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21/05/2003 | LUXEMBOURG | N°16339

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mai 2003, 16339


Numéro 16339 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2003 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16339 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Jajici/Kalesija (Bosnie-Herzégo...

Numéro 16339 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 avril 2003 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16339 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Jajici/Kalesija (Bosnie-Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 13 février 2003, notifiée le 17 février 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande en obtention du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre le 31 mars 2003 suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2003 par Maître François MOYSE au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joram MOYAL, en remplacement de Maître François MOYSE, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 18 décembre 2002, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu le 7 janvier 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 13 février 2003, notifiée le 17 février 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond tels que définis par l’article 1er section A.2 de la Convention de Genève. Le ministre a en effet retenu que Monsieur … se limitait à exprimer un vague sentiment général d’insécurité et qu’il aurait uniquement fait état de violences remontant à l’année 1992.

Le recours gracieux introduit auprès du ministre de la Justice le 17 mars 2003, dirigé contre la décision ministérielle précitée du 13 février 2003, a été rejetée par une décision confirmative dudit ministre du 31 mars 2003.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2003 Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 13 février et 31 mars 2003.

Etant donné que l’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Le demandeur reproche en premier lieu au ministre que les décisions critiquées ne prendraient pas position quant à sa situation individuelle et que la décision confirmative du 31 mars 2003 se limiterait à une motivation purement « stéréotypée », en ce qu’elle reprendrait à la lettre une formule de style que l’on retrouverait dans toutes les décisions du ministre de la Justice en matière de demandes d’asile, attitude qui violerait l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Ledit moyen laisse cependant d’être fondé, étant donné qu’il ressort du libellé de la décision initiale du 13 février 2003 que le ministre de la Justice a indiqué de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait, sur lesquels il s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance du demandeur. Pour le surplus, faute d’éléments nouveaux portés à la connaissance dudit ministre dans le cadre du recours gracieux, celui-ci pouvait – implicitement – reprendre les motifs contenus dans sa décision initiale, les deux décisions formant un tout indissociable. A cela s’ajoute qu’au vœu de l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 précitée, la motivation expresse d’une décision administrative peut se limiter à un énoncé sommaire de son contenu et il suffit, pour qu’un acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment de la prise de la décision, de sorte que l’administration concernée peut le cas échéant les fournir ex post sur demande de l’administré, voire au cours de la procédure contentieuse seulement.

A l’appui de sa demande d’asile, le demandeur soutient que les décisions critiquées devraient être annulées en raison du fait que le ministre aurait basé son refus sur un examen superficiel et insuffisant des faits et n’aurait pas tenu compte de sa situation particulière. Dans cet ordre d’idées, il expose être originaire de Bosnie-Herzégovine, de confession musulmane, et qu’il serait persécuté en raison de son appartenance au groupe des musulmans bosniaques. Dans cet ordre d’idées, le demandeur expose qu’il aurait été incarcéré à l’âge de 12 ans au moment de la guerre de Bosnie et que pendant son emprisonnement il aurait vécu des atrocités qui représenteraient à l’heure actuelle un traumatisme qu’il ne pourrait dominer. Pour le surplus, il fait ajouter que la situation actuelle en Bosnie-Herzégovine serait loin d’être stable et que des anciens criminels de guerre menaceraient les victimes de la guerre de 1992 et que des violations du « droit des propriétés » et des incidents violents et meurtriers seraient toujours provoqués de la part de certains groupes nationalistes serbes contre la population musulmane.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

Par ailleurs, il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement. Ainsi, il ne suffit pas d’invoquer une crainte de persécution pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, il faut encore que le demandeur d’asile soumette aux autorités compétentes des éléments suffisamment précis permettant à celles-ci d’apprécier la réalité de cette crainte. L’absence de production de tels éléments a pour conséquence que la demande d’asile doit être déclarée manifestement infondée.

En l’espèce, il ressort tant du rapport de l’audition du 7 janvier 2003, que de la requête introductive d’instance, que le demandeur fait surtout état d’un traumatisme lié à son emprisonnement en 1992. Les évènements vécus en prison - à les supposer établis – ne sont plus d’actualité et ne sauraient partant constituer un risque actuel de persécution et un traumatisme y relatif ne saurait à lui seul suffire pour constituer un motif de reconnaissance du statut de réfugié.

Pour le surplus, le fait que des rôdeurs menacent actuellement une certaine partie de la population en Bosnie-Herzégovine, ces menaces supposées établies, ne sauraient être qualifiées de persécution au sens de la Convention de Genève, mais relève plutôt de la criminalité de droit commun. Pour le surplus, il appert à l’examen du compte-rendu de son audition tel qu’il figure au dossier, que le demandeur a en substance exprimé des craintes vagues et générales quant à la situation existant actuellement en Bosnie-Herzégovine et quant à la situation des membres de la communauté religieuse des musulmans, mais il n’a pas apporté le moindre élément concret et individuel de persécution au sens de la Convention de Genève, ni n’a-t-il précisé en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 21 mai 2003 par le président en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16339
Date de la décision : 21/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-21;16339 ?

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