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11/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15371

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juin 2003, 15371


Numéro 15371 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 septembre 2002 Audience publique du 11 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15371 du rôle, déposée le 19 septembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tab

leau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né …, de nationalité pa...

Numéro 15371 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 septembre 2002 Audience publique du 11 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15371 du rôle, déposée le 19 septembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né …, de nationalité palestinienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 5 mars 2002 déclarant que sa demande d’asile est exclue du champ d’application de la Convention de Genève, ainsi que d’une décision implicite de rejet du recours gracieux formé pour son compte le 17 juin 2002;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2002;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision initiale critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 février 2003.

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Le 2 décembre 1998, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en dates des 27 mars 2000 et 22 novembre 2001 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 5 mars 2002, notifiée en date du 16 mai 2002, de ce que sa demande avait été rejetée comme étant exclue du champ d’application de la Convention de Genève en vertu de l’article 1er D de cette Convention aux motifs énoncés comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté votre domicile de … quatre mois avant d’arriver au Luxembourg. Vous avez d’abord pris l’avion de la Jordanie aux Pays-Bas et ensuite un second vol d’Amsterdam à Cologne. Arrivé en Allemagne, vous avez décidé de retourner aux Pays-Bas, ce que vous avez fait quatre jours après votre arrivée en Allemagne.

Aux Pays-Bas, vous avez déposé une demande d’asile, qui vous a été refusée. Vous avez néanmoins séjourné deux mois dans ce pays et vous l’avez quitté le 20 novembre 1998. Vous êtes arrivé au Luxembourg le 23 novembre 1998.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 2 décembre 1998.

Vous exposez que vous en avez assez de la situation de votre pays d’origine. Vous auriez été arrêté régulièrement tant par la police israélienne que par la police palestinienne, mais vous ajoutez que vous auriez eu plus d’ennuis avec les Palestiniens qu’avec les Israéliens. Il se serait agi selon vous de problèmes personnels avec certains membres de la police palestinienne.

Vous dites n’avoir jamais été membre d’un parti politique ni d’une organisation défendant les Palestiniens.

Je constate que vous avez séjourné à deux reprises au moins en Jordanie, pays dans lequel séjournerait encore une partie de votre famille. Par ailleurs, vous auriez obtenu un passeport jordanien.

Je note encore qu’il résulte de vos déclarations que vous séjourniez à Kalkilia, territoire palestinien.

Or, je vous informe que tant la région dite Territoires Palestiniens (en l’occurrence la Cisjordanie/West Bank) que l’Etat de Jordanie lui-même se trouvent sous la protection de l’organisation UNRWA, dépendant de l’ONU. Il en résulte que les ressortissants palestiniens se trouvant dans les zones de protection de l’UNRWA ne peuvent invoquer la protection de la Convention de Genève, et ceci en vertu de l’article 1er D de ladite Convention. En effet, celui-

ci dispose que : « Cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés ».

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme exclue du champ d’application de la Convention de Genève en vertu de l’article 1er D de cette Convention ».

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 17 juin 2002 n’ayant pas été vidé par une nouvelle décision du ministre, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre de la décision ministérielle explicite du 5 mars 2002 et implicite de rejet de son recours gracieux par requête déposée le 19 septembre 2002.

Encore que le demandeur entend exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l'obligation d'examiner en premier lieu la possibilité d'exercer un recours au fond en la matière, l’existence d'une telle possibilité rendant irrecevable l'exercice d'un recours en annulation contre la même décision.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de décisions statuant sur le bien-fondé d’une demande d’asile, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours principal en annulation est en conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur affirme que la mission de l’UNRWA viserait essentiellement les réfugiés palestiniens définis comme des populations palestiniennes issues de l’exode de 1948, de 1967 ou d’autres départs non volontaires, mais qu’il ne pourrait pas être qualifié de réfugié palestinien, de manière à ne pas pouvoir être visé par l’article 1er D de la Convention de Genève.

Il fait en outre valoir que l’article 1er D de la Convention de Genève viserait les organismes ou institutions capables de protéger les personnes dont la vie est en danger dans leur pays d’origine, de manière que l’UNRWA, se limitant exclusivement à l’aide humanitaire, ne saurait être qualifiée comme étant visée par cette disposition.

Le demandeur soutient finalement qu’il faudrait considérer, par analogie avec l’alinéa 2 de l’article 1er D de la Convention de Genève, que si la protection ou l’assistance devaient s’avérer insuffisantes pour considérer ses bénéficiaires comme étant protégés, ces personnes devraient de plein droit rentrer dans le champ de ladite Convention, entraînant qu’au vu de la situation en Palestine, les réfugiés palestiniens ne pourraient être considérés comme protégés ou assistés par l’UNRWA et qu’ils devraient être admis à invoquer à leur bénéfice la Convention de Genève.

A titre subsidiaire, le demandeur fait valoir que son départ de Palestine aurait été motivé par des problèmes rencontrés avec les autorités tant palestiniennes qu’israéliennes et qui auraient notamment pris la forme d’incarcérations répétées. Il soutient que ces éléments seraient de nature à fonder une crainte justifiée de persécution dans son chef.

Abstraction faite de la question de savoir si le ministre a valablement pu refuser la demande d’asile du demandeur comme étant exclue du champ d’application de la Convention de Genève, le tribunal est amené à constater que le demandeur se prévaut surtout de problèmes avec la police palestinienne, se résolvant essentiellement en des arrestations répétées de quelques jours « chaque fois qu’il y a des échauffourées », qui seraient cependant le plus souvent dus à une « question d’animosité personnelle » face à quelques membres de la police palestinienne. Le demandeur a admis qu’il aurait beaucoup moins de problèmes avec les Israéliens.

Or, étant donné qu’aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner », de manière que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne, force est au tribunal de constater que les persécutions dont le demandeur affirme avoir été la victime reposent en partie sur des motifs étrangers à ceux visés par la Convention de Genève et ne sont pas d’une gravité suffisante pour faire admettre que la vie serait intolérable au demandeur dans sa région d’origine.

En effet, le demandeur reste en défaut d’établir, voire d’alléguer en quoi les « animosités personnelles » dont il fait état s’analyseraient en des actes de persécution pour l’un des motifs énoncés par la Convention de Genève, de même que son affirmation qu’il ne veut « absolument pas rester dans un pays arabe musulman » est d’ordre tout à fait général et ne permet pas de dégager un quelconque élément concret de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef.

Dans la mesure où le demandeur reste ainsi en défaut d’établir qu’il doit pouvoir bénéficier de la protection de la Convention de Genève, il y a lieu, par substitution de motifs, de retenir que le ministre a valablement refuser la demande d’asile lui soumise.

Le recours sous analyse doit en conséquence être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en annulation irrecevable, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juin 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15371
Date de la décision : 11/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-11;15371 ?

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