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21/05/2003 | LUXEMBOURG | N°16328

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mai 2003, 16328


Numéro 16328 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2003 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16328 du rôle, déposée le 23 avril 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de lâ€

™Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave...

Numéro 16328 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2003 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16328 du rôle, déposée le 23 avril 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 24 février 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Yvonne NGONO YAH, en remplacement de Maître Michel KARP, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mai 2003.

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Le 10 février 2003, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

Le 20 février 2003, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice l’informa par décision du 24 février 2003, notifiée par courrier recommandé du 7 avril 2003, que sa demande d’asile avait été rejetée comme étant manifestement infondée aux motifs que sa demande d’asile ne correspondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, mais sur des raisons économiques.

A l’encontre de cette décision de rejet du 7 avril 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation par requête déposée en date du 23 avril 2003.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l'obligation d'examiner en premier lieu l’existence d’un recours au fond en la matière, cette possibilité rendant irrecevable l'exercice d'un recours en annulation contre la même décision.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, disposant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de manière que le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation. Le recours principal en annulation est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la situation ne se serait pas encore stabilisée à Mitrovica et qu’elle serait toujours dangereuse pour les Albanais, de manière que son retour à son ancien domicile dans le quartier nord de Mitrovica, habité exclusivement par des Serbes, serait impossible pour des raisons de sécurité. Il ajoute qu’il n’aurait pas de travail et pas de logement à Mitrovica et que les moyens d’existence seraient pratiquement nuls, les forces des Nations-Unies n’ayant par ailleurs pas résolu les problèmes dans le nord de Mitrovica.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de craintes de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motifs de sa demande.

Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et des renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 93 et autres références y citées ; trib.

adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

En l’espèce, le demandeur a déclaré lors de son audition du 20 février 2003 qu’il avait quitté son pays d’origine parce qu’ « on n’avait ni de logements ni de nourriture, ni de revenus ». A la question s’il avait subi des persécutions, il a répondu : « Non. Pas de blessures, pas d’insultes, pas de menaces, rien du tout. Je n’ai rien fait à personne, je n’avais rien à faire avec d’autres personnes ». A travers son audition, le demandeur a dès lors mis en avant à la base de sa demande d’asile exclusivement des raisons économiques, lesquelles sont cependant étrangères à la notion de crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Ce n’est que dans le cadre de son recours contentieux que le demandeur s’est prévalu de la situation tendue dans sa ville d’origine. Or, dans la mesure où il ressort des propres déclarations du demandeur lors de son audition du 20 février 2003 que du moins sa mère et ses deux frères vivent à Mitrovica, mais que le demandeur se confine à affirmer une impossibilité de retour dans le quartier nord de Mitrovica sans autrement étayer cette simple affirmation malgré la présence dans cette ville de membres de sa famille, force est de conclure que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions.

Il s’ensuit que le demandeur n’a pas fait état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de manière que le ministre a valablement pu retenir que sa demande d’asile ne répond à aucun critère de fond définis par la Convention de Genève. Le recours sous analyse est dès lors à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, reçoit le recours principal en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mai 2003 par:

M. CAMPILL, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16328
Date de la décision : 21/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-21;16328 ?

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