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04/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15399

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juin 2003, 15399


Numéro 15399 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 septembre 2002 Audience publique du 4 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15399 du rôle, déposée le 27 septembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougo...

Numéro 15399 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 septembre 2002 Audience publique du 4 juin 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15399 du rôle, déposée le 27 septembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26 juin 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 décembre 2002;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc WALCH et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 février 2003.

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Le 11 avril 2002, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 16 mai 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 26 juin 2002, notifiée en date du 24 juillet suivant, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 21 août 2002 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 28 août 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle initiale du 26 juin 2002 par requête déposée le 27 septembre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur, originaire de la région de Pec au Kosovo et de confession musulmane, reproche au ministre de ne pas avoir apprécié à sa juste valeur sa situation spécifique qui serait telle qu’elle laisse supposer une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève. Il expose que la population albanaise majoritaire dans cette région verrait d’un mauvais œil le fait qu’il aurait accompli durant les années 1994 et 1995 son service militaire au sein de l’armée yougoslave et que son oncle aurait été officier à Podgorica au Monténégro, de manière que lui-même serait considéré par les Albanais comme un collaborateur des Serbes. Il souligne que plusieurs fois, et pour la dernière fois le 1er mars 2002, des coups de feu auraient été tirés en direction de sa maison et qu’on aurait frappé à ces occasions à sa porte pour se saisir de lui, mais qu’il se serait enfui par une fenêtre à l’arrière de sa maison pour se cacher dans les bois. Il fait valoir que ce seraient sans aucun doute des Albanais qui se seraient livré à ces actes et que la force armée internationale n’aurait dès lors pas été à même de lui assurer une protection appropriée.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 16 mai 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les actes de persécution dont il se prévaut émanent non pas des autorités publiques, mais de groupes de la population. La notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique cependant pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel. En effet, il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). En outre, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, le demandeur a déclaré lors de son audition qu’il n’a pas osé porter plainte et il a répondu à la question pourquoi il ne s’est pas adressé à l’UNMIK « je ne veux rien avoir d’eux ». Il en résulte que le demandeur n’a pas fait de démarche afin d’obtenir la protection des autorités en place. Une telle démarche constitue cependant, ensemble avec un refus de protection des autorités pour l’un des motifs prévus par la Convention de Genève, une prémisse nécessaire pour la reconnaissance de l’existence d’une crainte légitime de persécution.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juin 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15399
Date de la décision : 04/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-04;15399 ?

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