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12/06/2003 | LUXEMBOURG | N°16325

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juin 2003, 16325


Tribunal administratif N° 16325 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2003 Audience publique du 12 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16325 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2003 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur

…, né le … à Krajimire (Kosovo/Serbie-Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant a...

Tribunal administratif N° 16325 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2003 Audience publique du 12 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16325 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2003 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Krajimire (Kosovo/Serbie-Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 7 février 2003, notifiée le 12 février 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande en obtention du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre le 17 mars 2003 suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2003 par Maître Claude DERBAL au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Claude DERBAL et Messieurs les délégués du gouvernement Jean-Paul REITER et Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

Le 30 décembre 2002, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu le 13 janvier 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 7 février 2003, notifiée le 12 février 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond tels que définis par l’article 1er, section A.2 de la Convention de Genève. Le ministre avait en effet retenu que Monsieur … se limitait à exprimer un vague sentiment général d’insécurité. Ladite décision se basait encore sur l’article 5 paragraphe 1 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996, en ce que Monsieur … proviendrait d’un pays, à savoir le Kosovo, où il n’existerait pas, en règle générale, de risques sérieux de persécution pour les Albanais du Kosovo.

Le recours gracieux introduit auprès du ministre de la Justice le 12 mars 2003, dirigé contre la décision ministérielle précitée du 7 février 2003, fut rejeté par une décision confirmative dudit ministre du 17 mars 2003.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 7 février et 17 mars 2003.

Le recours en annulation, qui constitue le recours légalement prévu par l’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il convient en premier lieu de toiser le moyen soulevé par le demandeur dans son mémoire en réplique par lequel il reproche au ministre de la Justice une violation de l’article 5 de la loi précitée du 3 avril 1996, en ce qu’à aucun moment de la procédure il n’aurait été informé de son droit « de se faire assister et de choisir ou se faire désigner un avocat ».

A l’audience publique du tribunal administratif du 19 mai 2003, le délégué du gouvernement a produit l’original de la pièce intitulée « assistance judiciaire », portant une signature attribuée au demandeur, de laquelle il ressortirait que ce dernier a été informé le jour du dépôt de sa demande d’asile de son droit de choisir un avocat ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’Ordre des avocats. Après remise de l’affaire, le mandataire du demandeur a expressément reconnu à l’audience publique du 2 juin 2003 que Monsieur … a apposé sa signature sur le document litigieux, reconnaissant de sorte avoir été informé le jour du dépôt de sa demande d’asile de son droit de se faire assister par un avocat. Il s’ensuit que le moyen laisse d’être établi en fait et qu’il est à écarter.

A l’appui de sa demande d’asile, le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre de la Justice a considéré sa demande comme manifestement infondée. Dans cet ordre d’idées, il expose être originaire du Kosovo, d’origine ethnique albanaise et de confession musulmane, et qu’il serait persécuté en raison du fait qu’il serait considéré comme un collaborateur des Serbes, au même titre que son père, qui aurait été exécuté au courant du mois de juillet 1998 par des Albanais. Depuis cette époque, il aurait vécu caché « n’osant plus sortir de peur qu’il soit attenté à sa vie », ce qu’il aurait finalement incité à quitter son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm.

2002, V° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

Par ailleurs, il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement. Ainsi, il ne suffit pas d’invoquer une crainte de persécution pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, il faut encore que le demandeur d’asile soumette aux autorités compétentes des éléments suffisamment précis permettant à celles-ci d’apprécier la réalité de cette crainte.

L’absence de production de tels éléments a pour conséquence que la demande d’asile doit être déclarée manifestement infondée.

En l’espèce, il ressort tant du rapport de l’audition du 12 janvier 2003, que de la requête introductive que le demandeur fait exclusivement état de l’assassinat de son père en juillet 1998. Cet événement - à le supposer établi – n’est à lui seul plus d’actualité et ne saurait partant constituer un risque actuel de persécution et un traumatisme y relatif ne saurait suffire pour constituer un motif de reconnaissance du statut de réfugié.

Pour le surplus, il appert à l’examen du compte rendu de son audition, tel qu’il figure au dossier, que le demandeur a en substance exprimé un vague sentiment général d’insécurité par rapport à la situation existante actuellement au Kosovo, mais il n’a pas apporté le moindre élément concret et individuel de persécution au sens de la Convention de Genève, ni n’a-t-il précisé en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 12 juin 2003 par le président en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16325
Date de la décision : 12/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-12;16325 ?

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