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02/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15809

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juin 2003, 15809


Tribunal administratif N° 15809 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 décembre 2002 Audience publique du 2 juin 2003

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Recours formé par Monsieur …, … (France) contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisations de faire le commerce

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15809 du rôle, déposée le 27 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître François COLLOT, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, entrepreneur de construction,...

Tribunal administratif N° 15809 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 décembre 2002 Audience publique du 2 juin 2003

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Recours formé par Monsieur …, … (France) contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisations de faire le commerce

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15809 du rôle, déposée le 27 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître François COLLOT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, entrepreneur de construction, demeurant à F-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 2 octobre 2002, par laquelle ledit ministre a refusé de délivrer une autorisation de commerce à Monsieur …, pour le compte de la société anonyme A.S. LUX. S.A., en vue de l’exercice d’une activité d’entrepreneur de construction ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2003 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Yasmine POOS, en remplacement de Maître François COLLOT, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 11 septembre 2001, Monsieur …, par l’intermédiaire de son mandataire, présenta au ministère des Classes moyennes une demande en obtention d’une autorisation de commerce pour le compte de la société anonyme A.S. LUX. S.A. en vue de l’exercice d’une activité d’entrepreneur de construction.

Par décision du 2 octobre 2002, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après dénommé le « ministre », suite à un avis défavorable émis le 18 septembre 2002 par la commission prévue par l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l'accès aux professions d'artisan, de commerçant, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales, ci-après dénommée la « commission », refusa de faire droit à cette demande au motif que Monsieur … ne remplirait pas la condition d’honorabilité professionnelle requise.

A l’encontre de cette décision de refus, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation par requête déposée le 27 décembre 2002.

Etant donné que l’article 2 alinéa 6 de la loi précitée du 28 décembre 1988 dispose expressément que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation, compétence ne lui est pas conférée par la loi pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche en substance au ministre d’avoir commis une violation de la loi et une erreur manifeste d’appréciation des faits en ce qu’il s’est basé sur des avis du parquet économique et de la commission pour retenir qu’il se dégagerait de son implication dans la faillite de la société anonyme CONTRABAT S.A., qui a été prononcée d’office par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 6 juillet 2001, confirmé par arrêt de la Cour d’Appel du 12 décembre 2001, qu’il ne dispose pas de l’honorabilité professionnelle requise, au motif qu’il n’aurait jamais subi de condamnation pénale, qu’il ressortirait notamment du rapport du curateur de ladite faillite que la faillite n’aurait en dernière analyse été prononcée que parce que la société CONTRABAT aurait oublié de publier son transfert de siège, et que le reproche principal, à savoir le non-paiement de salaires, n’aurait pas été établi, étant donné que les salaires de deux ouvriers, qui se seraient plaints auprès de l’Inspection du Travail et des Mines, auraient été réglés au moment du prononcé de la faillite et qu’à cette date, aucune autre créance n’aurait été exigible, de sorte que le dossier ne renseignerait aucun élément relatif à un acte personnel portant atteinte à son honorabilité professionnelle, de sorte qu’il y aurait partant lieu à annulation de la décision déférée au tribunal.

En second lieu, le demandeur allègue une motivation vague et imprécise du refus d’autorisation, au motif que le ministre s’y serait référé à l’avis du parquet économique, mais qu’il aurait omis de le joindre à sa décision, de sorte qu’il aurait ainsi été obligé d’intervenir auprès du ministre pour en obtenir la délivrance. Sur ce, le demandeur conclut à l’annulation de la décision querellée pour violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Concernant le reproche du demandeurs tiré d’un défaut d’indication suffisante des motifs dans la décision ministérielle critiquée, dont l’examen est préalable, il est vrai qu’en application de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base. Il convient encore d’y ajouter qu’en la présente matière, aux termes de l’article 2 alinéa 2 de la loi d’établissement, « lorsque l’autorisation est refusée, la décision ministérielle doit être dûment motivée ».

Ceci étant, en l’espèce, force est de constater qu’il se dégage de la décision ministérielle querellée que le refus d’accorder l’autorisation de faire le commerce sollicitée est basé sur un défaut d’honorabilité professionnelle suffisante dans le chef de Monsieur …. La décision litigieuse précise en outre expressément la base légale considérée, à savoir l’article 3 de la loi d’établissement, précitée.

