La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2003 | LUXEMBOURG | N°s15449,15450

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mai 2003, s15449,15450


Tribunal administratif N°s 15449 et 15450 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 11 octobre 2002 Audience publique du 21 mai 2003

=============================

Recours formé par l’association sans but lucratif … et consorts contre 1. une décision du ministre de l’Environnement et 2. une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de la Ville de Luxembourg en matière d’établissements classés

-----------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous

le numéro 15449 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2002 par Maître Nicola...

Tribunal administratif N°s 15449 et 15450 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 11 octobre 2002 Audience publique du 21 mai 2003

=============================

Recours formé par l’association sans but lucratif … et consorts contre 1. une décision du ministre de l’Environnement et 2. une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de la Ville de Luxembourg en matière d’établissements classés

-----------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 15449 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2002 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1.

l’association sans but lucratif …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions ;

2.

Monsieur …, …, demeurant à L-…, 3.

Monsieur …, …, demeurant à L-…, 4.

Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement datée du 19 juin 2002 autorisant la Ville de Luxembourg à installer et exploiter à Luxembourg/Limpertsberg, sur le fonds inscrit au cadastre de la Ville de Luxembourg, section LE de Limpertsberg, sous le numéro 74/3697, un centre culturel, sportif et scolaire ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 15450 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2002 par Maître Nicolas DECKER, préqualifié, au nom de 1. l’association sans but lucratif …, 2. Monsieur …, 3. Monsieur …, 4. Monsieur …, tous préqualifiés, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi datant du 2 juillet 2002 autorisant la Ville de Luxembourg à installer et exploiter à Luxembourg/Limpertsberg sur le fonds prévisé un centre culturel, sportif et scolaire ;

I. + II.

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 15 octobre 2002 portant signification de ces deux recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2003 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la communication de ce mémoire en réponse au mandataire des demandeurs intervenue par télécopie en date du 10 janvier 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 février 2003 par Maître Nicolas DECKER au nom des demandeurs ;

Vu la communication de ce mémoire en réplique au mandataire de la Ville de Luxembourg intervenue par télécopie en date du 10 février 2003 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2003 par Maître Jean MEDERNACH au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la communication de ce mémoire en duplique au mandataire des demandeurs intervenue par télécopie en date du 7 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Nicolas DECKER, Christian POINT, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2003.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Par courriers datant du 13 mars 2002, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg informa individuellement Messieurs …, … et … « que Monsieur le ministre de l’Environnement vient de soumettre à l’administration communale de la Ville de Luxembourg pour enquête publique le dossier relatif à la construction et l’exploitation d’un parking souterrain, d’un foyer scolaire et d’un centre culturel, sur le site de l’ancien dépôt des tramways, avenue Victor Hugo », en y joignant une copie de l’avis au public relatif à cette enquête comportant notamment l’information que cette demande sera affichée à la maison communale du 18 mars 2002 au 1er avril 2002 inclusivement et que la demande et les plans s’y rattachant sont déposés au secrétariat général de la Ville de Luxembourg, Hôtel de Ville, place Guillaume.

Par courriers datant du 20 mars 2002, Messieurs …, … et … ont présenté chacun une réclamation écrite contre le projet de reconversion du « Tramsschapp » en présentant une série d’arguments relatifs à la procédure, au chantier, au centre culturel et au centre sportif, au parking, ainsi qu’au foyer scolaire. Messieurs … et … ont en outre été entendus en leurs observations orales en date du 8 avril 2002 à l’Hôtel de Ville.

Par décision du 3 mai 2002, le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg avisa favorablement la demande en question sous la condition que tout changement apporté aux plans appartenant au permis de construire fasse l’objet d’une nouvelle autorisation de bâtir.

Par décision du 19 juin 2002, le ministre de l’Environnement accorda à l’administration communale de la Ville de Luxembourg « l’autorisation de pouvoir installer et exploiter à Luxembourg/Limpertsberg sur un fonds inscrit au cadastre de la Ville de Luxembourg, section LE de Limpertsberg, sous le numéro 74/3697, un centre culturel, sportif et scolaire » en spécifiant « que plus particulièrement l’autorisation est sollicitée pour les éléments suivants :

- un chantier de terrassement/excavation se situant à plus de dix mètres en dessous de la voie publique la plus proche ;

- un centre culturel, sportif et scolaire se composant de trois bâtiments comprenant entre autre  six salles de classe ;

 sept salles de séjour pour enfants ;

 diverses autres salles (réunion, accueil, séjour et personnel) ;

 des halls et des foyers d’accueil ;

 des locaux de stockage ;

 des locaux techniques ;

 des bureaux ;

 des vestiaires et locaux sanitaires ;

 une salle de sports ayant une surface d’environ 1.400 m2, offrant 918 places pour spectateurs ;

 une salle de musculation ;

 deux salles de régie ;

 une salle multifonctionnelle ayant une surface d’environ 675 m2, et pouvant accueillir plus de 500 personnes ;

 une cuisine équipée avec des équipements/appareils électriques ayant une puissance électrique nominale totale d’environ 125 kW ;

 deux chambres froides positives comprenant chacune une unité de production de froid ayant une puissance frigorifique de 1,85 kW et utilisant comme agent réfrigérant du R134a ;

 une chambre froide négative comprenant une unité de production de froid ayant une puissance frigorifique d’environ 2,0 kW et utilisant comme agent réfrigérant du R404A ;

 un groupe frigorifique d’une puissance frigorifique d’environ 1,0 kW et utilisant comme agent réfrigérant du R134a ;

 un parking souterrain ouvert au public disposant de 300 emplacements pour voitures, repartis sur deux niveaux, et équipé avec une installation de sprinklage ;

 une cuve de rétention pour eaux d’extinction ayant une capacité de 100 m3 ;

 les installations utilitaires suivantes :

- des installations de ventilation ;

- un groupe électrogène de secours actionné par un moteur Diesel, et ayant une puissance électrique nominale de 70 kVA ;

- un séparateur d’hydrocarbures (NG 6) ;

- un séparateur de graisses (NG 4) ;

 les appareils de levage suivants :

- deux monte-charge ayant une capacité de levage 0,3 Mg ;

- un monte-poubelles ayant une capacité de levage de 0,5 Mg ;

- un monte-charge ayant une capacité de levage de 0,63 Mg ;

- quatre ascenseurs ayant une capacité de levage de 0,630 Mg, - un ascenseur (plate-forme) pour handicapés ayant une capacité de 0,250 Mg ;

- un monte-charge ayant une capacité de levage de 2,5 Mg ».

