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13/06/2003 | LUXEMBOURG | N°16508

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juin 2003, 16508


Numéro 16508 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juin 2003 Audience publique extraordinaire du 13 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de mise à disposition du Gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16508 du rôle, déposée le 5 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, ins

crit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, d...

Numéro 16508 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juin 2003 Audience publique extraordinaire du 13 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de mise à disposition du Gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16508 du rôle, déposée le 5 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité bosniaque, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de la Justice du 28 mai 2003 prononçant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 juin 2003.

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Il ressort d’un procès-verbal référencé sous le numéro … du service de recherche et d’enquête criminelle – vol organisé de la police grand-ducale du 28 mai 2003 que Monsieur …, préqualifié, fut arrêté le même jour ensemble avec deux autres personnes près de la gare centrale à Luxembourg-Ville à la suite d’une tentative de vol observée par les agents de la police.

Monsieur … fut ensuite placé, par arrêté du ministre de la Justice du 28 mai 2003, notifié le même jour à l’intéressé, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le procès-verbal no … du 28 mai 2003 établi par la Police grand-ducale, SREC, et le procès-verbal no … du 28 mai 2003, établi par le Bureau Commun de Coopération policière ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile en Belgique ;

Considérant qu’une demande de reprise en charge conformément à la Convention dite de Dublin sera adressée aux autorités belges ;

Considérant qu’en attendant l’accord de reprise sollicité, un éloignement vers la Belgique n’est pas possible ;

Considérant que l’intéressé est signalé au SIS sous le numéro … ;

Considérant que l’intéressé est démuni d’un titre de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 5 juin 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de l’arrêté ministériel de placement du 28 mai 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 23 avril 2003. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur conteste l’existence dans son chef d’un danger de soustraction à son rapatriement et estime que le ministre n’aurait invoqué à la base de l’arrêté litigieux aucun élément de fait de nature à établir l’existence d’un danger de fuite dans son chef, d’autant plus qu’il aurait sollicité son retour en Belgique auprès de sa famille.

Il avance qu’il ne constituerait aucun danger pour l’ordre public, condition qui devrait être vérifiée à la base d’une décision de placement, à défaut de preuve de la commission d’un acte compromettant la sécurité, la tranquillité ou la salubrité publiques, la simple indication de son signalement au SIS devant être qualifiée d’insuffisante à cet égard, alors qu’il « conteste avec la dernière énergie les faits à la base de ladite inscription ».

Le demandeur soutient finalement que, dans la mesure où son identité aurait pu être rapidement établie à partir de son attestation de demandeur d’asile en Belgique et que les autorités belges accepteraient « très probablement qu’il puisse réintégrer le territoire belge », les démarches accomplies par le ministre en vue de son éloignement seraient insuffisantes et que sa présence au Centre de séjour provisoire serait anormalement longue.

Il y a lieu de relever liminairement que le demandeur ne conteste pas que les conditions de fond d’un refoulement, se trouvant nécessairement à la base de l’arrêté de placement entrepris à défaut d’arrêté d’expulsion, se trouvent réunies en l’espèce.

Il est en outre constant en cause qu’une seconde demande d’asile déposée le 27 mars 2002 par le demandeur en Belgique y est en cours d’examen.

Il s’ensuit que le demandeur tombe directement dans les prévisions de l’article 10, 1.

de la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés Européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990, approuvée par une loi du 20 mai 1993, en ce sens qu’il se trouve visé par le point c) dudit article en tant que demandeur d’asile dont la demande est encore en cours d’examen et qui se trouve irrégulièrement dans un autre Etat membre.

