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05/06/2003 | LUXEMBOURG | N°16376

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 juin 2003, 16376


Tribunal administratif N° 16376 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2003 Audience publique du 5 juin 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16376 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2003 par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le

… à Djakova (Kosovo/Serbie et Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, te...

Tribunal administratif N° 16376 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2003 Audience publique du 5 juin 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16376 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2003 par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Djakova (Kosovo/Serbie et Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 13 février 2003, notifiée par lettre recommandée le 18 février 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du 31 mars 2003, rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en ses plaidoiries.

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En date du 23 décembre 2002, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le 12 février 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 13 février 2003, notifiée par lettre recommandée le 18 février 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond tels que définis par l’article 1er, section A.2 de la Convention de Genève.

Le ministre a en effet retenu que le fait par le demandeur d’avoir quitté son pays d’origine afin de trouver du travail pour subvenir aux besoins de sa famille ne saurait fonder une demande en reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’il ne saurait être considéré comme constituant un motif de persécution rentrant dans le champ d’application de la Convention de Genève.

A la suite d’un recours gracieux daté du 18 mars 2003 introduit par le mandataire de Monsieur … auprès du ministre de la Justice, ce dernier a confirmé, par décision du 31 mars 2003, sa décision initiale du 13 février 2003.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2003, Monsieur … a introduit un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 13 février et 31 mars 2003.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est réputé contradictoire entre parties. Il échet de relever à cet égard que par lettre du 2 juin 2003, parvenue au tribunal avant l’audience fixée pour les plaidoiries, le mandataire du demandeur a informé le tribunal qu’il était dans l’impossibilité de se présenter à l’audience des plaidoiries et qu’il était d’accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré en son absence.

En vertu de l’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996 seul un recours en annulation peut être introduit devant les juridictions administratives en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996. Le recours en annulation, ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur se réfère à la situation régnant actuellement au Kosovo, qui, d’après lui, ne serait pas suffisamment stabilisée, en ce que cette région serait « politiquement très agitée », rendant « problématique » tout retour dans son pays d’origine, qui ne pourrait pas se faire « en toute sécurité ».

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 93 et autres références y citées ; trib.

adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

Par ailleurs, il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement. Ainsi, il ne suffit pas d’invoquer une crainte de persécution pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, il faut encore que le demandeur d’asile soumette aux autorités compétentes des éléments suffisamment précis permettant à celles-ci d’apprécier la réalité de cette crainte.

L’absence de production de tels éléments a pour conséquence que la demande d’asile doit être déclarée manifestement infondée.

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 12 février 2003 ainsi que de la requête introductive d’instance, force est de constater que le demandeur n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. - En effet, il appert à l’examen du compte-rendu de son audition tel qu’il figure au dossier, que le demandeur a en substance exprimé des motifs économiques l’ayant incité à quitter son pays d’origine, en ce qu’il a exprimé l’intention de se rendre dans un pays où il pourrait obtenir du travail afin de subvenir aux besoins de sa famille, en relevant qu’il n’y aurait pas de bonnes conditions de vie dans son pays d’origine d’autant plus que leur maison aurait été détruite et que toute sa famille dormirait « dans une pièce ». Il n’a toutefois pas apporté le moindre élément concret et individuel de persécution au sens de la Convention de Genève ni précisé en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 5 juin 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16376
Date de la décision : 05/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-05;16376 ?

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