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02/06/2003 | LUXEMBOURG | N°16372

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juin 2003, 16372


Tribunal administratif N° 16372 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2003 Audience publique du 2 juin 2003

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Recours formé par Madame … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16372 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Lu

xembourg, au nom de Madame …, née le … à Zenica (République de Bosnie et Herzégovine), de nationalit...

Tribunal administratif N° 16372 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2003 Audience publique du 2 juin 2003

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Recours formé par Madame … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16372 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à Zenica (République de Bosnie et Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 25 février 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du 31 mars 2003, rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Madame …, agissant tant en son nom personnel qu’en celui de son enfant mineur …, né le … à Zenica, introduisit en date du 16 janvier 2003 auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».Elle fut entendue en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Madame … fut en outre entendue en date du 31 janvier 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice l’informa, par lettre du 25 février 2003, notifiée par lettre recommandée du 26 février 2003, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants : « Il résulte de vos déclarations que votre mari n’aurait pas de droit en Bosnie et qu’il n’aurait pas de travail. Vous dites ne pas avoir de maison, que les autorités ne vous auraient pas donné de terrain pour bâtir une maison. Vous n’auriez rien là-bas. Vous admettez ne pas avoir subi de persécution et de n‘avoir peur de personne et de rien.

Enfin, vous indiquez ne pas être membre d’un parti politique.

Selon l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » Or, force est de constater que votre demande ne correspond à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève. Vous indiquez vous même ne pas avoir subi de persécutions. Le fait que vous n’auriez rien en Bosnie, notamment pas de maison, ne saurait fonder une demande en obtention du statut de réfugié politique car il ne rentre pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève de 1951. Votre demande est en outre à considérer comme abusive.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l'article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

A la suite d’un recours gracieux daté du 24 mars 2003, dirigé contre la décision ministérielle précitée du 25 février 2003, adressé au ministre de la Justice, ce dernier confirma la décision initiale par une décision du 31 mars 2003.

Par requête déposée en date du 2 mai 2003, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 25 février et 31 mars 2003.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, la demanderesse reproche au ministre de la Justice d’avoir à tort considéré sa demande d’asile comme étant manifestement infondée, alors qu’elle aurait au contraire fait état de « graves problèmes avec des autorités en place en raison du comportement de son mari pendant l’état de guerre en Bosnie, auxquels les autorités judiciaires bosniaques n’étaient pas en mesure d’apporter une quelconque solution », de sorte que sa vie serait menacée dans son pays d’origine, et de ne pas avoir analysé sa demande d’asile ensemble avec celle introduite précédemment par son mari, sur base de l’article 11 de la loi précitée du 3 avril 1996, en soutenant dans ce contexte que sur base du « principe d’unité familiale », elle aurait dû se voir appliquer un traitement commun des deux demandes d’asile, d’autant plus qu’elles reposeraient toutes les deux sur les craintes de persécution que risquerait son mari dans leur pays d’origine.

Le délégué du gouvernement expose que la demande d’asile de la demanderesse ne reposerait sur aucun des critères de fond tels que définis par la Convention de Genève en vue de la reconnaissance du statut de réfugié et il estime que c’est à bon droit que les demandes d’asile respectives du mari de la demanderesse et d’elle-même ont fait l’objet de traitements séparés étant donné que la demande d’asile de Monsieur … a non seulement été introduite plusieurs mois avant celle de son épouse, à savoir en date du 10 juin 2002, mais qu’en outre sa demande d’asile a été rejetée par une décision ministérielle du 6 janvier 2003, soit avant le dépôt de la demande d’asile de la demanderesse en date du 16 janvier 2003. Le traitement distinct des deux demandes aurait donc été provoqué par les demandeurs eux-mêmes, du fait de l’introduction à des dates différentes de leurs demandes d’asile respectives. Il soutient encore que la demande d’asile de Monsieur … aurait elle aussi dû être déclarée manifestement infondée, mais que cette possibilité n’aurait pas été retenue par le ministre de la Justice du fait de l’expiration du délai de deux mois dans lequel une telle décision aurait dû être prise à l’époque. Pour le surplus, il estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial et non sur un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 93, p. 199 et autres références y citées).

Il convient de relever en premier lieu que la demande d’asile de la demanderesse a été refusée au motif que sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ne répondait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Force est de constater que les faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande d’asile ont trait, tel que cela ressort plus particulièrement du procès-verbal d’audition du 31 janvier 2003, à des problèmes économiques dans son pays d’origine, notamment en raison du fait que son mari n’avait plus de travail, qu’ils n’y avaient pas de maison d’habitation et que son mari n’avait pas pu bénéficier des aides des autorités locales en vue de l’obtention d’un terrain à bâtir sur lequel ils auraient pu construire leur maison d’habitation. Dans ce contexte, elle a encore précisé, sur question afférente de l’agent du ministère de la Justice ayant procédé à l’audition, portant sur les conséquences d’un retour éventuel dans leur pays d’origine, ce qui suit : « Nous ne savons pas où aller là-bas et on n’a rien là-bas ». Elle a encore répondu négativement à la question de savoir quelles pouvaient être les craintes de persécutions éventuelles dans son pays d’origine. En substance, il ressort dudit rapport d’audition qu’elle est venue au Luxembourg pour y rejoindre son mari, après une période de 7 mois de séparation.

Il se dégage des déclarations effectuées par la demanderesse auxquelles il est fait référence ci-dessus, que, comme l’a retenu à bon droit le ministre de la Justice, la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que ladite demande a été rejetée comme étant manifestement infondée.

Cette conclusion n’est pas énervée par la prétendue nécessité de faire application d’un principe « d’unité familiale » qui entraînerait le traitement commun de la demande d’asile de la demanderesse ainsi que de celle de son mari, étant donné que ce principe n’implique pas nécessairement un examen conjoint des demandes d’asile présentées par deux conjoints, notamment au cas où ces demandes ne sont pas introduites au même moment.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 2 juin 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16372
Date de la décision : 02/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-02;16372 ?

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