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13/06/2003 | LUXEMBOURG | N°16417

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juin 2003, 16417


Tribunal administratif Numéro 16417 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mai 2003 Audience publique extraordinaire du 13 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16417 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2003 par Maître Deidre DU BOIS, avocat à la Cour, assistée de Maître Caroline LECUIT, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur â€

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Tribunal administratif Numéro 16417 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mai 2003 Audience publique extraordinaire du 13 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16417 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2003 par Maître Deidre DU BOIS, avocat à la Cour, assistée de Maître Caroline LECUIT, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L–…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 25 avril 2003, notifiée le 30 avril 2003, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Caroline LECUIT et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 mai 2003.

Le 10 janvier 2003, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 6 mars 2003, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 6 mars 2003, notifiée le 28 mars 2003, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande a été refusée comme étant manifestement infondée au motif que la crainte par lui invoquée d’un groupe de personnes non autrement identifiées ne saurait constituer une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, le ministre ayant constaté en plus à cet égard que la plainte déposée par Monsieur … auprès de la police aurait été suivie d’effet puisque celle-ci se serait proposée de le faire suivre en vue d’arrêter la bande de racketteurs dont il aurait été victime.

Par courrier de son mandataire datant du 10 avril 2003 Monsieur … a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 6 mars 2003. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 25 avril 2003, il a fait introduire en date du 12 mai 2003 un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 25 avril 2003.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour statuer en tant que juge du fond en l’espèce. Dans une matière dans laquelle seul un recours en annulation est prévu, le recours introduit sous forme de recours en réformation est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués, à condition d’observer les règles de procédure et les délais sous lesquels le recours en annulation doit être introduit (cf. trib. adm. 26 mai 1997, n° 9370 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 27 et autres références y citées, p. 516).

Le recours ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est dès lors recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués.

A l’appui de son recours, le demandeur expose avoir pris la fuite pour se soustraire à des persécutions émanant d’un groupe de personnes non identifiables et que la police, informée de ces persécutions, n’aurait pas été en mesure d’entreprendre des démarches nécessaires afin de lui garantir la sécurité. Il relève que s’il est certes vrai qu’il a entendu dire que la police, à son insu, avait l’intention de se servir de lui comme « apât » en lui accordant une certaine protection afin de garantir le succès de l’affaire, mais que l’on ne saurait s’accorder sur les intentions réelles des autorités policières dans son pays d’origine où subsisteraient encore des tensions dues aux agissements des forces de sécurité et des autorités policières prenant la forme d’harcèlements de la population civile et d’arrestations arbitraires.

Le demandeur relève en outre avoir participé aux dernières élections et s’être trouvé dans le camp de la contestation en ce sens qu’un avis de presse confirmant le mot d’ordre d’abstention aurait été lancé par certains partis politiques aux côtés desquels il se trouvait, et qu’une telle prise de position serait rarement acceptée comme faisant partie du libre jeu démocratique, alors que malgré les efforts de la communauté internationale, on dénoncerait toujours des exactions et des violations des droits de l’homme en Algérie. Estimant ainsi remplir les conditions pour accéder à la protection prévue par la Convention de Genève, le demandeur conclut au caractère non fondé de la décision litigieuse.

Le délégué du Gouvernement estime que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a déclaré la demande de Monsieur … manifestement infondée.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement (…) ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, lors de son audition du 6 mars 2003, Monsieur …, interrogé sur des persécutions ou mauvais traitements personnellement subis, a fait état uniquement de problèmes rencontrés avec un groupe de personnes privées voulant s’en prendre au terrain qu’il cultivait, sans faire état d’une quelconque connotation politique de cet incident ou d’autres éléments de nature à rattacher ledit événement à un des critères prévus par la Convention de Genève. Par ailleurs, interrogé sur les conséquences d’un éventuel retour dans son pays, il a indiqué devoir éventuellement changer de ville et de situation ou de devoir déménager au centre ou à l’ouest, sans pour autant faire état de craintes de persécution au sens de la Convention de Genève, par rapport à son pays d’origine globalement considéré.

A défaut de tout élément concret ayant trait à la situation personnelle du demandeur et permettant de rattacher les craintes par lui exprimées aux critères énoncés pour délimiter le champ d’application de la Convention de Genève, le ministre de la Justice a dès lors valablement pu déclarer sa demande d’asile comme étant manifestement infondée au motif qu’elle ne repose sur aucun des critères de fond définis par cette convention.

Il suit des considérations qui précèdent, que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation dans la mesure des moyens de légalité présentés ;

se déclare incompétent pour en connaître pour le surplus ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 juin 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16417
Date de la décision : 13/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-13;16417 ?

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