Par décision datant du 2 juillet 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi accorda à la Ville de Luxembourg l’autorisation de procéder à l’exploitation du chantier d’excavation et de terrassement, ainsi qu’à la construction, à l’installation et à l’exploitation du centre sportif, culturel et scolaire prévisé, en spécifiant également plus amplement l’ensemble des éléments concernés.

Les deux décisions prévisées des 19 juin et 2 juillet 2002 ont été affichées pendant 40 jours, soit du 2 septembre 2002 au 11 octobre 2002 inclusivement, à la maison communale, affichage dont l’association sans but lucratif …, ci-après désignée par « CDE », et Messieurs …, … et … ont été informés individuellement par courrier du bourgmestre datant du 9 août 2002.

Par deux requêtes séparées déposées en date du 11 octobre 2002, le CDE et Messieurs …, … et …, ont fait introduire deux recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation respectivement de la décision prévisée du ministre de l’Environnement du 19 juin 2002, et de celle du ministre du Travail et de l’Emploi du 2 juillet 2002.

Les deux décisions ainsi déférées au tribunal ayant trait au même établissement et s’inscrivant dans le cadre d’une même procédure d’enquête publique relative aux établissements classés, il y a lieu de joindre les recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 15449 et 15450 et d’y statuer par un seul jugement.

Le tribunal étant investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond en la matière par application des dispositions de l’article 19 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, il est compétent pour connaître des recours principaux en réformation introduits, lesquels sont également recevables pour avoir été introduits dans les formes et délai de la loi.

Quant à la recevabilité Tant la Ville de Luxembourg que l’Etat concluent à l’irrecevabilité du recours dans le chef du CDE en faisant valoir qu’il ne ferait pas état d’un intérêt à agir personnel distinct de l’intérêt général, étant donné que l’intérêt collectif en défense duquel il prétend agir, même en conformité avec son objet social, se confondrait avec l’intérêt général de la collectivité, de sorte que le droit d’agir devrait lui être refusé sous peine d’empiètement sur les attributions des autorités étatiques, administratives et répressives auxquelles serait réservée la défense de l’intérêt général.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs font valoir que l’intérêt à agir du CDE serait lié à la défense de ses membres par rapport à un projet qu’ils jugent préjudiciable à leurs intérêts directs en ce qu’il s’agirait essentiellement de la dégradation de la qualité de la vie par l’effet de ce projet en particulier dans la rue …, mais également dans les rues avoisinantes, ainsi que de la détérioration irrémédiable du caractère architectural harmonieux de cette partie du Limpertsberg et à l’effet de moins-value des maisons dont plusieurs membres du CDE sont propriétaires, pour soutenir que l’intérêt du CDE serait dicté par un intérêt corporatif suffisamment caractérisé pour valoir intérêt à agir dans son chef. Ils font en outre état de plusieurs courriers adressés au CDE dans le contexte de l’instruction du dossier du « Tramsschapp », pour soutenir que l’intérêt à agir de ce dernier serait bien réel et aurait été explicitement reconnu par les parties qui dans le cadre de la présente instance en contestent maintenant l’existence.

L’intérêt à agir conditionnant la recevabilité d’un recours administratif doit être personnel et direct, né et actuel, effectif et légitime, sans qu’il ne puisse être déduit du simple constat qu’une administration, en phase précontentieuse, ait collaboré ou communiqué avec un groupement de personnes dans le cadre de l’instruction d’un dossier auquel le groupement en question est intéressé par ailleurs au sens commun du terme.

Les groupements régulièrement constitués sous forme d’association sans but lucratif qui entendent demander en justice la réparation de l’atteinte aux intérêts collectifs qu’ils défendent, sont admis en principe à agir du moment que l’action collective est dictée par un intérêt corporatif caractérisé et que ces actions collectives ont pour objet de profiter à l’ensemble des associés. En revanche, dès lors que l’intérêt collectif en défense duquel les associations prétendent agir, même en conformité avec leur objet social, se confond avec l’intérêt général de la collectivité, le droit d’agir leur est en principe refusé, étant donné que par leur action, elles empièteraient sur les attributions des autorités étatiques, administratives et répressives, auxquelles est réservée la défense de l’intérêt général (cf. trib. adm. 27.6.2001, n° 12485 du rôle, Pas. adm. 2002, Procédure contentieuse, n° 37 et autres références y citées).

En l’espèce, l’intérêt à agir invoqué par le CDE, en ce qu’il a trait en substance à l’impact sur l’ensemble du quartier concerné du projet litigieux pris sous ses différents aspects, s’analyse comme étant basé sur des considérations d’intérêt général, de sorte qu’il y a lieu de déclarer les recours irrecevables pour défaut d’intérêt à agir en tant qu’ils ont été introduits par le CDE, faute pour celui-ci d’alléguer et d’établir un intérêt individuel suffisamment caractérisé pour le distinguer de l’intérêt général.

En ce qui concerne les demandeurs sub. 2 à 4, le moyen d’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir dans leur chef également invoqué par les parties défenderesses laisse d’être fondé, étant donné que l’existence d’un lien suffisamment direct entre les décisions déférées et leur situation personnelle, en tant que voisins du centre projeté, est patent à partir de la situation particulière de leur lieu de résidence, ainsi que de l’impact que le projet litigieux présente pour le voisinage direct en raison notamment de son envergure et de son objet.

