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22/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15570

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 mai 2003, 15570


Numéro 15570 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 novembre 2002 Audience publique du 22 mai 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15570 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité...

Numéro 15570 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 novembre 2002 Audience publique du 22 mai 2003 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15570 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 7 août 2002, portant refus dans son chef d’un permis de travail ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 février 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en ses plaidoiries.

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Suivant déclaration d’engagement du 22 mai 2002, la société P.-E. S.A.R.L.

introduisit une demande en obtention d’un permis de travail, pour un poste de plongeur, en faveur de Monsieur ….

Par décision du 7 août 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi refusa le permis de travail en motivant sa décision de la façon suivante :

« Article 1er.- Le permis de travail est refusé à … …, né(e) le …, de nationalité cap-

verdienne, pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes -

des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 1.149 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi -

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) -

poste de travail non déclaré vacant par l’employeur -

occupation irrégulière depuis le 02.05.2002 -

refus d’entrée et de séjour du 6 mars 2001 -

ordre de quitter le territoire du 10.07.2001, confirmé par le jugement du 26.06.2002 (…) » Par requête déposée le 7 novembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 7 août 2002.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur fait valoir en premier lieu que la motivation d’une décision ministérielle ne saurait consister dans des « formules standards » et se limiter à reprendre de façon abstraite les motifs prévus par la loi, sans faire connaître les motifs spécifiques ayant trait à sa situation personnelle, à savoir le fait qu’il est étranger non-communautaire et père d’un enfant résidant au Grand-Duché de Luxembourg. Pour le surplus, la décision attaquée ne serait pas motivée par rapport à des éléments objectifs tirés du marché de l’emploi, d’autant plus que 1446 offres d’emploi non satisfaites auraient été enregistrées au Grand-Duché de Luxembourg au mois d’octobre 2000.

C’est à juste titre que le délégué du gouvernement soutient que la décision attaquée est suffisamment motivée. En effet, en application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base. La motivation expresse d’une décision peut se limiter, conformément à l’article 6 précité, à un énoncé sommaire de son contenu, et il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment du refus, quitte à ce que l’administration concernée les fournisse a posteriori sur demande de l’administré, le cas échéant au cours d’une procédure contentieuse (cf. Cour adm. 13 janvier 1998, n° 10241C du rôle, Pas adm. 2002, V° Travail, n° 29 et autres références y citées).

En l’espèce, l’arrêté ministériel attaqué du 7 août 2002 énonce 6 motifs tirés notamment de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, de manière à suffire aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation ayant par ailleurs été utilement complétée en cours de l’instance contentieuse par le représentant étatique, de sorte que le demandeur n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision déférée.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au bien-fondé du refus de délivrance d’un permis de travail à Monsieur … en soutenant que le motif tiré de l’absence de déclaration du poste vacant a valablement pu être invoqué par le ministre à la base de la décision litigieuse, en se référant au règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, dans sa teneur lui conférée par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999.

En effet, ledit règlement grand-ducal du 12 mai 1972 dispose en son article 10(1), deuxième alinéa que « la non-déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’administration de l’Emploi, conformément à l’article 9 paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’Emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ».

Il échet de relever que la formalité de la déclaration de vacance de poste se justifie dans la mesure où, par l’accomplissement de cette formalité administrative, l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée l’ADEM, est mise en mesure d’établir la disponibilité concrète sur le marché de l’emploi de demandeurs d’emploi prioritaires, suivant l’article 10 (1) du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 et de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, aptes à occuper le poste vacant, en assignant le cas échéant à l’employeur en question des ressortissants de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen bénéficiant d’une priorité à l’embauche, susceptibles de remplir concrètement les fonctions ainsi déclarées vacantes.

En effet, ce n’est qu’au cas où cette disponibilité concrète ne peut pas être établie par le gouvernement, que l’employeur en question peut envisager de se faire autoriser, sur base de l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, à recruter à l’étranger un ressortissant d’un pays tiers, non membre de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen et à solliciter par la suite un permis de travail auprès de l’ADEM pour un tel ressortissant sur base d’une déclaration d’engagement à introduire auprès de ladite administration.

En l’espèce, il se dégage de la déclaration d’engagement de la société P.-E.

S.A.R.L. du 22 mai 2002 qu’elle avait engagé Monsieur … avec effet au 2 mai 2002 et il est encore constant que l’employeur n’a pas préalablement déclaré le poste vacant, de sorte que la décision de refus se justifie par le seul motif analysé ci-dessus.

Le demandeur invoque finalement l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme pour faire valoir qu’il serait le père d’un enfant de nationalité luxembourgeoise dont il devrait assurer la subsistance sur base de ses obligations alimentaires et que le refus d’un permis de travail porterait une atteinte et une ingérence non justifiées à sa vie familiale.

Indépendamment de la réalité du paiement d’une pension alimentaire de la part du demandeur au profit de son enfant, qui n’est documentée par aucune pièce figurant au dossier, il échet de retenir qu’au stade actuel de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la Convention européenne des droits de l’homme ne garantit pas comme tel le droit au travail (cf. trib. adm. 13 mai 2002, n° 14245 du rôle, non encore publié), et que le simple refus de délivrance d’un permis de travail ne saurait être considéré comme une ingérence dans la vie familiale du demandeur, de sorte que le moyen afférent est à son tour à écarter.

Il suit de ce qui précède que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Nonobstant le fait que le demandeur n’était pas représenté à l’audience publique à laquelle l’affaire a été fixée pour les débats oraux, l’affaire est néanmoins jugée contradictoirement à l’égard de toutes les parties, la procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 22 mai 2003 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15570
Date de la décision : 22/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-22;15570 ?

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