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11/06/2003 | LUXEMBOURG | N°14358a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juin 2003, 14358a


Tribunal administratif N° 14358a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2001 Audience publique du 11 juin 2003 Recours formé par Madame …, …, contre une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 14358 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 décembre 2001 par M

aître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo...

Tribunal administratif N° 14358a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2001 Audience publique du 11 juin 2003 Recours formé par Madame …, …, contre une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 14358 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 décembre 2001 par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, de nationalité roumaine, demeurant à L- …, tendant à l’annulation d’un arrêté de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 1er octobre 2001 refusant l’homologation de son diplôme final de médecine dentaire, lui décerné en septembre 1994 par la faculté de médecine et de pharmacie de l’Université Ovidius de Constanta (Roumanie) ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 8 juillet 2002 ;

Vu l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 3 janvier 2003 inscrit sous le numéro 00015 du registre ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2003 par Maître Dean SPIELMANN au nom de Madame … ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2003 par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu la notification de ce mémoire complémentaire à Maître Dean SPIELMANN par voie de télécopie en date du 13 mars 2003 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maîtres Dean SPIELMANN et Marc THEWES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 mai 2003.

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Madame … s’est vu délivrer en septembre 1994 le titre de docteur en stomatologie par la faculté de médecine et de pharmacie de l’Université « OVIDIUS » de Constanta en Roumanie.

Désireuse de s’établir au Luxembourg, elle présenta ledit diplôme à la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après appelée « la ministre », en vue de son homologation par courrier datant du 9 avril 2000.

Par arrêté du 1er octobre 2001, la ministre, se basant sur un avis défavorable de la commission d’homologation pour la médecine dentaire du 10 septembre 2001, refusa d’accorder l’homologation sollicitée aux motifs suivants :

« Considérant que l’analyse détaillée du curriculum universitaire de Madame …, révèle que l’intéressée n’a pas suivi les matières suivantes des matières obligatoires énumérées à l’annexe du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 fixant les critères d’homologation des titres et grades en médecine dentaire :

a) matières de base : physique chimie b) matières médico-biologiques et matières médicales générales :

physiothérapie, c) matières spécifiquement odonto-stomatologiques :

sédation en dentisterie, organisation professionnelle, déontologie et législation, Considérant que le diplôme ne montre pas non plus le suivi du cours de radio-protection en rapport avec la directive 97/43 Euratom du Conseil du 30 juin 1997 relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers de rayonnements ionisants lors d’expositions à des fins médicales, remplaçant la directive 84/466/Euratom ».

Par requête déposée le 24 décembre 2001, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel prévisé du 1er octobre 2001.

Par jugement rendu en date du 8 juillet 2002, le tribunal administratif a déclaré ledit recours recevable et, au fond, a décidé de surseoir à statuer et de demander à la Cour Constitutionnelle de statuer à titre préjudiciel sur la question suivante :

« L’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur, en ce qu’il dispose que « l’homologation (des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur) ne pourra être accordée que si les études supérieures des postulants et leurs diplômes ou titres d’examens finals d’étrangers répondent à certains critères généraux, à établir par règlement grand-

ducal pour chaque discipline. Ce règlement pourra fixer, selon les besoins des différentes disciplines, entre autres une durée minimale des études supérieures ainsi que la nature et l’étendue des matières qui doivent avoir fait l’objet de l’enseignement théorique et pratique.

Les diplômes présentés à l’homologation doivent, sans dérogation possible, conférer à un grade d’enseignement supérieur reconnu par le pays d’origine, où y donné accès au stage ou à la profession, selon la branche choisie, sans qu’une discrimination puisse être faite entre titres légaux et titres scientifiques, entre titres d’Etat et titres d’université. (…) », est-il conforme à la Constitution et notamment à ses articles 11 (6) et 23 pris dans ses troisième, sinon quatrième alinéa ».

Par arrêt du 3 janvier 2003 référencé sous le numéro 00015 du registre, la Cour Constitutionnelle a dit « que l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur est contraire aux articles 11 (6) et 23, alinéas 3 et 4 de la Constitution dans la mesure où il prévoit l’établissement par voie de règlement grand-ducal d’autres critères que ceux qu’il fixe lui-même ».