En effet, en matière d’établissements classés les voisins directs par rapport à un établissement projeté peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet et qu’ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d’établissements classés du moins dans la mesure où la non observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé (cf. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9474, Pas. adm. 2002, V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir, n° 22 et autres références y citées), étant entendu que la notion de proximité suffisante des propriétaires ou habitants par rapport à une installation insalubre ou incommode est, entre autres, fonction de l’envergure de l’installation concernée, ainsi que de l’importance des nuisances ou risques de nuisances que son exploitation peut comporter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les recours sous examen sont à déclarer recevables au regard de l’intérêt à agir pour autant qu’ils ont été introduits par Messieurs …, … et …, ci-après désignés par « les consorts … ».

Quant à la régularité de la procédure d’autorisation Les demandeurs soulèvent en ordre principal la nullité de la procédure d’autorisation en faisant valoir que l’avis au public prévu par l’article 10 de la loi du 10 juin 1999 précitée n’aurait pas fait mention de la construction et de l’exploitation d’un centre sportif, ainsi que d’un bâtiment pour l’éducation précoce, mais se serait référé uniquement à « la construction et à l’exploitation d’un centre culturel et d’un foyer scolaire avec leurs installations techniques ainsi que la construction et l’exploitation d’un parking sous-terrain avec ses installations techniques, avenue Victor Hugo/avenue Pasteur », alors que le dossier de demandes déposé à la maison communale se référait également aux deux éléments du projet ci-avant visés et non mentionnés dans ledit avis au public. Dans la mesure où l’affichage de la demande d’autorisation serait censé informer les citoyens de l’existence d’un projet, cet affichage aurait dès lors été tronqué en l’espèce et aurait induit en erreur les administrés sur l’envergure du projet, de sorte que tant la procédure que les décisions qui s’en sont suivies devraient encourir l’annulation.

La Ville de Luxembourg oppose le défaut d’intérêt des demandeurs à soulever cette prétendue illégalité externe des décisions litigieuses et fait valoir par ailleurs que le grief par eux invoqué viserait non l’avis au public, mais la communication faite aux journaux, tout en signalant que l’avis à la population prévu par l’article 10 de la loi du 10 juin 1999 précitée avait expressément visé l’exploitation « d’un centre culturel et sportif, d’une école et d’un foyer scolaire ainsi que d’un parking sous-terrain avec leurs installations techniques ».

Elle relève plus particulièrement à cet égard que les demandeurs ont pu formuler leurs observations sur le projet dans son entièreté et que les réclamations écrites par eux formulées contiennent des prises de position tant sur la salle des sports que sur la construction et l’exploitation d’un foyer scolaire. Enfin, concernant l’absence alléguée d’une mention relative à l’activité et aux installations relatives à l’éducation précoce, la Ville de Luxembourg soutient que les demandeurs ne sauraient utilement invoquer ledit moyen, étant donné qu’ils admettent ne pas s’opposer à la construction et à l’exploitation d’un centre scolaire dans leur quartier.

Le délégué du Gouvernement estime qu’il serait suffisant que le public soit adéquatement informé de l’existence d’un dossier de demande introduit en application de la législation sur les établissements classés et que la loi n’exigerait pas la publication de l’ensemble du dossier de demande. Il rejoint pour le surplus les développements de la Ville de Luxembourg relatifs à la circonstance que les demandeurs ont pris connaissance en fait de l’intégralité du dossier et des éléments de la demande, de sorte qu’aucune violation de leurs droits de la défense ne serait établie en cause.

Les parties étant en accord que le projet litigieux constitue un établissement rangeant dans la classe 1 suivant la nomenclature des établissements classés telle qu’arrêtée par le règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés, la demande d’autorisation de l’établissement litigieux, conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juin 1999 précitée, a dû faire l’objet d’un avis indiquant son objet à afficher pendant 15 jours dans la commune d’implantation de l’établissement par les soins du collège des bourgmestre et échevins. En outre, dans les localités de plus de 5000 habitants, tel le cas en l’espèce, la demande d’autorisation était à porter à la connaissance du public simultanément avec l’affichage ainsi visé par voie de publication par extrait dans au moins 4 journaux quotidiens imprimés et publiés au Grand-

Duché, étant entendu qu’à dater du jour de l’affichage, le dossier complet a dû être déposé à la maison communale de la commune où l’établissement est projeté aux fins de consultation pendant ce délai par tous les intéressés.

La procédure de publication ainsi mise en place par la loi a pour finalité de permettre aux personnes intéressées de prendre utilement connaissance de la demande d’autorisation, ainsi que de leur permettre de présenter, en connaissance de cause, leurs observations éventuelles, sans pour autant constituer une fin en soi.

S’il est certes patent qu’il existe en l’espèce une différence de libellé entre l’avis à la population datant du 18 mars 2002, émanant du collège des bourgmestre et échevins et publié à la maison communale en application des dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juin 1999 précitée en ce que la demande y visée est indiquée comme concernant « l’exploitation d’un centre culturel et sportif, d’une école et d’un foyer scolaire ainsi que d’un parking sous-

terrain avec leurs installations techniques (ancien Tramsschapp) » et l’avis au public concernant la même demande publié dans les quotidiens luxembourgeois en ce que ce dernier vise seulement « la construction et l’exploitation d’un centre culturel et d’un foyer scolaire avec leurs installations techniques ainsi que la construction et l’exploitation d’un parking sous-terrain avec ses installations techniques, avenue Victor Hugo/avenue Pasteur (reconversion du « Tramsschapp » », cette différence de libellé ne saurait pas pour autant porter à conséquence en l’espèce au point de justifier l’annulation de la procédure d’autorisation et des décisions litigieuses posées à son aboutissement, étant donné qu’au regard de l’envergure générale du projet faisant l’objet de la demande et du caractère par essence volumineux d’un dossier de demande afférent, il appartient aux personnes intéressées de se rendre à la maison communale pour consulter le dossier complet de demande lorsqu’elles souhaitent connaître avec toute la précision requise les tenants et aboutissants de la demande d’autorisation concernée, étant entendu que l’avis de publication ne peut par essence pas reprendre l’intégralité de la demande concernée, mais a précisément pour but d’attirer l’attention des personnes intéressées sur l’existence d’une demande portant sur un établissement classé afin de leur permettre de s’informer, si elles le souhaitent, plus en avant à ce sujet.

