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02/06/2003 | LUXEMBOURG | N°15708

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juin 2003, 15708


Tribunal administratif N° 15708 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2002 Audience publique du 2 juin 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’aéroport de Luxembourg en matière d’accès à l’aéroport

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15708 du rôle et déposée le 9 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître André HARPES, avocat à la Cou

r, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, chauffeur professionnel, deme...

Tribunal administratif N° 15708 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 décembre 2002 Audience publique du 2 juin 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’aéroport de Luxembourg en matière d’accès à l’aéroport

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15708 du rôle et déposée le 9 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître André HARPES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, chauffeur professionnel, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du directeur de l’aéroport de Luxembourg du 14 novembre 2002 portant refus de lui délivrer une autorisation d’accès à l’enceinte aéroportuaire ;

Vu l’ordonnance présidentielle du 13 décembre 2002 autorisant le demandeur à accéder à l’enceinte aéroportuaire, zone bleue, Centre Fret Est, dans le cadre de son activité professionnelle, selon les conditions et modalités découlant des dispositions du règlement grand-ducal du 9 juin 1976 portant sur la sécurité et les installations de l’aéroport, ainsi que sur l’accès et la circulation à l’intérieur de l’enceinte de l’aéroport et de ses dépendances ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 8 avril 2003 au greffe du tribunal administratif au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Eric HUTTERT, en remplacement de Maître André HARPES, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 4 septembre 2002, Monsieur … sollicita de l'administration de l'aéroport de Luxembourg la délivrance d'une carte d'accès à l'enceinte aéroportuaire, zone bleue, Centre de Fret Est.

Par décision du 14 novembre 2002, le directeur de l'aéroport lui refusa l'autorisation d'accès par une décision qui est de la teneur suivante :

« Monsieur, j’ai l’honneur de me référer à votre demande du 04 septembre 2002 par laquelle vous avez sollicité une autorisation d’accès à l’enceinte aéroportuaire.

Je suis au regret de vous informer que cette autorisation vous est refusée, suite à un avis défavorable rendu sur base de vos antécédents.

Toutefois, de plus amples informations sur les motifs de ce refus ne peuvent vous être communiqués pour des raisons de sécurité de l’Etat, ceci en application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 08 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes (…)».

Par requête déposée le 9 décembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision précitée du 14 novembre 2002.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (cf. trib.

adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 2 et autres références y citées).

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 4 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande subsidiaire en réformation de la décision critiquée.

Le recours principal en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l'appui de son recours, le demandeur fait exposer que suite à une décision de la Commission d’orientation et de reclassement professionnel des travailleurs handicapés du 20 juin 2002, il a été reconnu comme travailleur handicapé pouvant remplir le poste de chauffeur professionnel uniquement sur des trajets courts et en dehors de la voie publique, ce qui aurait incité son employeur, la société A., à l’affecter à des fonctions dans l’enceinte aéroportuaire.

Or, étant donné que la décision critiquée lui refuse cet accès, il risquerait de perdre son emploi.

Le demandeur soutient en premier lieu que la décision attaquée ne serait pas motivée et que la seule référence à un avis défavorable sur base de ses antécédents serait insuffisante dans ce contexte. De même, le fait que le directeur de l’aéroport s’abrite derrière de prétendues raisons de sécurité de l’Etat ne pourrait valoir. Pour le surplus, le demandeur conclut encore à une violation du principe de proportionnalité, étant donné que sa seule condamnation pour infraction au code de la route remonterait à quelques années et ne saurait justifier la décision prise à son encontre. Finalement, le demandeur conclut encore à la violation des articles 12 et 13 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en faisant valoir que le directeur de l’aéroport ne se serait pas conformé à son obligation de lui communiquer, préalablement à la prise de décision, les éléments d’information sur lesquels il s’est basé.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement estime que le recours est devenu sans objet, étant donné que l’administration de l’aéroport, suite à une ordonnance présidentielle du 13 décembre 2002, aurait délivré au demandeur une carte d’accès valable jusqu’au 4 octobre 2007.

Ce moyen est cependant à rejeter, étant donné qu’il ressort des termes-mêmes dudit mémoire en réponse que la carte d’accès à l’aéroport valable jusqu’au 4 octobre 2007 a été délivrée au demandeur uniquement à la suite de l’ordonnance présidentielle du 13 décembre 2002, ordonnance qui cessera cependant de produire ses effets une fois le jugement au fond rendu, de sorte que le présent litige n’a pas perdu son objet et que le demandeur garde partant un intérêt suffisant pour solliciter l’annulation de la décision critiquée.

Concernant le reproche tiré du défaut de motivation, il convient de rappeler que lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés (Cour adm. 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm.

2002, V° Recours en annulation, n° 8).

L’existence des motifs est une des conditions essentielles de la validité d’un acte administratif. Le fait, par l’administration, de se limiter à reprendre comme seuls motifs, des formules générales et abstraites prévues par la loi, sans tenter de préciser concrètement comment, dans le cas d’espèce, des raisons de fait permettent de justifier la décision, équivaut à une absence de motivation, mettant le juge administratif dans l’impossibilité de contrôler la légalité de l’acte (cf. trib. adm. 27 février 1997, n° 9601 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 31).

En cas d’imprécision des motifs d’un acte administratif, le juge est mis dans l’impossibilité de contrôler leur légalité. Si les éléments du dossier ne lui permettent pas de substituer des motifs légaux, la décision est à annuler (cf. trib. adm. 14 mai 1997, n° 9632 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 42).

En l’espèce, il échet de constater que le directeur de l’aéroport, dans la décision critiquée du 14 novembre 2002, s’est limité à invoquer d’une manière extrêmement vague les prétendus antécédents de Monsieur …, tout en lui refusant pour des raisons de sécurité de l’Etat non autrement spécifiées de plus amples informations. Cette attitude, consistant à reprendre des formules générales et abstraites, sans préciser concrètement les raisons de fait permettant de justifier la décision, équivaut à une absence de motivation, mettant le juge administratif dans l’impossibilité d’en contrôler la légalité. A cela s’ajoute qu’aucun motif précis en relation avec les antécédents de Monsieur … justifiant un refus de l’autorisation d’accès à l’enceinte aéroportuaire n’a été soumis au tribunal en cours de procédure contentieuse.

Il suit partant des considérations qui précèdent, sans qu’il ne soit nécessaire de procéder à l’analyse des autres moyens et arguments invoqués par la partie demanderesse, que la décision critiquée encourt l’annulation pour défaut de motivation valable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

partant annule la décision du directeur de l’aéroport du 14 novembre 2002, refusant l’accès à l’enceinte aéroportuaire au demandeur et renvoie l’affaire devant le ministre des Transports ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 2 juin 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15708
Date de la décision : 02/06/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-06-02;15708 ?

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