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21/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15884

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mai 2003, 15884


Tribunal administratif N° 15884 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 janvier 2003 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Madame …, épouse …, … contre une décision de l’ordre des architectes et des ingénieurs-conseils en matière d’inscription à l’ordre des architectes et des ingénieurs-conseils

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15884 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 2003 par Maître Franç

ois PRUM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mad...

Tribunal administratif N° 15884 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 janvier 2003 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Madame …, épouse …, … contre une décision de l’ordre des architectes et des ingénieurs-conseils en matière d’inscription à l’ordre des architectes et des ingénieurs-conseils

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15884 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 2003 par Maître François PRUM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, architecte d’intérieur, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de l’ordre des architectes et des ingénieurs-conseils, en abrégé « OAI » du 25 septembre 2002 portant refus de faire suite à sa demande d’inscription audit ordre professionnel ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 9 janvier 2003 portant signification de ce recours à l’OAI ;

Vu le mémoire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mars 2003 par Maître Paul BEGHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’OAI ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 20 mars 2003 portant notification de ce mémoire en réponse à Maître François PRUM ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 avril 2003 par Maître François PRUM au nom de Madame … ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réplique à Maître Paul BEGHIN ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 avril 2003 par Maître Paul BEGHIN au nom de l’OAI ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en duplique à Maître François PRUM ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître François PRUM, assisté de Maître François DELVAUX et Maître Dominique BORNERT en remplacement de Maître Paul BEGHIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mai 2003.

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Considérant que Madame …, épouse …, née le … à Konz, Kreis Trier-Saarburg, demeurant à Luxembourg, est titulaire d’un diplôme délivré le 24 juin 1985 par la « Fachhochschule des Landes Rheinland-Pfalz » sanctionnant le « Studiengang Innenarchitektur » portant sur 9 semestres (8 semestres et un Diplomsemester), et lui conférant le titre « Diplom-Designer FH » ;

Que sur base de ce diplôme elle a été inscrite en date du 27 mars 1991 en tant que « Innenarchitektin » à la « Architektenliste der Architektenkammer Rheinland-Pfalz », suivant certificat de cette dernière du 17 mai 1991, pour y être inscrite en tant que « Innenarchitektin (freischaffend) » en date du 28 août 1996 suivant certificat du 2 septembre suivant ;

Qu’au Grand-Duché de Luxembourg sa demande du 7 mai 1996 tendant à l’obtention de l’autorisation gouvernementale en vue de l’exercice de la profession d’architecte d’intérieur indépendant fut rencontrée par une décision de refus du ministre des Classes moyennes et du Tourisme du 26 août 1996;

Que sur recours contentieux du 7 février 1997, inscrit sous le numéro 9791 du rôle, le tribunal a, par jugement du 3 février 1999 réformé la décision ministérielle prévisée du 26 août 1996 et dit que le diplôme présenté par Madame … remplit les critères de qualification professionnelle posés par le droit communautaire ensemble les dispositions y non contraires de l’article 19 (1) a) alinéas 1 et 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, désignée ci-après par « loi d’établissement » ;

Qu’en date du 3 août 1999, Madame … s’est vu délivrer par le ministre des Classes moyennes et du Tourisme l’autorisation d’établissement d’exercer la profession libérale d’architecte d’intérieur, référencée sous le numéro 89618 ;

Que dans sa lettre de transmission de l’autorisation précitée du 4 août 1999, le ministre des Classes moyennes et du Tourisme a invité la demanderesse à se mettre en rapport avec l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils, désigné ci-après par « OAI » en vue de son inscription audit ordre, conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi du 13 décembre 1989 portant organisation des professions d’architecte et d’ingénieur-conseil ;

Que par courrier du 6 octobre 1999, Madame … a demandé son inscription à l’OAI ;

Que suite à un échange de courrier fourni entre parties, le mandataire de Madame … a derechef sollicité en date du 25 juillet 2002 l’inscription de sa mandante à l’OAI ;