Il s’ensuit que la décision n’encourt pas de reproche quant à l’indication d’une motivation suffisante au regard des exigences légales de motivation, ayant mis le demandeur en mesure d’assurer la défense de ses intérêts. – Cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait que l’avis du parquet économique n’était pas annexé à la décision et que le demandeur en a dû solliciter la délivrance, étant donné que suite à sa demande, il a obtenu une communication intégrale du dossier administratif, de sorte que ses droits de la défense ont également été respectés sous ce rapport.

Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut d’indication suffisante des motifs de la décision critiquée doit être rejeté.

Concernant le second moyen d’annulation proposé relatif à l’erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait et de la violation des dispositions légales, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi d’établissement « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles ». Au cas où l’autorisation est à émettre au nom d’une société, la personne chargée de la gestion ou de la direction de l’entreprise devra satisfaire, conformément à l’alinéa 2 du même article 3, les mêmes conditions que celles qui sont imposées aux particuliers en vertu de l’alinéa 1er précité. Au vœu de l’alinéa final du même article 3 « l’honorabilité s’apprécie sur base des antécédents judiciaires du postulant et de tous les éléments fournis par l’enquête administrative ». Ainsi, toutes les circonstances révélées par l’enquête administrative et pouvant avoir une incidence sur la manière de l’exercice de la profession faisant l’objet de la demande d’autorisation, doivent être prises en compte par le ministre compétent pour admettre ou récuser l’honorabilité dans le chef du demandeur d’une autorisation.

En application des dispositions précitées, en présence d’une société de capitaux, comme c’est le cas en l’espèce, la qualification professionnelle doit être remplie dans le chef de la personne chargée de la gestion de la société, c’est-à-dire dans le chef de Monsieur ….

Ceci étant, si le seul fait d’avoir été impliqué dans une faillite n’entraîne pas nécessairement et péremptoirement le défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef d’un demandeur d’une autorisation d’établissement, toujours est-il que des faits permettant de conclure dans le chef du gérant ou de l’administrateur-délégué à l’existence d’actes personnels portant atteinte à l’honorabilité professionnelle, constituent des indices suffisants pour refuser l’autorisation sollicitée (v. trib. adm. 5 mars 1997, Pas. adm. 2002, V° Autorisation d’établissement n° 71 et autres références y citées).

Les éléments fournis par un curateur de faillite, le procureur général d’Etat et le procureur d’Etat constituent une base suffisante pour apprécier l’honorabilité professionnelle d’une personne, même en l’absence de poursuites pénales (v. trib. adm. 22 mars 1999, Pas.

adm. 2002, V° Autorisation d’établissement n° 73 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater que la faillite de la société CONTRABAT a été retenue essentiellement, tel que cela se dégage de l’arrêt précité du 12 décembre 2001, en raison d’une créance de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines de 485.000.-

francs du chef de TVA non payée, cette dette résultant d’une taxation d’office, à laquelle il a été procédé parce que la société n’avait pas déposé de déclaration de TVA, non seulement pour l’année en cours (2001), mais encore pour les deux années précédentes, étant relevé que la société avait été constituée en date du 10 juillet 1998. Or, ce défaut constitue une faute qui retombe sur l’administration de la société, et, plus particulièrement, son administrateur-

délégué, Monsieur … et qui, par sa gravité incontestable constitue un fait qui à lui seul ébranle considérablement les compétence et honorabilité professionnelles de Monsieur … et justifie l’arrêté ministériel incriminé, c’est-à-dire que le ministre a pu en conclure, sans transgresser les limites de son pouvoir d’appréciation, que l’honorabilité professionnelle de Monsieur … était entamée, et, par conséquent, c’est à bon droit qu’il a refusé l’agrément sollicité par lui. – Cette conclusion et les constats d’incompétence et de manque de sérieux dans la gestion de la société faillie, loin d’être infirmés, sont au contraire confirmés par l’argumentation du demandeur qui soutient qu’il serait « un artisan plus habitué au travail manuel qu’aux formalités administratives ».

Il s’ensuit que le second moyen laisse également d’être fondé et est à abjuger.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à déclarer non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 2 juin 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15809
Date de la décision : 02/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-02;15809 ?

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