au titre de laquelle elles entendent agir, il échet de déclarer le recours irrecevable dans la mesure où il a été introduit par Mesdames … et ….

En ce qui concerne les autres demandeurs, tous résidents de la localité de Brandenbourg, le recours en réformation est à déclarer recevable pour avoir été introduit en outre dans les formes et délai prévus par la loi.

Les demandeurs reprochent en premier lieu au ministre de l’Environnement d’avoir autorisé l’installation et l’exploitation dudit hall de stockage de copeaux de bois, sans tenir compte des graves nuisances sonores qui seraient causées par ladite installation du fait du bruit des moteurs des tracteurs, des autres engins lourds, ainsi que des poids lourds conduits par les ouvriers employés par ledit établissement, qui feraient de nombreux aller-retours vers ce centre, ainsi que des graves nuisances respiratoires dues aux gaz d’échappement desdits véhicules.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conteste que l’exploitation de l’établissement litigieux soit à l’origine de graves nuisances sonores et respiratoires et, tout en admettant que cette exploitation entraîne nécessairement une « certaine » circulation de tracteurs et d’autres engins, il soutient qu’il ne serait ni établi ni même allégué que les conditions figurant dans l’autorisation litigieuse au sujet de la lutte contre le bruit et de la protection de l’air ne soient pas suffisantes pour garantir le respect des objectifs dont la loi précitée du 10 juin 1999 doit assurer l’accomplissement. A ce titre, il insiste sur l’envergure réduite de l’établissement litigieux dont les nuisances devraient « absolument [se situer] dans les limites de l’acceptable », sans constituer une gêne intolérable.

Il échet de relever tout d’abord qu’au-delà de l’énonciation très sommaire des bruits susceptibles d’être dégagés du fait de l’exploitation litigieuse, les demandeurs craignent que l’exploitation de cette installation ne soit à l’origine non seulement de problèmes inhérents à la circulation sur la voie publique mais également de bruits d’engins circulant sur le site même sur lequel est implanté le hall de stockage de copeaux de bois. Ceci dit, le tribunal constate que les craintes exprimées par les demandeurs quant à de prétendues nuisances sonores et olfactives auxquelles ils risquent d’être exposés du fait de l’installation et de l’exploitation de l’établissement litigieux sont exprimées d’une manière très générale et vague, sans que le tribunal ne soit en mesure d’apprécier les risques concrets que les demandeurs pourraient subir du fait de l’installation litigieuse, aucune indication chiffrée, technique ou concrète, ne lui ayant été soumise de leur part et sans que les demandeurs aient tenté d’établir que les conditions très strictes prévues par les chapitres III : « Protection de l’air » et VI : « Lutte contre le bruit » de l’autorisation attaquée ne soient pas de nature à leur donner satisfaction quant à des prétendus désagréments qu’ils craignent du point de vue des nuisances sonores et olfactives.

Au vu des constatations qui précèdent, le tribunal est dans l’impossibilité de pouvoir apprécier concrètement les craintes des demandeurs, étant donné qu’aucun élément ne lui a été soumis afin d’établir que malgré les conditions techniques très strictes fixées par l’autorisation ministérielle litigieuse, l’installation projetée de l’établissement classé comportera quand même des nuisances inadmissibles pour les demandeurs. Dans ces conditions, il échet de rejeter ce moyen comme n’étant pas fondé.

En deuxième lieu, les demandeurs font état de ce que la transformation d’un « pré rural » en terrain industriel constituerait une grave atteinte à l’esthétique d’un village « pittoresque tel que Brandenbourg », en ce qu’en leur qualité de voisins directs du site litigieux, ils se verraient « confrontées à une vue dès plus désagréables de leur village, caractérisé auparavant par sa beauté et par son calme ». Dans ce contexte, ils font plus particulièrement valoir qu’à plusieurs reprises, ils auraient trouvé sur le site en question des récipients non hermétiquement fermés qui auraient contenu des cadavres de gibiers « en voie de décomposition organique » et que des troncs d’arbres auraient été posés de manière désordonnée pendant plusieurs mois sur le terrain litigieux, sans apparente nécessité technique. Ils critiquent encore le fait que l’établissement litigieux serait situé à une distance « minime » par rapport au ruisseau qui longerait le site ainsi que par rapport à la forêt qui se trouverait à proximité immédiate de celui-ci. Ils concluent de ce fait à une violation de « l’esprit » de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, en ce que l’établissement litigieux aurait « un impact négatif important sur le paysage », risquant d’entraîner une détérioration de la qualité de vie des voisins directs ainsi que des villageois de Brandenbourg.

