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04/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15245

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juin 2003, 15245


Numéro 15245 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 août 2003 Audience publique du 4 juin 2003 Recours formé par les époux … et … et consort, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15245 du rôle, déposée le 14 août 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscri

t au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le …, et de son épo...

Numéro 15245 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 août 2003 Audience publique du 4 juin 2003 Recours formé par les époux … et … et consort, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15245 du rôle, déposée le 14 août 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le …, et de son épouse, Madame …, née le …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur … …, tous de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 15 mai 2002 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2002;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc WALCH et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 février 2003.

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Le 17 décembre 2001, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant mineur … …, préqualifiés, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Après avoir renoncé à cette demande d’asile le 21 février 2002, les époux …-… déposèrent une nouvelle demande d’asile le 4 mars 2002.

Les époux …-… furent entendus séparément en date du 6 mars 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa les époux …-… par décision du 15 mai 2002, leur notifiée le 5 juin 2002, de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Le recours gracieux formé par les époux …-… à travers un courrier de leur mandataire du 3 juillet 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 10 juillet 2002, ils ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle de rejet initiale du 15 mai 2002 par requête déposée le 14 août 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs reprochent au ministre de ne pas avoir apprécié à sa juste valeur leur situation spécifique qui serait telle qu’elle laisse supposer une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève. Ils exposent plus particulièrement que Monsieur … aurait été membre du parti démocratique de l’Albanie depuis sa création en 1990, ayant assumé les fonctions de secrétaire jusqu’en 1996 et ensuite membre du comité de la ville de Rrogozhine responsable du fonctionnement du parti, de son élargissement et des réunions d’électeurs. Ils font valoir qu’il aurait reçu depuis la montée au pouvoir du parti socialiste des menaces anonymes lui enjoignant d’arrêter toute activité politique sous menace d’enlèvement de ses enfants et que des menaces auraient également été proférées par des sympathisants de Sali BERISHA en raison des critiques exprimées par Monsieur … face aux dirigeants de son parti. Ils ajoutent que Monsieur … aurait fait l’objet de nouvelles menaces tant de la part de sympathisants du parti démocratique que d’inconnus en 1997 après avoir ouvertement préconisé le retour du roi en Albanie, qu’il aurait encore participé à une grève de la faim pour protester contre le gouvernement socialiste qui aurait voulu licencier tous les juristes au service de l’Etat durant la période du gouvernement du parti démocratique et qu’il aurait de ce fait été mis sous pression par le parti socialiste et licencié à deux reprises en 1998 et 1999. Les demandeurs soulignent encore qu’un collègue de travail de Monsieur …, ayant à deux reprises sauvé la vie à Sali BERISHA, et un proche ami, ayant travaillé dans une mosquée auraient été tués par des sympathisants du parti socialiste et que Monsieur … aurait été menacé pour avoir hébergé durant plusieurs mois des réfugiés kosovares et afin de l’amener à s’abstenir des élections législatives de 2001. Les demandeurs estiment dès lors qu’au vu de la situation générale dans leur pays d’origine, de l’influence de structures mafieuses et des attaques toujours persistantes dans leur région d’origine, leur situation subjective traduirait l’existence d’une crainte fondée de persécution dans leur chef, de manière que la décision ministérielle critiquée devrait encourir la réformation.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, v° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant l’activité politique de Monsieur …, il y a lieu de retenir que, si les activités dans un parti d'opposition peuvent, le cas échéant, justifier des craintes de persécution au sens de la Convention de Genève, force est en l'espèce de constater que les demandeurs se prévalent d’actes de persécution émanant non pas des autorités publiques, mais de membres ou de sympathisants à la fois d’un autre parti politique et du propre parti de Monsieur …. Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains groupements de la population, force est de relever que la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel. En effet, il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers uniquement en cas de défaut de protection dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). En outre, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, en l’espèce, les éléments du dossier ne permettent de retenir ni que les demandeurs ont concrètement recherché la protection des autorités en place dans leur pays d’origine, ni l’incapacité de ces dernières pour leur assurer un niveau de protection suffisante, ni encore le défaut de toute poursuite des actes de persécution commis à leur encontre.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance, de manière que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juin 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15245
Date de la décision : 04/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-04;15245 ?

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