Au-delà de ces considérations d’ordre général, il y a lieu de relever encore que les demandeurs ne sauraient en tout état de cause utilement se prévaloir de l’imprécision par eux alléguée, alors que de toute évidence ils avaient connaissance du dossier complet de demande d’autorisation pour avoir formulé leurs réclamations écrites dans le cadre de l’enquête publique par rapport aux différents volets de cette demande, dont notamment la construction et l’exploitation du centre sportif, ainsi que du bâtiment pour l’éducation précoce. Dans la mesure où ils ont dès lors pu prendre utilement et amplement position par rapport à l’ensemble des éléments de la demande d’autorisation et mettre ainsi pleinement à leur profit le mécanisme de collaboration entre l’administration et les personnes intéressées en cours d’élaboration des décisions administratives litigieuses, le premier moyen par eux invoqué relatif à la nullité de la procédure d’autorisation laisse d’être fondé.

Quant au fond Le projet litigieux se compose en substance de trois lots distincts, regroupant suivant les indications figurant sur les plans faisant partie de la demande d’autorisation une halle des sports (lots 3), un centre culturel (lots 2) et une école précoce et préscolaire (lots 1). Il se dégage des précisions apportées en cours d’instance par les demandeurs que si leur recours porte certes sur les décisions litigieuses autorisant le projet dans son ensemble, leurs critiques sont néanmoins limitées en ce sens qu’ils n’entendent pas s’opposer à la construction dans leur quartier d’un centre scolaire, mais qu’en revanche ils critiquent le fait que la Ville de Luxembourg construise et exploite sur le terrain du Tramsschapp un centre culturel et sportif, ainsi qu’un parking surdimensionnés et incompatibles avec les exigences de son plan général d’aménagement, ci-après désigné par « PGA ».

Le tribunal ne pouvant statuer que dans le cadre des moyens présentés à l’appui du recours, il y a dès lors lieu d’examiner le bien-fondé du recours par rapport aux seuls éléments sujets à critique ainsi délimités, en l’occurrence le centre culturel, le centre sportif, ainsi que le parking.

Les demandeurs concluent d’abord à l’annulation des décisions litigieuses en invoquant les dispositions de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 précitée en vertu desquelles les autorisations requises par application de cette loi ne pourront être délivrées que lorsque l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou avec le plan d’aménagement général de la Ville ou encore avec la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, pour soutenir que les auteurs des décisions litigieuses n’auraient à aucun moment examiné si ces conditions d’application étaient remplies.

Ledit article 17.2 dispose que « dans le cas où l’établissement est projeté dans des immeubles existants et dont la construction a été dûment autorisée, les autorisations requises en vertu de la présente loi ne pourront être délivrées que lorsque l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou avec un plan d’aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire ou avec la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Il en est de même lorsque l’établissement est projeté dans un immeuble à construire. » L’établissement litigieux étant projeté dans un immeuble à construire au sens de la disposition prérelatée, il y a dès lors lieu d’examiner si les conditions d’application dudit article ont été respectées en l’espèce par les ministres respectivement compétents qui étaient tenus, à titre préalable, de vérifier la concordance de la zone territoriale concernée par rapport à l’établissement projeté.

A l’appui de leur recours, les demandeurs s’emparent à cet égard d’abord des dispositions de l’article F.1. PGA qui prévoit que les constructions admises sur les terrains réservés, tel celui devant recevoir l’établissement litigieux, « doivent s’intégrer de façon harmonieuse dans le tissu urbain qui les environne », pour soutenir que les centres culturel et sportif projetés ne seraient pas compatibles avec les exigences du PGA, étant donné qu’en raison de l’importance et du volume de ces installations, l’établissement ne s’intégrerait pas de façon harmonieuse dans le quartier du Limpertsberg et serait de nature à y porter atteinte à la tranquillité, étant entendu que les alentours immédiats du terrain du Tramsschapp sont classés en zone d’habitation 2 qui permet la construction de maisons à deux niveaux avec combles seulement et où sont admis, conformément à l’article A.2.1. PGA, des commerces de quartier à l’exception de la création de nouveaux cafés et restaurants.

Ils relèvent en outre que le site du « Tramsschapp » se trouve sur une partie du territoire de la Ville qui suivant l’article C.0.1. PGA constitue une des zones protégées qui « en raison soit de leur valeur artistique, historique, archéologique ou touristique, soit de leur incidence sur la sauvegarde du site, sont soumises à des servitudes spéciales », la rue … se trouvant classée à cet égard comme « ensemble sensible » concernant, d’après l’article C.7.1. du PGA les parties ou tronçons de rue qui constituent « de par leur caractère harmonieux et de par leur composition urbaine des ensembles cohérents, dignes d’être conservés dans leur ensemble ». Eu égard à ce classement, ils estiment que le caractère historique du complexe du « Tramsschapp » aurait mérité que toutes les garanties soient prises pour assurer la meilleure intégration possible du projet dans le quartier et que le préalable aurait dès lors sans doute été d’organiser un concours d’architecte.

Il est constant à partir des informations fournies en cause par la Ville de Luxembourg, telles que précisées sur demande expresse du tribunal, que le terrain devant accueillir le projet litigieux est classé en zone F.1, a) pour ne concerner que la zone bleue claire figurant sur la partie graphique du PGA, étant précisé que la zone adjacente figurant en orange sur les plans initialement déposés au dossier et occupant l’angle entre l’avenue Pasteur et la rue … n’est pas concernée par le projet litigieux et a par ailleurs fait l’objet d’un reclassement aux termes d’une délibération du conseil communal du 9 octobre 2002, approuvée par le ministre de l’Intérieur le 27 novembre 2000, pour être désormais classé comme « terrain réservé à destination particulière ».