La conclusion ainsi retenue par la Cour Constitutionnelle est motivée par les considérations suivantes :

« Considérant que l’article 11 (6) de la Constitution dispose que « la loi garantit la liberté du commerce et de l’industrie, l’exercice de la profession libérale et du travail agricole, sauf les restrictions à établir que le pouvoir législatif » et que l’article 23 de la Constitution, en ses passages pertinents, énonce que « (la loi) règle (…) tout ce qui est relatif à l’enseignement (alinéa 3) » et que « chacun est libre de faire ses études dans le Grand-

Duché ou à l’étranger et de fréquenter les universités de son choix, sauf les dispositions de la loi sur les conditions d’admission aux emplois et à l’exercice de certaines professions » (alinéa 4) ;

Considérant que l’effet des réserves de la loi énoncées par la Constitution consiste en ce que nul, sauf le pouvoir législatif, ne peut valablement disposer des matières érigées en réserve ; qu’il est toutefois satisfait à la réserve constitutionnelle si la loi se borne à tracer les grands principes tout en abandonnant au pouvoir réglementaire la mise en œuvre du détail ;

Considérant cependant que l’article 4 de la susdite loi abandonne en partie au pouvoir réglementaire l’établissement pour chaque discipline de critères généraux autres que ceux qu’il prévoit lui-même – durée minimale des études supérieures, nature et étendue des matières devant avoir fait l’objet de l’enseignement théorique et pratique - ; que dans cette mesure, il est contraire à la Constitution. » A l’appui de son recours la demanderesse a conclu à l’illégalité et à l’inconstitutionnalité de l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 précitée, ainsi que, par voie de conséquence, du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en médecine dentaire en ce qu’il fixerait des critères généraux d’homologation des titres et grades étrangers en médecine dentaire, alors que la détermination de ceux-ci serait réservée de par l’article 23 de la Constitution à la loi.

Elle a conclu en outre à l’illégalité et à l’inconstitutionnalité des mêmes dispositions légale et réglementaire en ce qu’elles violeraient l’article 11 (6) de la Constitution, ceci au motif que la profession de médecin-dentiste est une profession libérale et que tant l’article 4 de la loi du modifiée du 18 juin 1969 précitée que ses règlements d’exécution, dont plus particulièrement le règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 précité et surtout son annexe intitulée « programme d’études pour les praticiens de l’art dentaire», constitueraient une entrave à l’exercice de cette profession libérale.

A la suite de l’arrêt rendu sur la question préjudicielle adressée par le tribunal administratif à la Cour Constitutionnelle, la demanderesse, dans son mémoire complémentaire, a réitéré son moyen basé sur l’inconstitutionnalité de l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 précitée en faisant valoir que ce serait en permettant au pouvoir réglementaire d’établir des critères généraux en dehors de ceux fixés par l’article 4 lui-même que ledit article pècherait d’inconstitutionnalité en ce que cette façon de procéder ne serait pas conforme aux articles 11 (6) et 23 alinéas 3 et 4 de la Constitution.

Après avoir relevé que la décision litigieuse repose également sur le motif que le diplôme par elle présenté ne montrerait pas le suivi du cours de radio-protection en rapport avec la directive 97/43/Euratom du 30 juin 1997 relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants lors d’expositions à des fins médicales, remplaçant la directive 84/466/Euratom, la demanderesse conclut en outre à l’inconstitutionnalité de l’exécution de ladite directive 97/43/Euratom au motif qu’elle a été transposée en droit luxembourgeois par la voie d’un règlement grand-ducal du 16 mars 2001 relatif à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants lors d’expositions à des fins médicales et que l’article 14 de ce règlement contiendrait des critères généraux relatifs à la formation de manière à méconnaître le principe des matières réservées visées aux articles 11 (6) et 23 de la Constitution en conformité avec lequel la transposition de la directive concernée aurait dû être réalisée par une loi.

La partie demanderesse conclut en outre à l’inapplicabilité de la directive 97/43/Euratom prévisée au motif que le diplôme présenté à l’homologation a été délivré en 1994, soit à un moment où la directive en question, datant du 30 juin 1997, n’existait pas encore et que par ailleurs la directive, au moment où la demande a été introduite, le 9 avril 2000, n’était pas encore transposée en droit luxembourgeois. La demanderesse en déduit que les critères généraux de la directive auraient été appliqués rétroactivement en l’espèce.

A titre subsidiaire, la partie demanderesse propose de poser à la Cour de justice des Communautés européennes, sur le fondement de l’article 150 du traité Euratom, la question préjudicielle suivante :

« La directive 97/43/Euratom du conseil du 30 juin 1997 relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnement ionisants lors d’exposition à des fins médicales, remplaçant la directive 84/466/Euratom, dans la mesure où elle contient des exigences relatives à la formation universitaire, s’applique-t-elle rétroactivement à des diplômes obtenus antérieurement à son adoption ? ».