Dans la mesure où la Convention de Dublin du 15 juin 1990 est un instrument de droit international régissant spécifiquement les droits et obligations des Etats membres de l’Union européenne face aux ressortissants d’Etats tiers ayant déposé une demande d’asile sur le territoire de l’Union européenne, elle doit trouver application en l’espèce en tant que loi spéciale par dérogation à toute disposition de droit international ou interne régissant d’une manière plus générale le statut des ressortissants d’Etats tiers.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a eu recours en l’espèce à la procédure spécifique instaurée par l’article 13 de ladite Convention du 15 juin 1990 en soumettant aux autorités belges une demande de reprise en charge préliminairement à l’exécution de toute mesure d’éloignement.

A cet égard, il ressort des éléments du dossier administratif que le service de recherche et d’enquête criminelle – vol organisé de la police grand-ducale s’est adressé dès le 28 mai 2003 au bureau commun de coopération policière – centre de coopération policière et douanière à Luxembourg en demandant des informations concernant les antécédents judiciaires du demandeur et sa résidence officielle, demande qui fut encore honorée le même jour par le dit bureau. En outre, le ministère de la Justice a saisi le 4 juin 2003 l’office des Etrangers du ministère belge de l’Intérieur d’une demande formelle de reprise en charge du demandeur en se prévalant expressément de la Convention susvisée du 15 juin 1990 et de la demande d’asile formée par le demandeur en Belgique.

Au vu des diligences ainsi déployées, on ne saurait reprocher au ministre de ne pas avoir entrepris des démarches suffisantes en vue de l’éloignement du demandeur vers la Belgique, de manière que le reproche du demandeur quant à l’insuffisance des démarches accomplies par le ministre et à la durée anormalement longue de sa présence au Centre de séjour provisoire laisse d’être fondé.

Quant au moyen du demandeur tiré de l’absence d’un danger de fuite et d’un risque de porter atteinte à l’ordre public dans son chef, il y a lieu de relever qu’il fut placé au nouveau Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière créé par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002. Dans la mesure où le caractère approprié de cet établissement au sens de l’article 15 (1) de la loi prévisée du 28 mars 1972 se dégage d’un texte réglementaire, il ne saurait dès lors plus être sujet à discussion. En outre, dans la mesure où il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il y a subi une mesure de placement administrative sur base dudit article 15 en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, il rentrait directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 précité, de sorte que toute discussion sur l’existence d’un risque de porter atteinte à l’ordre public et d’un risque de fuite dans son chef s’avère désormais non pertinente en la matière, étant donné que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence éventuelle de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent par essence un risque de fuite, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Au vu de ce qui précède les reproches tirés du prétendu défaut d’un danger de fuite et d’un risque de porter atteinte à l’ordre public en l’espèce sont également à rejeter comme étant non pertinents.

Il résulte des développements qui précèdent que le recours n’est fondé en aucun de ses moyens et doit partant être rejeté.

Le délégué du Gouvernement sollicite, en application de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, l’allocation d’une indemnité de procédure à hauteur de 1.000 € du chef d’indemnités des délégués du Gouvernement en arguant que les deux moyens de droit avancés dans la requête introductive auraient été toisés et rejetés à de nombreuses reprises par une jurisprudence constante.

En l’espèce, les conditions d’application de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 précitée ne sont pas remplies, étant donné que le tribunal est amené à apprécier la légalité et le bien-fondé des décisions lui soumises au cas par cas par rapport aux dispositions légales applicables sans être lié de manière contraignante par sa propre jurisprudence, ceci d’autant plus en l’espèce au regard du moyen avancé en cause par le demandeur tenant au caractère suffisant ou non des démarches déployées par les autorités compétentes en vue d’assurer que la mesure d’éloignement prévue à l’encontre du demandeur puisse être exécutée sans retard et dans les délais les plus brefs, lequel moyen appelle une appréciation au cas par cas et fait par ailleurs l’objet d’une jurisprudence nuancée de la part des juridictions administratives au regard notamment du délai raisonnable accordé à l’administration pour prendre contact avec les autorités compétentes à l’étranger.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, rejette la demande de l’Etat en allocation d’une indemnité de procédure, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 13 juin 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16508
Date de la décision : 13/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-13;16508 ?

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