Que l’OAI a pris position par courrier du 25 septembre 2002 libellé comme suit :

« Suite à votre courrier du 25 juillet 2002 et à la réunion du Conseil de l’Ordre du 9 septembre 2002, nous nous empressons de vous transmettre la prise de position ci-après :

Nous maintenons notre position formulée dans la lettre du 10 avril 2002, à savoir que le Conseil de l’Ordre n’est pas en mesure, à ce stade et compte tenu du vide juridique en matière de réglementation de la profession d’architecte d’intérieure, d’inscrire les architectes d’intérieur au tableau de l’Ordre.

Il convient d’ajouter que pour les architectes d’intérieur, les conditions d’exercice restent à être définies au Luxembourg, en application du second considérant de la directive 92/51/CEE du 18 juin 1992 relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE :

« (2) considérant que, pour les professions pour l’exercice desquelles la Communauté n’a pas déterminé le niveau minimal de qualification nécessaire, les Etats membres conservent la faculté de fixer ce niveau de manière à garantir la qualité des prestations fournies sur le territoire ; qu’ils ne peuvent, toutefois, sans méconnaître leurs obligations visées aux articles 5, 48, 52 et 59 du traité, imposer à un ressortissant d’un Etat membre d’acquérir des qualifications qu’ils se bornent généralement à déterminer par référence à celles délivrées dans le cadre de leur système national de formation, alors que l’intéressé a déjà acquis tout ou partie de ces qualifications dans un autre Etat membre ; que, en conséquence, tout Etat membre d’accueil dans lequel une profession est réglementée est tenu de prendre en compte les qualifications acquises dans un autre Etat membre et d’apprécier si celles-ci correspondent à celles qui l’exige » .

Ainsi en France, par exemple, la qualification OPQAI (Office Professionnel de Qualification des Architectes d’Intérieur) est la seule qualification d’architecte d’intérieur reconnue par l’Ordre des Architectes. L’appellation d’architecte d’intérieur a été créée, en liaison avec les architectes, pour séparer la profession d’architecte d’intérieur de celle de décorateur, qui en fonction d’un budget réalise une opération et travaille éventuellement avec des fabricants, des industriels (avec rémunération déguisée), attitude contraire à la déontologie des architectes d’intérieur. Il est à noter également que pour l’exercice de la profession d’architecte d’intérieur, est exigée la souscription à une assurance de maître d’œuvre, responsabilité civile et responsabilité décennale.

En revanche au Luxembourg, le titre, la formation, mais surtout les conditions d’exercice de la profession d’architecte d’intérieur ne sont pas réglementés par un texte de loi spécifique, ni même – à l’instar de la France – par des règles issues des branches professionnelles concernées.

Plutôt que d’emprunter une logique contentieuse qui ne réglera pas le problème dans sa globalité, il faudrait s’interroger sur l’organisation de la profession d’architecte d’intérieur en liaison avec les ministères concernées, pour examiner ensuite la façon dont les architectes d’intérieurs pourraient éventuellement s’affilier à l’Ordre, de quelle manière et à quelles conditions.

L’OAI est disposé à reprendre les discussions entamées à ce sujet mais n’entend pas céder à votre « injonction », suivant courrier du 25 juillet 2002, d’inscrire les architectes d’intérieur y cités, pour les motifs qui vous ont déjà été communiqués.

Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.

