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04/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15934

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juin 2003, 15934


Tribunal administratif N° 15934 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 janvier 2003 Audience publique du 4 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, Chine et la société à responsabilité limitée Restaurant …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15934 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 janvier 2003 par Maître Louis TINTI, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né l...

Tribunal administratif N° 15934 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 janvier 2003 Audience publique du 4 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, Chine et la société à responsabilité limitée Restaurant …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15934 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 janvier 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , demeurant en Chine à … et de la société à responsabilité limitée Restaurant … s. à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 31 octobre 2002 portant refus de délivrance du permis de travail sollicité dans le chef de Monsieur … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 avril 2003 ;

Vu le mémoire en réplique, intitulé « mémoire en réponse », déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2003 par Maître Louis TINTI au nom des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI en sa plaidoirie à l’audience publique du 2 juin 2003.

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Considérant que par une déclaration d’engagement datée du 31 juillet 2001, la société à responsabilité limitée Restaurant … s. à r.l., sous le nom de son gérant Monsieur… , a introduit une demande en obtention d’un permis de travail pour Monsieur …, préqualifié, renseigné comme demeurant en Chine suivant l’adresse y indiquée ;

Que par arrêté du 31 octobre 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après appelé « le ministre », a refusé le permis de travail sollicité dans le chef de Monsieur …, « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 14 cuisiniers dont 1 cuisinier chinois et 13 cuisiniers avec CATP inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi ;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) ;

- recrutement à l’étranger non autorisé ;

- Monsieur … n’est pas à considérer comme cuisinier qualifié spécialisé » Considérant que par requête déposée en date du 31 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif, Monsieur …, ainsi que la société à responsabilité limitée Restaurant … s. à r.l.

ont fait introduire un recours en annulation dirigé contre l’arrêté ministériel prérelaté du 31 octobre 2002 ;

Considérant qu’aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le recours en annulation est à déclarer recevable pour avoir été par ailleurs introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant que les demandeurs critiquent d’abord la décision ministérielle déférée en faisant valoir qu’elle serait motivée de manière insuffisante et stéréotype, sans tenir compte de leurs situations précises ;

Que cette insuffisance de motivation équivaudrait à une absence de motivation suivant les exigences légales posées en la matière, de sorte à devoir conduire à l’annulation de la décision déférée ;

Considérant qu’une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ;

Qu’en application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base ;

Considérant qu’en l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 31 octobre 2002 énonce 4 motifs tirés notamment de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, cette motivation ayant utilement été complétée et explicitée par le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement, ensemble son mémoire en duplique, de sorte que les demandeurs n’ont pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse ;

Considérant que l’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier l’arrêté ministériel déféré ;

Considérant que les demandeurs critiquent de façon distributive les 4 chefs de motivation expressément invoqués à travers l’arrêté ministériel déféré et en sollicitent à chaque fois l’annulation ;

Considérant qu’au titre du motif tiré du recrutement à l’étranger non autorisé effectué dans le chef de Monsieur …, les demandeurs de faire valoir que dans la mesure où ils se seraient proposés à travers la déclaration d’engagement par eux signée à voir engager un salarié résident en dehors de l’espace communautaire, pareille démarche aurait dû être appréciée par l’administration de l’Emploi comme demande de l’employeur visant à se voir autoriser par l’autorité administrative compétente à recruter en dehors de l’espace communautaire la personne visée par ladite déclaration, de sorte que le simple dépôt de pareille déclaration d’engagement entraînerait que l’employeur satisfait à l’exigence légale d’une demande d’autorisation pour le recrutement d’un étranger soulevée en l’espèce par la partie publique ;

Considérant que conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’Emploi, le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi, sauf l’exception –non vérifiée en l’espèce - où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d’action de l’administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-d’œuvre se déclare » (doc. parl. n° 1682, commentaire des articles, ad. art.

16) ;

Considérant qu’en l’espèce, il est constant que Monsieur … n’a pas d’autorisation de séjour valable au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte qu’il est à considérer comme ayant été recruté à l’étranger au sens de la disposition légale précitée, entraînant qu’au vœu des dispositions de l’article 16 (2) précité, l’employeur qui a eu l’intention d’engager ledit candidat à l’emploi aurait dû solliciter en premier lieu l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger ;

Considérant qu’il ne résulte d’aucun élément du dossier tel que présenté en cause que le recrutement de Monsieur … fut dûment autorisé en l’espèce ;

Que les faits à la base du motif de refus sous examen sont dès lors à considérer comme étant établis en cause ;

Considérant que la méconnaissance de l’obligation légale dans le chef de l’employeur de solliciter en premier lieu auprès de l’administration de l’Emploi l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger est par ailleurs susceptible de sanctions pénales expressément énoncées à l’article 41 de ladite loi modifiée du 21 février 1976, lequel dispose notamment qu’est puni d’une amende de 500 à 25.000 € toute personne, qui exerce une activité de recrutement de travailleurs à l’étranger sans être en possession de l’autorisation préalable prévue à l’article 16 de la même loi ou qui n’observe pas les conditions imposées dans ladite autorisation ;

Considérant qu’au-delà du fait qu’une sanction pénale est prévue par ladite loi modifiée du 21 février 1976, il convient d’analyser si le non-respect de la formalité préalable à l’emploi d’un travailleur étranger inscrite à son article 16 (2) est de nature à justifier une décision de refus du permis de travail ;

Considérant que suivant une jurisprudence réitérée de la Cour administrative, l’article 16 (1) de la loi modifiée du 21 février 1976 précitée fixe en principe pour l’administration de l’Emploi le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger et cela pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main-d’œuvre occupée dans le pays, la Cour s’étant référée à cet égard aux documents parlementaires n° 1682 entrevus plus particulièrement à partir de leur exposé des motifs, pour conclure au caractère impératif de la règle de procédure sous examen (cf. Cour adm. 22 octobre 2002, n°s 14539C et 14967C du rôle, non encore publiés) ;

Qu’il s’ensuit que le motif de refus basé sur le recrutement à l’étranger non autorisé, au regard des considérations ci-avant basées sur une jurisprudence constante de la Cour administrative, s’inscrit dans le cadre légal tracé par les dispositions de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, en vertu desquelles seules « des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi », peuvent être invoquées pour motiver le refus du permis de travail, de sorte que l’arrêté ministériel litigieux est motivé à suffisance de droit et de fait par le seul constat du non-respect de la formalité inscrite à l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 précité, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués à son appui, ni les moyens y afférents ;

Considérant que la procédure devant les juridictions de l’ordre administratif étant essentiellement écrite, le tribunal est amené à statuer contradictoirement encore que l’Etat n’ait pas été représenté à l’audience à laquelle l’affaire a été plaidée et prise en délibéré, des mémoires en réponse et en duplique ayant été déposés au nom de la partie publique ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juin 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15934
Date de la décision : 04/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-04;15934 ?

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