L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg prend position par rapport à l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 3 janvier 2003 en faisant valoir que l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 précitée n’aurait pas été déclaré inconstitutionnel dans son ensemble, mais uniquement dans la mesure où il prévoit l’établissement par voie de règlements grand-ducaux de critères autres que ceux que la loi prévoit elle-même, de sorte que contrairement à ce que fait plaider la demanderesse, on ne serait pas en présence d’un règlement basé sur un texte déclaré inconstitutionnel, mais en présence d’un texte réglementaire restant dans les limites de constitutionnalité fixées par la Cour Constitutionnelle. Il estime en effet que l’inconstitutionnalité retenue par la Cour Constitutionnelle relativement à l’article 4 en question ne porterait que dans la mesure où ledit article autorise l’adoption de règlements dans des domaines autres que la fixation de la durée minimale des études supérieures, la nature et l’étendue des matières devant avoir fait l’objet de l’enseignement théorique et pratique y visé, de sorte que le règlement grand-ducal litigieux du 14 janvier 1994 prévisé ne serait pas affecté par cette décision puisque – précisément – il se bornerait à fixer « la nature et l’étendue des matières devant avoir fait l’objet de l’enseignement ».

L’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 précitée dispose que « l’homologation (des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur) ne pourra être accordée que si les études supérieures des postulants et leurs diplômes ou titres d’examens finals étrangers répondent à certains critères généraux, à établir par règlement grand-ducal pour chaque discipline. Ce règlement pourra fixer, selon les besoins des différentes disciplines, entre autres une durée minimale des études supérieures ainsi que la nature et l’étendue des matières qui doivent avoir fait l’objet de l’enseignement théorique et pratique.

Les diplômes présentés à l’homologation doivent, sans dérogation possible, conférer un grade d’enseignement supérieur reconnu par le pays d’origine, ou y donner accès au stage ou à la profession, selon la branche choisie, sans qu’une discrimination puisse être faite entre titres légaux et titres scientifiques, entre titres d’Etat et titres d’Université. (…) ».

Il se dégage de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 3 janvier 2003 que l’article 4 précité est contraire à la Constitution en ce qu’il abandonne en partie au pouvoir réglementaire l’établissement pour chaque discipline de critères généraux autres que ceux qu’il prévoit lui-même. La Cour Constitutionnelle ayant eu soin d’énoncer clairement les critères généraux qu’elle considère comme étant prévus dans leurs grands principes par l’article 4 lui-même, en l’occurrence la durée minimale des études supérieures, ainsi que la nature et l’étendue des matières devant avoir fait l’objet de l’enseignement théorique et pratique, il y a dès lors lieu de considérer que pour autant que la mise en œuvre du détail des critères ainsi énoncés est concernée, ni l’article 4 précité, ni le règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 précité ne se heurtent à la réserve constitutionnelle, étant donné que ledit règlement grand-ducal d’exécution a précisément pour objet de déterminer dans le détail les exigences relatives à la durée des études et à leur contenu à travers notamment la détermination du programme d’études conduisant au diplôme, certificat ou autre titre de praticien de l’art dentaire concerné.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la ministre a valablement pu se baser, relativement aux exigences tenant à la durée des études et à leur contenu, sur les dispositions du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 précité pour apprécier la demande d’homologation de Madame ….

La demanderesse critique l’arrêté ministériel déféré pour erreur manifeste d’appréciation des faits, excès de pouvoir, violation de la loi et illégalité des motifs.

Elle fait valoir plus particulièrement que l’avis de la commission d’homologation à la base de l’arrêté ministériel déféré regorgerait de considérations erronées et partiales, dénotant une démarche ouvertement protectionniste en ce que d’abord, pour appuyer son avis négatif, la commission invoquerait un prétendu « fait troublant que le diplôme de baccalauréat (de la requérante) n’a été obtenu que le 24 mars 2000, à savoir près de six années après le diplôme de licence délivré en 1994, alors que la possession de ce diplôme de baccalauréat est une condition sine qua non pour accéder aux études médicaux-dentaires ». Elle relève à cet égard qu’une lecture attentive des pièces aurait permis à la commission de constater que son diplôme de baccalauréat a en réalité été obtenu en juin 1998 et que la date du 24 mars 2000 correspond à celle où une copie en a été délivrée pour appuyer sa demande d’homologation.