Vous souhaitant bonne réception de la présente, nous vous prions d’agréer, … » ;

Considérant que c’est contre cette décision du 25 septembre 2002 que Madame … a fait introduire en date du 20 janvier 2003 un recours en réformation, sinon en annulation ;

Considérant que bien que les parties n’aient pas pris spécifiquement position quant à cette question, il appartient au tribunal, saisi d’un recours en réformation, de vérifier sa compétence d’attribution en la matière ;

Considérant que ni la loi précitée du 13 décembre 1989, ni aucune autre disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction contre une décision rendue par l’OAI en matière de refus d’inscription en tant que membre de l’ordre, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le recours en annulation formé en ordre subsidiaire ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable ;

Considérant qu’au fond, la demanderesse de faire valoir qu’il serait constant qu’en sa qualité d’architecte d’intérieur, elle tombe sous les prévisions de l’article 1er de la loi d’établissement de sorte à avoir été soumise à l’exigence d’une autorisation d’établissement, condition entre-temps vérifiée dans son chef ;

Que tombant sous ladite définition d’architecte au sens de la loi d’établissement, la demanderesse, soumise de la sorte à l’exigence d’une autorisation d’établissement, estime devoir être obligatoirement inscrite à l’OAI conformément aux dispositions de l’article 7, alinéa 2 de la loi du 13 décembre 1989 précitée, en faisant valoir pour le surplus que le conseil de l’OAI n’aurait aucun pouvoir d’appréciation quant à l’admission des architectes, titulaires d’une autorisation d’établissement, désireux de faire partie de l’ordre ;

Que refuser l’admission à l’ordre reviendrait à une interdiction pour l’architecte d’intérieur d’exercer sa profession comme indépendant, à titre libéral, et constituerait une atteinte intolérable à la liberté du commerce et de l’industrie au sens large, garantie par la Constitution, de même qu’à la liberté de circulation des travailleurs prévue par le Traité de Rome ;

Qu’elle conclut à l’annulation de la décision déférée pour erreur de droit, sinon subsidiairement pour erreur d’appréciation manifeste, de même que pour détournement de pouvoir en ce sens que la décision de refus déférée aurait été prise dans le seul but de protéger les architectes, membres de l’OAI, de la concurrence potentielle sur le marché de leurs confrères, architectes d’intérieur ;

Considérant qu’à travers son mémoire en réponse l’OAI fait mettre l’accent sur la distinction à opérer entre l’accès à la profession d’architecte d’intérieur réglementé suivant la loi d’établissement, aux termes de laquelle l’architecte d’intérieur est à comprendre sous le terme d’architecte employé à son article 1er et l’exercice de cette profession, en faisant valoir qu’au Grand-Duché de Luxembourg la profession d’architecte d’intérieur ne serait pas réglementée ;

Que l’OAI de faire plaider que les architectes d’intérieur ne relèveraient pas de la loi précitée du 13 décembre 1989 en ce qu’ils ne rentreraient pas sous la définition prévue en son article 1er concernant la profession d’architecte, ni ne répondraient aux exigences posées par ladite loi concernant le recours obligatoire à un architecte en matière de permis de construire ;

Que l’ordre de soulever qu’en l’absence de réglementation spécifique organisant l’exercice de la profession d’architecte d’intérieur, on ne saurait valablement retenir que, faute de conditions imposées par la loi, l’architecte d’intérieur serait en droit de s’inscrire à l’OAI ;

Que l’inscription obligatoire à l’OAI prévue par l’article 7 de ladite loi du 13 décembre 1989 en question viserait uniquement les architectes et ingénieurs-conseils y mentionnés, à l’exclusion notamment des architectes d’intérieur, ces derniers ne rentrant pas sous la définition d’architecte employée par ladite loi ;

Que l’OAI de conclure encore au caractère non fondé du recours en tant qu’il vise un détournement de pouvoir dans son chef, tout en mettant en avant qu’à la fin des années 1980 la démarche a consisté en un travail d’identification des compétences et attributions professionnelles des architectes, d’un côté, et des ingénieurs-conseils de l’autre, ayant abouti dans la loi précitée du 13 décembre 1989, une démarche similaire devant être suivie en ce qui concerne la délimitation du champ d’attribution de la profession d’architecte d’intérieur, avant toute possibilité d’admission de ses membres à l’OAI ;

Considérant qu’à travers son mémoire en réplique, la demanderesse de mettre en avant la position prise, du moins dans le passé, par le ministère des Classes moyennes en ce sens que le statut reconnu des architectes d’intérieur au titre de l’autorisation d’établissement devrait impliquer nécessairement leur intégration au sein de l’OAI ;

