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12/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15743

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juin 2003, 15743


Tribunal administratif N° 15743 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 décembre 2002 Audience publique du 12 juin 2003

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Recours formé par la société de droit polonais ….

contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15743 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2002 par Maître Tom KRIEPS, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de droit polonais …., établie et ay...

Tribunal administratif N° 15743 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 décembre 2002 Audience publique du 12 juin 2003

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Recours formé par la société de droit polonais ….

contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15743 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2002 par Maître Tom KRIEPS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de droit polonais …., établie et ayant son siège social à PL-…, ayant une succursale à L-1326 Luxembourg, 63, rue Auguste Charles, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 6 novembre 2002 refusant la délivrance d’une « autorisation de travail collective pour 11 personnes de nationalité polonaise » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Caroline LECUIT, en remplacement de Maître Tom KRIEPS, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre datée du 9 octobre 2002, adressée par la gérante de la succursale au Luxembourg de la société de droit polonais …. à l’administration de l’Emploi, portant sur une demande tendant à la délivrance d’autorisations de travail au Luxembourg, ladite société a sollicité la délivrance de permis de travail en faveur de 11 ressortissants polonais, engagés par la société mère établie en Pologne en vertu de contrats de travail versés en annexe à ladite demande, que ladite société entend « einsetzen », dans le cadre d’un contrat de sous-traitance conclu avec une société de droit allemand, sur un chantier situé au plateau du Kirchberg à Luxembourg, pendant la période allant du 4 novembre 2002 au 15 février 2003, afin d’y réaliser des travaux qualifiés de « Brandschutz und Isolierungsarbeiten », conformément à la spécialité des 11 ouvriers polonais qui resteront affiliés au cours de leurs activités au Luxembourg auprès de l’office des assurances sociales en Pologne.

Par lettre du 6 novembre 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi a informé la succursale de la société de droit polonais …. de ce qu’il n’était pas en mesure de délivrer l’autorisation sollicitée et ceci « pour les raisons suivantes :

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) ;

- poste de travail non déclaré vacant par l’employeur ;

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place ;

- recrutement à l’étranger non autorisé ;

- salaire non conforme à la législation sur le salaire social minimum ».

Il ressort encore d’une pièce versée au dossier du tribunal qu’en date du 4 juillet 2002 le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement a délivré une autorisation d’établissement en faveur de la société de droit polonais …. afin d’exercer au Grand-Duché de Luxembourg, en qualité d’artisan, l’activité d’entrepreneur d’isolations thermiques, acoustiques et d’étanchéité, à condition que la gérance en soit assurée par K.W.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2002, la société …. a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre du Travail et de l’Emploi du 6 novembre 2002.

Le recours est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient tout d’abord que le ministre du Travail et de l’Emploi aurait commis une violation du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, en ce qu’il a refusé de délivrer une autorisation de travail collective pour une période à durée déterminée d’une durée d’au maximum six mois, en lui reprochant de ne pas avoir pris en considération les éléments concrets du dossier. Elle expose dans ce contexte que bien entendu elle aurait l’intention de rémunérer les salariés en question « au tarif luxembourgeois actuellement en vigueur » au cours de la période pendant laquelle ils travailleraient au Luxembourg, en insistant sur le fait que les ouvriers polonais en question seraient au service de la société mère en Pologne depuis près de 10 ans, de sorte qu’il serait faux de prétendre qu’elle aurait eu l’intention de procéder à un recrutement à l’étranger. Elle ajoute que dans la branche dans laquelle elle travaillerait, à savoir le secteur de l’isolement des bâtiments, il n’existerait quasiment pas de demandeurs d’emploi sur le marché du travail luxembourgeois et qu’elle aurait pour spécialité d’effectuer des travaux d’isolation pour compte de sociétés de droit allemand dans un domaine « très pointu » dans lequel il n’existerait pas de prestataire de services sur le territoire luxembourgeois. Enfin, elle conclut à une violation de l’accord de coopération conclu entre la Pologne et l’Union européenne en date du 1er février 1994, en soutenant que la décision ministérielle limiterait « singulièrement l’établissement des sociétés de nationalité polonaise sur le territoire luxembourgeois en refusant l’emploi de leurs propres salariés ».