En ce qui concerne d’abord le dépôt sur le site litigieux de récipients contenant des cadavres de gibier, ainsi que le dépôt de différents matériaux, notamment des troncs d’arbres, faits qui sont d’ailleurs contestés par le délégué du gouvernement, il échet de relever que ces faits, à les supposer établis, ont trait non pas à la légalité et à la conformité de la décision litigieuse par rapport à la loi précitée du 10 juin 1999, mais qu’ils ont trait le cas échéant à l’exécution de ladite autorisation, sous le contrôle des autorités compétentes, voire à des infractions de droit commun, questions qui échappent au juge administratif dans le cadre de la présente instance dirigée exclusivement contre la décision ministérielle litigieuse du 25 septembre 2000.

Pour le surplus, le délégué du gouvernement conteste que le ministre de l’Environnement, agissant dans le cadre du champ de compétence qui lui a été attribuée par la loi précitée du 10 juin 1999, doit prendre en considération la bonne intégration de l’établissement litigieux dans le paysage concerné, au motif qu’une disposition semblable à celle prévue par l’article 36 de la loi précitée du 11 août 1982 ne serait pas prévue par la loi précitée du 10 juin 1999, de sorte que sur ce point au moins les deux lois ne se recouperaient pas et que le ministre de l’Environnement, agissant dans le cadre de la loi de 1999 ne pourrait pas refuser l’installation et l’exploitation d’un établissement classé, au motif qu’il porterait atteinte à la beauté du paysage ou à l’esthétique d’un village.

Quant à la question de savoir si le ministre de l’Environnement, agissant dans le cadre d’une demande introduite sur base de la loi précitée du 10 juin 1999, doit également tenir compte des objectifs fixés par la loi précitée du 11 août 1982, il échet de relever que dans la mesure où les objectifs des deux lois se recoupent, le ministre de l’Environnement possède une compétence double entraînant que l’examen du projet litigieux doit se faire également en partie par rapport aux inconvénients qu’un établissement classé risque de présenter pour l’environnement humain et naturel, ledit examen s’inscrivant également dans le champ d’application de la loi sur les établissements classés. Une telle compétence double existe pour le moins en partie dans la mesure où la protection de l’environnement humain et naturel fait partie du champ d’application de la loi sur les établissements classés et relève plus particulièrement du domaine de compétence du ministre de l’Environnement en la matière, en ce que l’air, l’eau, le sol, la flore et la faune caractérisent l’environnement humain et naturel (cf. trib. adm. 12 juillet 1999, n°s 9801 et 9837 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etablissements classés, II. Autorisation, n° 13 et autres références y citées).

Ainsi, au vu des dispositions légales applicables, le champ de compétence réservé par la loi sur les établissements classés au ministre de l’Environnement, tel qu’il ressort de l’article 13, paragraphe 3 de la loi précitée du 10 juin 1999 ne se recoupe pas intégralement avec le champ de compétence qui lui est attribué en vertu de l’article 36 de la loi précitée du 11 août 1982 et plus particulièrement dans le cadre d’une autorisation à délivrer en matière d’établissements classés, le ministre de l’Environnement n’a pas à analyser l’intégration d’un établissement classé dans le paysage et à tenir compte de la beauté et du caractère du paysage pour apprécier si l’établissement en question peut le cas échéant être de nature à porter atteinte à ces objectifs.

Il suit des considérations qui précèdent qu’abstraction faite du caractère vague et imprécis des reproches adressés au ministre de l’Environnement quant à une mauvaise intégration de l’établissement litigieux dans le village de Brandenbourg, le ministre de l’Environnement, agissant dans le cadre de la loi sur les établissements classés, n’a aucune compétence pour formuler une appréciation ou le cas échéant des conditions de nature à favoriser une bonne intégration de l’établissement afin de préserver la beauté et le caractère du paysage, de sorte que le moyen afférent est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Le recours en réformation doit suivre le même sort au vu du fait que les deux seuls moyens invoqués par les demandeurs ont été déclarés non fondés.

Malgré le fait que le syndicat intercommunal de Tandel n’a pas constitué avocat et déposé de mémoire en réponse dans le cadre de la présente instance, il y a néanmoins lieu de statuer à son égard, conformément à l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

déclare le recours en réformation irrecevable dans la mesure où il a été introduit par Mesdames … et … … ;

le déclare recevable pour le surplus ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 18 juin 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12465
Date de la décision : 18/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-18;12465 ?

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