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11/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15852

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juin 2003, 15852


Tribunal administratif Numéro 15852 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2003 Audience publique du 11 juin 2003 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2003 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …, de nationalité croate et de Madame …, née le… , de nationalité serbe, demeu

rant actuellement ensemble à L- …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Jus...

Tribunal administratif Numéro 15852 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2003 Audience publique du 11 juin 2003 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2003 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …, de nationalité croate et de Madame …, née le… , de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à L- …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 1er octobre 2002 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du 3 décembre 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2003 par Maître Frank WIES pour Monsieur … et Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Frank WIES et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mai 2003.

Le 26 août 2002, Monsieur … et Madame … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 29 août 2002, Monsieur … et Madame … furent entendus chacun séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 1er octobre 2002, leur envoyée par lettre recommandée le 23 octobre 2002, le ministre de la Justice informa Monsieur … et Madame … de ce que leur demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’ils n'invoqueraient aucune crainte justifiée de persécution en raison de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social.

Par courrier de Maître Frank WIES du 6 novembre 2002, Monsieur … et Madame … firent introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 3 décembre 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision de refus du 1er octobre 2002.

Le 9 janvier 2003, Monsieur … et Madame … ont fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre les deux décisions ministérielles de refus datées des 1er octobre et 3 décembre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre les décisions ministérielle déférées.

Le délégué du Gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté.

Les demandeurs ont introduit le 6 novembre 2002 un recours gracieux contre la décision de refus du ministre de la Justice du 1er octobre 2002, notifiée le 23 octobre 2002. La décision confirmative date du 3 décembre 2002 et a été notifiée par voie de courrier recommandé en date du 9 décembre 2002, de sorte que le recours en réformation déposé le 9 janvier 2003 a été déposé dans les délais de la loi. Le recours en réformation ayant été par ailleurs déposé dans les formes de la loi, il est recevable.

Quant au fond, les demandeurs exposent qu’ils sont originaires de la ville croate de … et appartiennent à la minorité serbe de Croatie. Ils précisent que la ville de … est située dans la région de la Krajina de Knin, peuplée, avant l’éclatement des conflits armés en ex-

Yougoslavie, d’une majorité serbe et qu’en septembre 1990, les Serbes de la Krajina proclamèrent leur autonomie sous le nom de « région autonome serbe de Krajina ». Ils expliquent que Monsieur … se serait engagé au sein de l’armée de la « Krajina » et aurait combattu dans les rangs des rebelles serbes jusqu’au moment où il aurait été blessé par une grenade lors des combats dans la ville de …. Ils ajoutent qu’en 1991, Monsieur … serait devenu membre fondateur du parti démocratique serbe, qu’il aurait été membre actif du parti et qu’il aurait assumé les fonctions de responsable du département des sports et de la culture.

Ils font valoir qu’ils se seraient mariés en 1994 sous les lois de la région autonome serbe de « Krajina ». Ils continuent qu’en août 1995, au moment où la région autonome serbe de « Krajina » a été dissoute, une grande partie de la population serbe serait partie et qu’à partir de ce moment là, les demandeurs auraient été sujets à des discriminations et persécutions diverses de la part des autorités croates. Ils font valoir que Monsieur … aurait été arrêté à plusieurs reprises par la police croate ceci sans raison apparente et qu’on lui aurait retiré son « permis d’armes, son fusil et son permis de chasse, le privant ainsi de la possibilité d’exercer son métier de pêcheur » (sic). En ce qui concerne plus spécialement Madame …, ils font valoir que les autorités croates auraient refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui auraient ainsi dénié la possibilité de travailler et de s’inscrire à la sécurité sociale. Ils font encore valoir que la transcription de leur mariage célébré sous les lois de la région autonome serbe de Krajina aurait également été refusée par les autorités croates.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Monsieur … et Madame … lors de leurs auditions respectives du 29 août 2002, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne la situation des demandeurs en tant que membre de la minorité serbe de la Croatie, il échet de relever que s’il est vrai que la situation générale des membres de cette minorité est difficile, les faits dont ils font état ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant, de sorte qu’ils n’établissent pas un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine.

Concernant les craintes de persécutions en raison de l’appartenance de Monsieur … au parti démocratique serbe, il échet de relever que s’il est vrai que les activités dans un parti d’opposition peuvent justifier des craintes de persécutions, Monsieur … reste en défaut de soumettre des faits concrets établis pour dénoter l’existence d’un risque de persécution au sens de la Convention de Genève en raison de son engagement politique.

En ce qui concerne plus particulièrement Madame… , elle relate qu’elle est venue au Luxembourg à cause des problèmes de son concubin et à cause de la mauvaise situation économique due à l’absence d’un permis de travail et d’un permis de séjour, de sorte qu’aucune crainte personnelle de persécution rentrant dans le cadre de la Convention de Genève ne peut être retenu dans son chef.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs au frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 11 juin 2003 par :

M. Campill, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Campill 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15852
Date de la décision : 11/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-11;15852 ?

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