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement estime que la décision ministérielle litigieuse aurait été prise conformément au droit applicable et qu’aucun reproche ne saurait être fait au ministre du Travail et de l’Emploi, de sorte que le recours en annulation devrait être déclaré non fondé.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse fait état de ce qu’elle ne sollicitait les autorisations de travail afférentes que dans le cadre d’un « travail provisoire pour un chantier bien déterminé » et ceci « conformément à la procédure prévue par le règlement grand-ducal du 12 mai 1972 [précité] ».

Elle conteste encore qu’elle n’aurait à aucun moment eu l’intention de recruter en Pologne les ouvriers en question en vue de l’exécution sur le territoire luxembourgeois de prestations de travail, en rappelant que les salariés en question resteraient engagés auprès de la société polonaise qui souhaiterait exclusivement les « employer sur un chantier luxembourgeois » dans le cadre d’un contrat de sous-traitance déterminé et à durée limitée.

Elle ajoute que bien entendu les contrats de travail desdites personnes conclus avec la société mère en Pologne continueraient « à être maintenus même en cas de travail temporaire sur le territoire luxembourgeois », ce qui n’empêcherait toutefois pas que les salariés polonais en question soient rémunérés conformément à la législation luxembourgeoise pendant leur durée d’occupation sur le territoire luxembourgeois.

Au cours de l’audience à laquelle l’affaire a été plaidée, le tribunal a soulevé d’office les questions de l’applicabilité de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et du défaut, par le ministre du Travail et de l’Emploi, d’avoir pris position par rapport à cette disposition réglementaire dans le cadre de sa décision litigieuse du 6 novembre 2002.

Pour répondre à ladite question, le délégué du gouvernement a soutenu que la demande de la demanderesse datée du 9 octobre 2002 n’aurait pas été à analyser par rapport à l’article 9 du règlement grand-ducal précité de 1972, mais qu’il se serait agi d’une demande en vue de la délivrance de 11 permis de travail séparés et individuels, en faveur de 11 ressortissants polonais en vue de leur engagement au Luxembourg.

Il y a lieu d’admettre à partir des indices concordants se dégageant non seulement de la lettre précitée du 9 octobre 2002, dans la mesure où celle-ci a utilisé le mot de « einsetzen » qui n’est nullement synonyme avec la notion de recrutement de travailleurs au Luxembourg, mais également de la requête introductive d’instance et du mémoire en réplique de la demanderesse, que la demande se trouvant à la base de la décision ministérielle attaquée du 6 novembre 2002 tendait à la délivrance d’une autorisation de travail collective suivant la procédure prévue par l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, ainsi que sur base des critères y énoncés.

Force est cependant de constater qu’il ne ressort d’aucun élément de la décision ministérielle déférée, que la demande précitée du 9 octobre 2002 ait été examinée sur base dudit article 9, mais qu’elle indique au contraire une motivation qui aurait le cas échéant pu être invoquée à la base d’une décision de refus de délivrance d’un permis de travail pour un ou plusieurs salariés à engager au Luxembourg pour y travailler de manière permanente ou à durée déterminée. Or, telle n’a jamais été l’intention de la demanderesse, tel que cela ressort d’une manière constante de tous les éléments du dossier, mais il s’agit au contraire d’un détachement temporaire de travailleurs polonais au Grand-Duché de Luxembourg pour le compte de la succursale de la société mère polonaise dans le cadre d’un contrat de sous-

traitance conclu avec une société de droit allemand afin d’effectuer des prestations de travail déterminées pour une période limitée au Grand-Duché de Luxembourg.

Comme en outre ni par son mémoire en réponse ni au cours des plaidoiries, le délégué du gouvernement a fourni une motivation complémentaire en considération de l’applicabilité de l’article 9 précité, en estimant au contraire que cette disposition réglementaire n’aurait pas été d’application dans le cas d’espèce, le tribunal ne se trouve en possession d’aucun élément de motivation ayant pu justifier un refus de délivrance d’une autorisation de travail collective en application de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, et il s’ensuit qu’au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent la décision déférée du ministre du Travail et de l’Emploi encourt l’annulation pour défaut de motivation valable, sans qu’il y ait lieu de prendre position sur les autres moyens invoqués par la partie demanderesse.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié, partant annule la décision déférée du ministre du Travail et de l’Emploi du 6 novembre 2002 et renvoie le dossier en prosécution de cause audit ministre ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Ravarani, président M. Schockweiler, vice-président M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 12 juin 2003 par le président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15743
Date de la décision : 12/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-12;15743 ?

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