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05/06/2003 | LUXEMBOURG | N°16392

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 juin 2003, 16392


Numéro 16392 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2003 Audience publique du 5 juin 2003 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16392 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à

Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Podujevo (Kosovo/Serbie et Monténégro), de ...

Numéro 16392 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2003 Audience publique du 5 juin 2003 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16392 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Podujevo (Kosovo/Serbie et Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-

…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 18 février 2003, notifiée par lettre recommandée du même jour, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du 31 mars 2003, rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 2 janvier 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé «la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu le 14 janvier 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 18 février 2003, notifiée par lettre recommandée du même jour, le ministre de la Justice l’informa que sa demande a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond tels que définis par l’article 1er section A.2 de la Convention de Genève. Le ministre a en effet retenu que Monsieur … se limitait à faire état de motifs d’ordre personnel, à savoir sa peur d’une personne privée avec laquelle il aurait eu une bagarre et qui se serait moquée de lui et le fait qu’au Kosovo, il serait tout seul et qu’il n’y aurait personne, sans citer un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le recours gracieux daté au 19 mars 2003 introduit par le mandataire du demandeur auprès du ministre de la Justice a été rejeté par une décision confirmative du 31 mars 2003.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 18 février et 31 mars 2003.

L’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il aurait eu des problèmes au Kosovo avec un individu qui lui aurait reproché le fait que son père aurait collaboré avec les Serbes et que la gravité des problèmes qu’il aurait eus avec cet individu serait suffisamment sérieuse pour conclure à une menace pour sa vie dans son pays d’origine, de sorte qu’il aurait dû quitter celui-ci. Il souligne dans ce contexte que dans son pays d’origine de « nombreuses personnes » auraient été assassinées du fait de leur supposée collaboration sinon celle de leurs proches, avec les Serbes et qu’il craindrait de subir le même sort. En outre, il fait valoir que les autorités actuellement en place au Kosovo seraient dans l’incapacité de lui assurer une protection efficace.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

Par ailleurs, il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement. Ainsi, il ne suffit pas d’invoquer une crainte de persécution pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, il faut encore que le demandeur d’asile soumette aux autorités compétentes des éléments suffisamment précis permettant à celles-ci d’apprécier la réalité de cette crainte. L’absence de production de tels éléments a pour conséquence que la demande d’asile doit être déclarée manifestement infondée.

En l’espèce, il ressort tant du rapport d’audition du 14 janvier 2003 que de la requête introductive d’instance que le demandeur se dit « persécuté » par un individu, qui l’aurait agressé et qui se serait moqué « tout le temps » de lui en raison du fait que son père serait un collaborateur des Serbes, en ajoutant qu’il aurait eu des problèmes « pour survivre dans la rue ». Or, de tels agissements relèvent d’une criminalité de droit commun, laquelle, quelle que soit la gravité et le caractère condamnable desdits actes, à les supposer établis, ne saurait être qualifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, mais traduit plutôt dans le chef du demandeur un sentiment d’insécurité.

Il s’y ajoute que le simple fait de prétendre que les autorités actuellement en place au Kosovo ne seraient pas en mesure de lui assurer une protection efficace, sans apporter d’autres précisions à ce sujet, et sans avoir précisé, plus particulièrement, avoir déposé une plainte auprès de la police ou des autorités militaires actuellement en place au Kosovo, n’est pas de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités actuellement en place dans son pays d’origine, à défaut, pour le surplus, pour le demandeur d’avoir rapporté la preuve ou, pour le moins, donné des explications crédibles de nature à établir une volonté desdites autorités de ne pas poursuivre de tels actes pour un des motifs visés par la Convention de Genève.

Enfin, le demandeur n’a pas indiqué, ni au cours de son audition par un agent du ministère de la Justice ni dans sa requête introductive d’instance qu’il aurait eu des problèmes liés à ses opinions politiques ou religieuses ou en raison de l’appartenance à un groupe social ou national et il y a lieu d’ajouter qu’il disposait par ailleurs d’une possibilité de fuite interne raisonnable à l’intérieur de son pays d’origine au moment de la prise des décisions déférées.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 5 juin 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16392
Date de la décision : 05/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-05;16392 ?

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