Conformément aux dispositions de l’article F.1. a) de la partie écrite du PGA, la zone devant recevoir le projet litigieux est définie comme suit : « Terrains réservés aux édifices et installations publics (bâtiments et administrations publiques, églises, écoles, théâtres, centres culturels, parkings publics et de quartiers, etc.) ».

Dans la mesure où le pouvoir de vérification conféré par l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 précité aux ministres respectivement compétents en matière d’établissements classés empiète, de par son objet, sur la compétence de principe des autorités communales en la matière et traduit ainsi une exception au principe de l’autonomie communale, il y a lieu de concevoir ledit pouvoir de vérification de manière restrictive, en suivant strictement le libellé retenu par le législateur pour en délimiter l’objet.

Ainsi, l’examen auquel les ministres sont appelés à se livrer consiste à vérifier uniquement si, de par sa nature et son objet, l’établissement projeté n’est pas incompatible avec la destination de la zone dans laquelle il est projeté par rapport à la définition qui en est fournie par la réglementation communale applicable, sans que les ministres ne puissent pour autant se livrer à une appréciation plus en avant du projet par rapport à d’autres dispositions de la réglementation communale.

Il se dégage des considérations qui précèdent que les moyens avancés en cause basés sur le défaut d’intégration harmonieuse de l’établissement projeté dans le quartier du Limpertsberg, ne s’inscrivent pas directement dans les prévisions de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 précitée, faute d’être en rapport direct avec la définition de la zone retenue à l’article F.1. a) PGA. En effet, les critiques formulées à cet égard par les demandeurs sont basées sur les dispositions d’ordre général de l’article F.1 PGA, ainsi que sur les dispositions relatives à la zone d’habitation se situant dans les alentours immédiats du terrain devant recevoir le projet litigieux ou encore sur le classement de la rue Ermsinde comme « ensemble sensible », de manière à relever du pouvoir d’appréciation réservé aux seules autorités communales compétentes en matière d’urbanisme, sous réserve de contrôle tutélaire, pouvoir dont l’application se traduit notamment par des choix de politique urbanistique, ne relevant pas par essence de la compétence limitée des auteurs des décisions déférées, appelés à toiser une demande d’autorisation d’établissement classé uniquement de manière liminaire par rapport à sa compatibilité de principe avec la zone dans laquelle il est projeté.

Quant au centre culturel et au parking Il y a lieu de constater que le volet du projet litigieux ayant trait au centre culturel s’inscrit directement dans les prévisions de l’article F.1. a) PGA, étant donné que les centres culturels sont expressément énumérés en tant qu’exemple non limitatif des édifices et installations publics auxquels les terrains situés dans cette zone sont réservés. Dans la mesure où il n’incombe ni au ministre de l’Environnement ni à celui du Travail et de l’Emploi, d’apprécier le caractère approprié d’un établissement classé projeté par rapport aux besoins du quartier, voire par rapport à son intégration harmonieuse dans l’ensemble architectural du quartier, le moyen des demandeurs basé sur une violation des dispositions de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 précitée laisse d’être fondé pour autant que le centre culturel projeté est concerné.

La même conclusion s’impose relativement au parking souterrain ouvert au public disposant de 300 emplacements pour voitures, répartis sur deux niveaux, étant donné que l’article F.1. a) du PGA énonce expressément les parkings publics en tant qu’exemple d’installation publique visée par cet article et que par ailleurs un parking souterrain prévu à l’endroit où est projeté notamment un centre culturel disposant d’une salle multifonctionnelle pouvant accueillir plus de 500 personnes est à considérer comme un élément accessoire par rapport audit centre, lequel, tel qu’il a été dégagé ci-avant, n’est pas non plus incompatible avec la zone dans laquelle il est projeté.

Il se dégage des considérations qui précèdent que les moyens des demandeurs basés sur l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 précitée laissent encore d’être fondés pour autant que le parking projeté est concerné.

Les demandeurs critiquent les décisions déférées en ordre subsidiaire en faisant valoir que le ministre de l’Environnement n’aurait pas correctement apprécié la demande la Ville de Luxembourg sur base des dispositions de la loi du 10 juin 1999 précitée, en ce sens que par leur envergure, les centres sportif et culturel seraient démesurés et donc contraires aux dispositions de ladite loi.

Concernant plus particulièrement le centre culturel, ils font valoir qu’il ne répondrait pas à un besoin des habitants du Limpertsberg, qu’en effet à proximité immédiate il existe la halle Victor Hugo avec 2.250 places, la Rotonde avec 300 places et le Centre paroissial avec 400 places, de sorte que le Limpertsberg disposerait d’endroits suffisants et parfaitement équipés pour couvrir les besoins afférents du quartier. Ils estiment que le centre culturel projeté ne correspondrait dès lors à aucun besoin réel et que sa construction et son exploitation porteraient sans aucun doute atteinte à leur intérêts protégés.

Quant au parking, les demandeurs font valoir qu’un nombre suffisant de places de parking existerait dès à présent ou dans un très proche avenir à proximité immédiate du centre culturel et sportif projeté, de sorte qu’il n’existerait aucune nécessité d’un parking supplémentaire en ce qui concerne les visiteurs du complexe, tandis qu’un parking de quelque cent places serait adéquat pour satisfaire les besoins du quartier. Ils en déduisent que la construction d’un parking de 300 places ne rencontrerait pas les besoins du quartier et se heurterait à leurs intérêts légitimes et protégés.

Les demandeurs reprochent en outre plus particulièrement au ministre du Travail de ne pas avoir examiné les aspects de la sécurité de la population avoisinante en rapport avec le projet de parking.