Concernant ensuite la considération de la commission basée sur le fait qu’elle n’aurait pas suivi des branches jugées essentielles, la demanderesse, sans pour autant contester ne pas avoir suivi plusieurs de ces matières de base, relève que celles-ci, en l’occurrence la physique et la chimie, auraient été étudiées à l’occasion de ses études secondaires ayant mené au diplôme de baccalauréat et que les autorités académiques compétentes auraient considéré qu’elle avait satisfait aux exigences concernant ces deux branches, de sorte qu’elle n’avait plus à suivre ces cours à l’université. Elle signale en outre avoir suivi à l’université des cours de biophysique et de biochimie et que, concernant la branche de la physiothérapie, cette matière ferait partie en Roumanie d’un autre curriculum menant vers une profession distincte, de même qu’il y aurait lieu de noter que la sédation en dentisterie ne concernerait qu’indirectement la profession de médecin-dentiste. Elle relève en outre que contrairement à ce qui est énoncé dans l’avis de la commission et dans la décision attaquée, les matières de « l’organisation professionnelle » et des « déontologie et législation » auraient été étudiées.

Quant au fait que le nombre d’heures des cours ne correspond pas au nombre d’heures indiqué dans le programme roumain, la demanderesse relève d’abord que cette considération n’a pas été reprise dans la décision attaquée et signale ensuite que les membres du corps enseignant de l’Université OVIDIUS ne suivraient pas nécessairement l’horaire proposé dans le programme, de sorte que bien que ce programme soit enseigné dans sa totalité, le nombre d’heures pourrait légèrement varier en fonction des membres du corps enseignant. Elle fait valoir finalement que l’affirmation suivant laquelle les diplômes de médecin-dentiste délivrés en Roumanie ne seraient pas reconnus dans la plupart des pays membres de l’Union Européenne serait contestée, gratuite et nullement documentée.

Quant à l’argument énoncé dans l’avis de la commission suivant lequel « le diplôme ne montre pas non plus le suivi du cours de radio-protection en rapport avec la directive 97/43 Euratom du Conseil du 30 juin 1997 relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants lors d’expositions à des fins médicales, remplaçant la directive 84/466 Euratom », la demanderesse fait valoir qu’à supposer que le règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 soit constitutionnel, il y aurait lieu de retenir que la décision déférée violerait à cet égard ledit règlement et notamment son annexe, laquelle ne formulerait aucune exigence en rapport avec cette directive Euratom, de sorte que la décision déférée poserait une exigence non-prévue par le règlement grand-ducal invoqué à sa base.

Elle ajoute encore que de toute façon elle n’aurait pas pu suivre des cours prévus par une directive de 1997, alors que son diplôme soumis à l’homologation date de 1994.

Finalement la demanderesse fait valoir que la décision attaquée violerait le principe de proportionnalité en ce que les matières répertoriées dans la décision attaquée comme n’ayant pas été suivies ne sauraient en aucune manière être considérées comme essentielles et que le règlement grand-ducal précité du 14 janvier l994 et son annexe auraient dû être appréciés à cet égard à la lumière du principe de proportionnalité.

Le délégué du Gouvernement rétorque que si la commission d’homologation a certes fait erreur en ce qui concerne la date de délivrance du diplôme de fin d’études secondaires de la demanderesse, cette erreur n’aurait toutefois pas porté à conséquence, étant donné que la demande présentée par Madame … a été déclarée recevable, alors qu’en cas de doute relativement à son certificat de fin d’études secondaires, le dossier aurait été déclaré irrecevable. Il relève ensuite que la comparaison du programme d’études roumain avec le relevé des matières devant, conformément à l’annexe du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 précité, impérativement faire partie des matières à étudier, aurait abouti à la conclusion que sur 4 points le cycle d’études roumain ne serait pas conforme aux dispositions de l’annexe en question, de sorte que la décision ministérielle serait justifiée à cet égard.

Quant à la directive 97/43/Euratom du Conseil du 30 juin 1997, le représentant étatique, tout en admettant qu’elle n’a pas été incluse dans la réglementation datant de 1994 pour avoir été mise en vigueur trois années plus tard seulement, suggère que cette directive devrait s’appliquer d’office. Quant au moyen d’illégalité et d’inconstitutionnalité de l’article 4 la loi modifiée du 18 juin 1969 précitée et de son règlement grand-ducal d’exécution sous analyse ainsi qu’au principe de proportionnalité invoqué à l’appui du recours, le délégué du Gouvernement fait valoir que l’habilitation donnée par l’article 4 de ladite loi serait suffisamment précise pour abandonner les détails au pouvoir réglementaire, étant donné que seraient clairement visés les diplômes ou titres d’examens finals. Il estime par ailleurs que le principe constitutionnel de la liberté du commerce, ainsi désigné, n’empêcherait pas que l’accès à une profession soit réglementé et soumis à des conditions à définir par le législateur.

