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02/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15737

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juin 2003, 15737


Tribunal administratif N° 15737 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 décembre 2002 Audience publique du 2 juin 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’aéroport de Luxembourg en matière d’accès à l’aéroport

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15737 du rôle et déposée le 16 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour,

inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, actuellement sans emploi, deme...

Tribunal administratif N° 15737 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 décembre 2002 Audience publique du 2 juin 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’aéroport de Luxembourg en matière d’accès à l’aéroport

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15737 du rôle et déposée le 16 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, actuellement sans emploi, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’aéroport de Luxembourg du 17 septembre 2002 portant refus de lui délivrer une autorisation d’accès à l’enceinte aéroportuaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 8 avril 2003 au greffe du tribunal administratif au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Stéphanie ANEN, en remplacement de Maître Romain ADAM, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

Le 29 mars 2002, Monsieur … sollicita de l’administration de l’aéroport de Luxembourg la délivrance d’une carte d’accès à l’enceinte aéroportuaire.

Par décision du 17 septembre 2002, le directeur de l’aéroport lui refusa l’autorisation sollicitée par une décision qui est de la teneur suivante :

« Monsieur, J’ai l’honneur de me référer à votre demande du 29 mars 2002 par laquelle vous avez sollicité une autorisation d’accès à l’enceinte aéroportuaire.

Je suis au regret de vous informer que cette autorisation vous est refusée, suite à un avis défavorable rendu sur base de vos antécédents.

Toutefois, de plus amples informations sur les motifs de ce refus ne peuvent vous être communiquées pour des raisons de sécurité de l’Etat, ceci en application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 08 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes(…). » Par requête déposée le 16 décembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision précitée du 17 septembre 2002, tout en sollicitant une indemnité de procédure de 1.000.- euros.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours en réformation dans la présente matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de sa demande, le demandeur soutient en premier lieu que la décision attaquée ne serait pas motivée à suffisance de droit et violerait de sorte l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, étant donné que le directeur de l’aéroport se serait contenté d’énoncer de façon lapidaire qu’en vertu de raisons de sécurité de l’Etat de plus amples informations sur les motifs de refus ne pourraient lui être communiquées, de sorte qu’il serait mis dans l’impossibilité de déterminer la cause du refus d’accès à l’enceinte aéroportuaire et se trouverait partant privé de son « droit de défense ». Pour le surplus, la simple référence à un avis défavorable rendu sur base de ses antécédents ne saurait valoir motivation, étant donné qu’il ne disposerait d’aucun antécédent judiciaire.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement concède que l’expression « sécurité de l’Etat » ne serait pas appropriée en relation avec le motif à la base du refus qui consisterait dans le fait que le demandeur aurait fait partie d’un groupe de personnes ayant commis des vols dans l’enceinte de l’aéroport et qu’un des « laptops » détournés aurait été saisi chez le demandeur. Partant, ce serait à bon droit que l’accès à l’enceinte aéroportuaire a été refusé au demandeur, ceci dans l’intérêt évident de la sécurité publique, étant donné que des doutes quant au sérieux et à l’honorabilité de Monsieur … existeraient.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur estime que l’autorité administrative ne serait nullement exonérée de son obligation de motiver sa décision pour des prétendues raisons de sécurité de l’Etat, qui n’existeraient d’ailleurs pas dans le cas d’espèce. Pour le surplus, les pièces sur lesquelles se base le représentant étatique ne justifieraient en aucun cas la décision prise à son encontre, étant donné que seul un soupçon d’avoir commis un recel pèserait sur lui, que la décision prise risquerait d’être en contradiction avec celle rendue par les juridictions pénales saisies du fond de l’affaire et que la décision attaquée méconnaîtrait le principe fondamental de la présomption d’innocence.

Le moyen d’annulation tiré d’une indication insuffisante des motifs dans la décision attaquée est à écarter, étant donné que la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (cf. Cour adm. 8 juin 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 38).

Tel est précisément le cas en l’espèce, étant donné que la motivation laconique contenue dans la décision attaquée, se référant aux antécédents du demandeur sans donner plus de précisions, a été utilement complétée en cours de procédure contentieuse par le représentant étatique qui s’est basé sur les soupçons pesant sur Monsieur …, d’avoir fait partie d’un groupe de personnes ayant commis des vols dans l’enceinte de l’aéroport, respectivement de s’être rendu coupable d’un recel.

Concernant la violation alléguée du principe de la présomption d’innocence, tel que consacré par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 14 § 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, même si c’est à juste titre que le demandeur insiste sur son droit de bénéficier à ce stade de la procédure pénale de la présomption d’innocence, il n’en demeure cependant pas moins que l’administration, appelée à apprécier dans le cadre de sa propre sphère de compétence le comportement global d’une personne, peut valablement se référer à des faits à la base d’une instruction pénale, ceci au titre d’éléments permettant d’apprécier son comportement global, étant donné qu’une telle décision ne porte pas sur le bien-

fondé d’une accusation en matière pénale, même si elle se fonde sur des faits qui sont susceptibles d’être poursuivis pénalement.

Il s’ensuit que le moyen afférent est à abjuger.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés (Cour adm. 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 8).

Dans le cadre d’un recours en annulation, l’appréciation du caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis est limitée aux cas exceptionnels où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité (cf. Cour adm. 18 juin 2002, n° 14771C du rôle, non encore publié).

Or, en l’espèce, il ressort du dossier administratif et plus particulièrement des procès-verbaux n° 112/2001 et 238/2001 du service de recherche et d’enquête criminelle de la direction régionale de police de Grevenmacher que le demandeur a acquis de la part du dénommé S.M. un ordinateur COMPAQ au prix de 15.000.-

francs provenant d’un vol commis au « Cargo-Center Luxair », situé dans l’enceinte aéroportuaire. Lors de son audition devant les enquêteurs, le demandeur a d’ailleurs admis avoir acquis cet ordinateur en connaissance du fait qu’il avait été soustrait au préjudice de son employeur, étant donné que le prix d’acquisition lui semblait avantageux. Ainsi, eu égard à la gravité objective des faits, peu importent les raisons ayant motivé l’acquisition de cet ordinateur et même en admettant que le demandeur ne se soit pas rendu compte qu’il risquait de se rendre coupable de l’infraction de recel, on ne saurait reprocher à l’administration d’avoir usé de manière excessive de son pouvoir et d’avoir partant commis un excès de pouvoir en ce qu’elle a estimé que lesdits faits justifient à suffisance de droit la décision de ne pas accorder au demandeur une autorisation d’accès à l’enceinte aéroportuaire.

Il ressort des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le directeur de l’aéroport a refusé l’accès à l’enceinte aéroportuaire au demandeur, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure est également à abjuger.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Ravarani, président M. Schockweiler, vice-président M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 2 juin 2003 par le président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15737
Date de la décision : 02/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-02;15737 ?

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