Dans leur mémoire en réplique, ils soulignent à cet égard qu’il appartiendrait aux autorités publiques, dans le cadre du principe de sollicitude et de légitime confiance envers les administrés, de limiter au maximum les gênes occasionnées aux particuliers et ce notamment dans un quartier résidentiel, de sorte que l’appréciation de la dimension du projet aurait été essentielle dans ce contexte et que l’absence de toute analyse préalable des besoins devrait justifier l’annulation des décisions sous examen. Ils signalent encore que le dossier ne serait pas toujours clair quant au nombre de places prévues et que l’incertitude afférente aurait trait aux places réservées à la Fondation Pescatore au nombre de 32 qui ne seraient pas couvertes par les autorisations litigieuses portant seulement sur 300 places.

Concernant plus particulièrement les nuisances sonores du fait du parking, les demandeurs font valoir que l’analyse effectuée par la société … ne correspondrait pas à la réalité, étant donné qu’elle serait basée sur l’affirmation que « l’entrée et la sortie du parking ne seront pas considérées simultanément » et que « les pointes de circulation pour l’entrée et la sortie ne pourront pas être simultanées », alors qu’en réalité il serait bien possible d’avoir un flux de véhicules à l’entrée comme à la sortie du parking, ceci par exemple dans les cas de manifestations successives. Ils se rapportent en outre à l’étude … du 6 juin 2001 pour s’emparer du fait qu’elle indique un dépassement du bruit pendant les phases d’exploitation nocturne par rapport au règlement grand-ducal du 13 février 1979 et font valoir que ce dépassement les concernerait directement, étant donné que les bruits mesurés l’ont été à la sortie du parking, donc en face de leurs maisons et notamment au point I.P.5, soit devant la maison du requérant …. Ils font en outre état du fait que le projet litigieux entraînerait une augmentation considérable de la circulation dans toutes les rues du quartier, engendrant de ce fait un accroissement de la pollution atmosphérique dans les rues avoisinantes au complexe.

Ils critiquent les décisions litigieuses en ce qu’elles ne traiteraient pas de cette augmentation de la pollution atmosphérique liée à l’augmentation de la circulation.

Ils relèvent finalement que la sortie du parking se trouve près d’une école et qu’au-delà des nuisances ci-avant relevées, l’augmentation de la circulation engendrée par l’établissement projeté aurait pour conséquence une augmentation des accidents liés à ce trafic, ceci par application de la loi de probabilité.

Conformément aux dispositions de l’article 13 de la loi du 10 juin 1999 précitée, les autorisations délivrées en matière d’établissements classés sont appelées à fixer « les conditions d’aménagement et d’exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la présente loi, en tenant compte des meilleures techniques disponibles, dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs », étant entendu que ladite loi a pour objet de « - réaliser la prévention et la réduction intégrée des pollutions en provenance des établissements ; - protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage, au personnel des établissements, la santé et la sécurité des travailleurs au travail, ainsi que l’environnement humain et naturel ; -

promouvoir un développement durable ».

Dans le cadre des compétences leur conférées par la loi du 10 juin 1999 précitée, il n’appartient dès lors pas aux ministres respectivement compétents de se prononcer sur l’opportunité politique de la mise en place de l’établissement concerné, de même que le tribunal administratif, appelé à connaître du fond des litiges concernant les autorisations délivrées en matière d’établissements dangereux, doit examiner si l’exploitation concrète ne génère pas, compte tenu de ses conditions d’exploitation, des nuisances excessives pour le voisinage et pour le personnel de l’établissement, ainsi que pour l’environnement humain et naturel (cf. D. Lagasse, le Conseil d’Etat et la protection de l’environnement, in. Les juges et la protection de l’environnement, Bruylant, 1998, n° 8, p. 168), sans pour autant pouvoir étendre son contrôle de manière à empiéter sur le terrain des choix de politique générale (cf.

trib. adm. 12 juillet 2000, n° 11322 du rôle).

En l’espèce, les critiques des demandeurs à l’encontre du centre culturel se résument en substance au caractère démesuré, de par son envergure, de l’établissement projeté par rapport aux besoins du quartier, de manière à remettre directement en question le choix politique à la base du projet, étant entendu que la nature, l’envergure et le choix du site retenus pour l’implantation de l’établissement sont des données politiques de base qu’il n’appartient pas aux ministres compétents en matière d’établissements classés de remettre en cause en tant que telles. Leurs décisions et les conditions qu’ils imposent doivent au contraire s’articuler strictement autour des points de vérification définis par la loi du 10 juin 1999 précitée.

Il s’ensuit qu’à défaut de critiques s’inscrivant directement dans les prévisions de la loi du 10 juin 1999 précitée, le moyen des demandeurs basé sur une violation des dispositions de ladite loi au motif que le projet de centre culturel serait démesuré par rapport aux besoins du quartier laisse d’être fondé.

La même conclusion s’impose relativement aux moyens des demandeurs basés sur la considération que le parking, autorisé à travers les décisions litigieuses pour 300 places souterraines, ne rencontrerait aucune nécessité afférente des habitants du Limpertsberg, voire des visiteurs du centre culturel et sportif projeté et qu’un nombre de 100 places aurait été largement suffisant, étant donné que cette critique s’analyse encore comme étant dirigée directement contre le choix politique de l’envergure du projet litigieux. C’est encore en vain que les demandeurs concluent dans ce contexte à l’exigence, non respectée en l’espèce d’après leurs affirmations, d’une étude préalable des besoins, alors que, tel que dégagé ci-avant, il n’incombe pas aux ministres respectivement compétents en matière d’établissements classés de se prononcer sur l’opportunité d’un projet leur soumis entrevue à partir des besoins afférents de la population en général, voire des habitants d’un quartier déterminé.

Au-delà de ces moyens tenant à la seule envergure du parking souterrain projeté, les demandeurs font état de nuisances sonores excessives auxquelles ils seraient exposés, ainsi que de l’augmentation de la pollution atmosphérique liée à l’intensification de la circulation par l’effet de l’établissement projeté, en reprochant aux ministres respectivement compétents de ne pas avoir traité le dossier à suffisance sous ces aspects.