Dans son mémoire en réplique la demanderesse insiste que la question de son baccalauréat n’aurait pas seulement été examinée en termes de recevabilité, mais que la commission d’homologation se serait basée sur la date prétendument tardive de délivrance de son diplôme de fin d’études secondaires pour motiver «quant au fond » son avis négatif et qu’il suffirait de lire ledit avis pour s’en convaincre. Elle estime dès lors qu’au contraire cette erreur d’appréciation de la part de la commission serait de nature à vicier tant son avis que la décision déférée.

Quant à la validité au fond des motifs de refus de la demande d’homologation présentée par la demanderesse, il y a lieu de se référer aux dispositions de l’article 3 du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 précité d’après lesquelles « la formation dentaire doit conférer les compétences nécessaires pour l’ensemble des activités de prévention, de diagnostique et de traitement concernant les anomalies et maladies de dents, de la bouche, des mâchoires et des tissus attenants. Elle doit porter au moins sur les matières énumérées à l’annexe et être effectuées dans une université, dans un institut supérieur d’un niveau reconnu comme équivalent ou sous la surveillance de l’université ».

En l’espèce il est constant à partir des affirmations mêmes de la demanderesse que celle-ci n’a pas suivi durant son cursus post-secondaire les matières de base énoncées par la ministre sub a) dans sa décision de refus, en l’occurrence la physique et la chimie, ainsi que la physiothérapie énoncée sub b) et pour le moins l’une des matières énoncées sub c), à savoir la sédation en dentisterie.

La demanderesse signale à cet égard que les matières de base de physique et de chimie auraient été étudiées à l’occasion de ses études secondaires ayant mené au diplôme de baccalauréat et que les autorités académiques compétentes auraient considéré qu’elle avait satisfait aux exigences concernant ces deux branches, de sorte qu’elle n’aurait pas dû suivre ces cours à l’université OVIDIUS dans laquelle ces branches ne feraient d’ailleurs pas partie du programme. Elle ajoute par contre avoir suivi dans le cadre de son cursus universitaire des cours de biophysique et de biochimie. Concernant ensuite la matière de la physiothérapie, elle relève que cette matière ferait partie en Roumanie d’un autre curriculum menant vers une profession distincte, tandis que la matière de la sédentation en dentisterie ne concernerait qu’indirectement la profession de médecin dentiste.

Force est de constater que la ministre, statuant sur une demande d’homologation d’un diplôme final de médecine dentaire, est tenue d’appliquer, pour autant que ses caractères constitutionnel et légal se vérifient, le règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 précité dans la teneur qui lui a été conférée par le pouvoir réglementaire, sans pouvoir faire abstraction des exigences y inscrites, voire dispenser un administré de devoir répondre aux critères y énoncés, sous peine de violer la loi.

Dans la mesure où les carences au niveau du contenu des études suivies par la demanderesse ne sont pas contestées en fait, la décision ministérielle de refus litigieuse se trouve dès lors légalement justifiée pour non-respect des conditions fixées par l’article 3 du règlement grand-ducal du 14 janvier 1994 précité, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus avancés ainsi que les moyens y afférents.

Cette conclusion ne saurait être énervée par les considérations avancées en cause par la demanderesse basées sur une prétendue partialité, voire des démarches qualifiées par elle d’ouvertement protectionnistes de l’autorité administrative ayant statué, étant donné que l’examen auquel le tribunal est appelé à se livrer dans le cadre d’un recours en annulation consiste à vérifier si l’autorité administrative a agi dans le cadre des pouvoirs lui conférés par les textes légaux ou réglementaires applicables, vérification qui s’est en l’espèce soldée par l’affirmative d’après les développements qui précèdent.

La même conclusion s’impose relativement au principe de proportionnalité invoqué par la demanderesse, étant donné que l’application de ce principe ne saurait en tout état de cause justifier le non-respect par l’autorité ministérielle compétente des exigences inscrites dans les textes légaux et réglementaires applicables.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

vide le jugement du 8 juillet 2002 ;

au fond dit le recours non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juin 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14358a
Date de la décision : 11/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-11;14358a ?

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