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21/05/2003 | LUXEMBOURG | N°16320

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mai 2003, 16320


Tribunal administratif N° 16320 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2003 Audience publique du 21 mai 2003

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Recours formé par les époux …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16320 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2003 par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Monsieur …, né le … à Prizren (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le...

Tribunal administratif N° 16320 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2003 Audience publique du 21 mai 2003

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Recours formé par les époux …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16320 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2003 par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Prizren (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le … à Prizren, tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 7 février 2003, notifiée par lettre recommandée du 10 février 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée une demande en obtention du statut de réfugié introduite par les demandeurs, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre le 17 mars 2003, suite à un recours gracieux des demandeurs ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 23 décembre 2002, Monsieur … et son épouse, Madame … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les époux …-… furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 7 février 2003, convoqués pour être entendus par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile, les époux …-… déclarèrent ne pas « vouloir faire l’audition aujourd’hui », au motif qu’ils n’auraient pas été mis au courant de l’audition et ne pas avoir eu assez de temps pour choisir un avocat.

Par décision du 7 février 2003, notifiée par lettre recommandée du 10 février 2003, le ministre de la Justice les informa que leur demande d’asile était rejetée. La motivation de ladite décision ministérielle se lit comme suit :

« Il résulte des rapports d’audition du Ministère de la Justice du 7 février 2003 que vous avez tous les deux refusé de répondre aux questions de l’agent du Ministère.

Monsieur, vous avez invoqué comme motif de votre refus que vous n’auriez pas disposé d’un délai suffisant pour choisir un avocat. Le 23 décembre 2002, vous avez cependant reçu une fiche vous renseignant dans une langue comprise par vous que vous avez le droit de vous faire assister d’un avocat. Par conséquent vous avez eu un délai raisonnable de 6 semaines pour choisir un avocat.

L’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire dispose qu’une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile.

En outre, l’article 6 §2 f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit qu’une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile a omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile.

Votre comportement doit être analysé comme un refus de collaboration vis-à-vis du Ministère de la Justice.

Vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par le mandataire des demandeurs par lettre du 10 mars 2003 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 17 mars 2003.

Les époux …-… ont fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 7 février et 17 mars 2003 par requête déposée le 22 avril 2003.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoyant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent être originaires du Kosovo et de religion musulmane, qu’ils appartiendraient à la minorité des « goranais » du Kosovo et qu’à ce titre, ils risqueraient d’y être persécutés.

Ils reprochent au ministre de la Justice d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des faits, « en ce sens que c’est à tort que celle-ci [l’autorité administrative] est arrivée à la conclusion avant même que les requérants soient entendus en leur demande d’asile ». Dans ce contexte, les demandeurs estiment que le fait de ne pas les avoir entendus en leurs explications constituerait une violation des articles 5 et 10 (1) de la loi du 3 avril 1996 et de leurs droits de la défense, au motif que leur refus d’être entendus sans la présence d’un avocat ne saurait être considéré comme un défaut flagrant de collaboration.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 6 §2 f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile a omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ».

En l’espèce, force est de constater que les demandeurs avaient été informés dès le 23 décembre 2002 de leur droit de se faire assister par un avocat, le cas échéant à désigner par le bâtonnier de l’Ordre des avocats, et l’information afférente, rédigée tant en français que dans la langue maternelle des demandeurs, précisait qu’il leur incomberait de faire les démarches nécessaires pour qu’un avocat soit présent lors de leur audition, laquelle aurait lieu à la date qui sera fixée même si un avocat ne serait pas présent à cette date.

Ainsi, le refus des demandeurs de collaborer activement à l’instruction de leur demande d’asile à l’occasion de l’audition que le ministère de la Justice avait fixée au 7 février 2003, sans motivation justifiée, s’analyse en un comportement dont le ministre a pu déduire, sans procéder à une violation d’une disposition légale, des droits de la défense voire une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait et de droit, que les demandeurs refusaient de s’acquitter d’une obligation importante dans le cadre de l’instruction de leur demande d’asile et ainsi, il a valablement pu faire application de l’article 6 §2 f) du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996.

En ce qui concerne l’argumentation supplémentaire développée par les demandeurs dans leur requête introductive d’instance, et concernant plus particulièrement leur prétendue persécution, par des Albanais du Kosovo, en raison de leur appartenance à la minorité ethnique des « goranis », il convient de relever qu’une demande d’asile basée exclusivement sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 91 et autres références y citées).

En l’espèce, il ressort des développements contenus dans la requête introductive d’instance qu’à part des allégations vagues et non autrement circonstanciées quant à des prétendues persécutions de la part de membres du groupe des Albanais du Kosovo, les demandeurs n’ont fait état et n’ont établi aucun fait concret susceptible d’être qualifié de persécution au sens de la Convention de Genève, mais leurs allégations traduisent plutôt un sentiment général d’insécurité.

Il s’ensuit que le ministre de la Justice a valablement pu rejeter la demande d’asile des demandeurs comme étant manifestement infondée, de manière que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 21 mai 2003, par le président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16320
Date de la décision : 21/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-21;16320 ?

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