Concernant d’abord les problèmes allégués relatifs au trafic routier engendré par l’exploitation de l’établissement sous examen, c’est à juste titre que le ministre de l’Environnement a relevé dans sa décision du 19 juin 2002 que ceux-ci sont étrangers à la loi du 10 juin 1999 précitée pour relever de la compétence des autorités compétentes en matière de circulation sur les voies publiques, étant donné que les nuisances en question ne se rapportent pas directement à l’établissement classé pour en émaner d’une manière ou d’une autre, mais en constituent une simple répercussion normale, non spécifique au type d’établissement classé sous examen, mais commune à tous genres d’activités engendrant des déplacements du public.

Concernant ensuite le problème des nuisances sonores, il y a lieu de constater que, suivant la conclusion du rapport … du 8 juin 2001 joint en extrait au dossier et invoqué par les demandeurs, les nuisances sonores retenues au point d’émission le plus touché, en ce qui concerne les sources de bruit stationnaires situées à l’extérieur, ne dépassent pas 12 dB (A), tandis que les nuisances provenant de l’exploitation du centre culturel et du hall des sports peuvent atteindre un niveau sonore de 46 dB (A) dans l’hypothèse où un concert aurait lieu dans le centre culturel et un match de basket se déroulerait simultanément dans la hall des sports, sous la précision que le résultat ainsi obtenu repose non pas sur le niveau maximum de 90 dB (A) correspondant au maximum prévu à l’intérieur du centre culturel, mais sur un niveau sonore intérieur de 110 dB (A). Le même rapport précise que le niveau sonore sera inférieur à 39 dB (A) si le niveau sonore intérieur maximum de 90 dB (A) est respecté.

Concernant enfin les nuisances sonores provenant des sources mobiles, le rapport relève encore que les points les plus touchés sont situés en face de l’entrée et de la sortie du parking souterrain et que l’heure la plus bruyante sera atteinte lorsqu’un match de professionnels et/ou un spectacle auront lieu et que le parking se remplisse dans l’heure, hypothèse dans laquelle le niveau sonore au point I.P.2, correspondant à la maison en face de l’entrée du parking, atteindra 51 dB (A) en période jour et dimanche, tandis que le niveau sonore le plus élevé en période nuit sera dans cette hypothèse de 49 dB (A) au point I.P.5, relatif à la maison en face de la sortie du parking.

Eu égard au caractère urbain du quartier du Limpertsberg faisant partie du centre ville et étant empreint, d’après les affirmations mêmes des demandeurs, d’une circulation dense, les demandeurs restent en défaut d’établir que les nuisances sonores auxquelles ils peuvent s’attendre en raison de l’exploitation de l’établissement litigieux dépasseraient les prévisions du règlement grand-ducal du 13 février 1979 concernant le bruit dans les alentours immédiats des établissements et des chantiers, en vertu duquel il est recommandé aux responsables des établissements et chantiers visés à l’article 1er de ne pas dépasser dans les alentours immédiats les niveaux de bruit y indiqués.

En effet, les arguments avancés à cet égard ne permettent pas de conclure que les décisions litigieuses reposeraient sur de fausses prémisses et analyses qui ne correspondraient pas à la réalité, alors qu’au contraire, les hypothèses à la base des évaluations effectuées ont trait à une utilisation hypothétique maximale de l’établissement concerné, ce qui en règle générale et eu égard aux développements qui précèdent relatifs au centre sportif excède les prévisions quotidiennes auxquelles peuvent raisonnablement s’attendre les riverains. Il s’ensuit que le moyen afférent des demandeurs laisse d’être fondé.

Quant au centre sportif Dans le cadre de leurs moyens basés sur l’incompatibilité du projet litigieux avec les dispositions du plan général d’aménagement, les demandeurs concluent à l’incompatibilité du centre sportif par rapport au classement du terrain en faisant valoir qu’aucune portion du terrain concerné n’est classée en zone F.1. b) relative aux « terrains réservés aux installations sportives et de recréation représentés dans la partie graphique par la couleur vert bleuâtre », pour conclure que le projet de construction de ce centre ne serait pas conforme à la destination du terrain concerné, faute d’être assimilable à un édifice scolaire eu égard aux dimensions retenues, la halle des sports étant projetée pour pouvoir servir à des matchs internationaux et accueillir près de mille spectateurs.

La Ville de Luxembourg rencontre ce moyen en faisant valoir que la zone telle que définie à l’article F.1. b) PGA réserverait les terrains concernés aux seules installations dédiées aux activités sportives et de recréation et ceci à titre principal et que cette dispositions devrait se lire comme étant « plus restrictive et plus spécifique et spéciale » que celle relative à la zone F.1. a), alors qu’elle serait exclusivement réservée aux installations sportives et récréatives, tandis que la zone F.1. a), même si l’on adoptait une lecture stricte du texte, devrait permettre la réalisation d’installations permettant d’exercer une activité sportive et/ou récréative comme étant soit l’accessoire d’une activité y visée, soit l’alternative à une activité y visée. Elle estime que la première possibilité ainsi énoncée serait illustrée par l’exemple d’une école, étant donné que l’on ne pourrait légitimement contester que la possibilité d’ériger une école implique celle de réaliser des installations sportives et récréatives. Quant à la seconde possibilité de l’alternative à une activité visée par les dispositions de l’article F.1. a), la partie défenderesse fait valoir que, sauf à adopter une conception étroite de la notion de culture, le sport devrait désormais en être considéré « comme un des avatars modernes » et en faire partie intégrante.

Il résulte de la disposition de l’article F.1. PGA que si les terrains réservés et les parties du territoire de la Ville qu’ils représentent constituent certes dans leur globalité un ensemble, il n’en reste pas moins que cet ensemble est subdivisé en des catégories différentes, énumérées limitativement par l’alinéa second dudit article F.1. PGA, lesquelles ne sont pas interchangeables en tant que telles (cf. trib. adm. 12 juillet 2000, n° 11314 du rôle, confirmé par Cour adm 22 mars 2001, n° 12253C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Urbanisme, n° 80, p.

582)..

Il est encore constant que les autorisations litigieuses ont pour objet un centre culturel, sportif et scolaire se composant de trois bâtiments et comprenant entre autres, suivant les termes de la décision déférée du ministre de l’Environnement « une salle de sports ayant une surface d’environ 1400 m2, offrant 918 places pour spectateurs » voire, suivant le libellé de l’autorisation déférée du ministre du Travail et de l’Emploi « une salle des sports ayant une surface de 1365 m2 comportant des gradins fixes et amovibles et destinée à environ 920 personnes », ces différences minimes de libellé ne portant cependant pas autrement à conséquence au regard du moyen sous analyse tiré de la violation de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999.

Il se dégage encore des décisions litigieuses, ensemble le dossier de demande d’autorisation que les heures normales de fonctionnement du centre sportif vont, à la période diurne de 7 heures à 22 heures et que des manifestations pouvant s’étendre jusqu’à 3 heures pendant la période nocturne, limitées à 40 manifestations au maximum par an, sont également prévues, sous la limitation que le nombre total des manifestations culturelles et/ou sportives sera limité à 100 manifestations maximum par an.

S’il est certes vrai que les écoles et les centres culturels ne sont énoncés qu’à titre d’exemples d’édifices et d’installations publics auxquels sont réservés les terrains visés à l’article F.1 a) PGA et que notamment la conception actuelle d’une école n’est pas de nature à exclure, en principe, l’adjonction, à titre accessoire, d’installations sportives destinées à couvrir les besoins afférents de l’école, le même raisonnement ne saurait être transposé aux centres culturels, étant donné que le sport et la culture, suivant l’acception normale de ces termes, ne sont point indissociables et que par ailleurs la Ville de Luxembourg a opté dans la partie écrite de son PGA en faveur d’une distinction expresse à cet égard en réservant une zone spéciale aux installations sportives et de recréation, distincte de celle réservée aux autres édifices et installations publics, étant entendu par ailleurs que le plan général d’aménagement, en tant que réglementation de police, est d’interprétation stricte.

Il s’ensuit que l’argumentation déployée par la Ville de Luxembourg pour voir considérer le projet litigieux relatif au centre sportif comme étant un édifice ou une installation publics au sens des dispositions de l’article F.1. a) PAG prérelaté en ce qu’il aurait trait à des activités culturelles au sens large du terme, laisse d’être fondée au regard du libellé de l’article F.1. PGA entrevu plus particulièrement sous son point b).

La même conclusion s’impose relativement à l’argument tendant à considérer le centre sportif comme étant l’accessoire de l’école, étant donné qu’en raison de son envergure, entrevue notamment à partir de la capacité et des plages horaires prévues pour accueillir des manifestations sportives de taille, ce centre dépasse de loin les besoins normaux en infrastructures sportives d’un établissement d’éducation précoce et préscolaire, de sorte que la théorie de l’accessoire, concevable en principe pour un centre sportif en relation avec un centre scolaire, ne saurait trouver application en l’espèce, vu l’envergure du centre sportif projeté.

En effet, les explications fournies en cause par la Ville de Luxembourg pour rencontrer le moyen des demandeurs basé sur une prétendue démesure du projet par rapport aux besoins du quartier permettent de dégager que le centre sportif tel que projeté par les autorités communales est destiné non seulement aux besoins de l’école, mais qu’il entend rencontrer également les besoins des associations sportives du quartier, qu’il est aménagé de façon à permettre la pratique de divers sports, tels que le Handball, Basketball, Tennis, Volleyball, etc., et qu’il est destiné à servir à la fois à des fins de compétition et pour l’entraînement. Face à la vocation ainsi dégagée du centre sportif et eu égard à ses dimensions, ainsi qu’à sa capacité considérable de recevoir des visiteurs, l’argument que ce centre sera à disposition des écoles précoces et préscolaires pour les heures d’éducation physique, de manière à être occupé à 80% par celles-ci et à 20% seulement par les clubs, laisse de convaincre le tribunal quant au caractère accessoire de ce centre par rapport aux écoles précoces et préscolaires projetées, étant donné que le projet dépasse de loin les besoins en infrastructures sportives auxquels peuvent raisonnablement prétendre des enfants fréquentant les écoles précoces et préscolaires pendant les heures d’éducation physique se dégageant des exigences de l’article F 1 a) PAG.

Il se dégage des considérations qui précèdent que les décisions litigieuses ont été prises au mépris des dispositions de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 précitée, pour autant que le centre sportif est concerné, en ce qu’elles ont autorisé l’établissement sportif litigieux globalement considéré dans une zone non prévue à ces fins d’après le PGA.

Eu égard au caractère détachable du centre sportif, identifié sur les plans faisant partie du dossier de demande d’autorisation comme correspondant au « Lot 3 », et face au caractère préalable des exigences posées par l’article 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée, il y a lieu d’annuler partiellement les décisions litigieuses dans la mesure où elles autorisent un centre sportif non compatible dans sa teneur projetée avec la zone concernée telle que définie à travers les dispositions du plan général d’aménagement de la Ville de Luxembourg et plus particulièrement de son article F 1 a).

Compte tenu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et de les imposer à raison d’un tiers à la Ville de Luxembourg et à l’Etat et de deux tiers aux demandeurs.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

joint les recours introduits sous les numéros 15449 et 15450 du rôle ;

déclare les recours en réformation irrecevables pour autant qu’introduits par l’a.s.b.l.

Comité de défense … ;

pour le surplus reçoit les recours en la forme ;

au fond les dit partiellement justifiés ;

partant, dans le cadre des recours en réformation, annule les décisions ministérielles déférées pour autant que le centre sportif est concerné et renvoie le dossier dans cette mesure devant les ministres respectivement compétents ;

déclare les recours non fondés pour le surplus fait masse des frais et les impose à raison d’un tiers à la Ville de Luxembourg et à l’Etat et de deux tiers aux demandeurs.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mai 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 17


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : s15449,15450
Date de la décision : 21/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-21;s15449.15450 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award