Que ce serait en raison de la demande dudit ministère tendant à son inscription à l’OAI, que la demanderesse ferait actuellement les démarches afférentes afin de pouvoir exercer valablement sa profession suivant les exigences posées par ledit ministère ;

Que soit il appartiendrait au tribunal de sanctionner le refus d’inscription à l’OAI actuellement déféré, soit, en cas de confirmation de la décision déférée, d’amener le ministère des Classes moyennes à rectifier l’erreur par lui commise ayant consisté à inviter la demanderesse à se mettre en contact avec l’OAI en vue de son inscription ;

Que dans la mesure où le statut reconnu des architectes d’intérieur contredirait l’existence d’un vide juridique, il conviendrait d’admettre l’inscription de la demanderesse à l’OAI, le cas échéant sous condition ;

Que la demanderesse de contredire encore l’OAI en ce que celui-ci aurait mis l’accent sur le fait que contrairement à ce qui existe en France, la profession d’architecte d’intérieur ne serait ni réglementée, ni même organisée au Luxembourg, pour renvoyer à l’existence de l’association sans but lucratif dénommée association luxembourgeoise des diplômés en architecture d’intérieur (ALAI), au sein de laquelle elle déclare figurer comme membre du conseil d’administration, sous l’égide de laquelle les architectes d’intérieur se seraient même dotés d’un code de déontologie ;

Qu’au titre de la distinction tracée entre l’accès et à l’exercice de la profession d’architecte d’intérieur, la demanderesse de souligner encore que la Constitution garantirait à coté de la liberté du commerce et de l’industrie, l’exercice de la profession libérale, de sorte que la loi fondamentale ne se limiterait pas seulement au seul accès à une profession libérale ;

Considérant qu’à travers son mémoire en duplique, l’OAI de reprendre à l’essentiel son argumentaire jusque lors développé, tout en mettant l’accent sur la différence existant, selon lui, entre les conditions d’accès à la profession et les conditions d’exercice de celle-ci, compte tenu des différences de définition concernant la profession d’architecte résidant dans la loi d’établissement, d’un côté, et dans celle précitée du 13 décembre 1989 portant organisation des professions d’architecte et d’ingénieurs-conseils, de l’autre côté ;

Que l’OAI de faire valoir encore que si le simple décorateur, non diplômé en architecture d’intérieur, était en droit d’exercer les missions relevant des domaines de compétence de l’architecte d’intérieur telles que la conception d’espaces et le design de produits, sans pouvoir se prévaloir du titre « d’architecte d’intérieur », il en ressortirait a fortiori que la demanderesse ne serait pas dans l’impossibilité d’exercer sa profession, étant donné que les activités d’architecte d’intérieur ne seraient pas réglementées par la loi et qu’une inscription à l’OAI ne serait dès lors pas requise comme condition d’exercice de cette profession ;

Que tout simplement l’OAI serait l’ordre professionnel de deux professions – des architectes et des ingénieurs-conseils – dont la profession non réglementée d’architecte d’intérieur ne relèverait tout simplement pas ;

Que l’OAI de souligner encore une fois qu’il serait d’intérêt public que les principes et règles soient fixés pour organiser les rapports entre les deux professions, impliquant au préalable le travail d’identification des compétences et de la pratique professionnelle des architectes d’intérieur du Grand-Duché de Luxembourg, pareille démarche nécessitant l’intervention du législateur ;

Qu’en l’état, le recours serait dès lors non fondé ;

Considérant qu’au titre de l’accès aux professions par elle visées, la loi d’établissement prévoit en son article 1er (1) que nul ne peut à titre principal ou accessoire exercer la profession d’architecte sans autorisation écrite délivrée par le ministre ayant dans ses attributions les autorisations d’établissement, à moins qu’il n’en soit disposé autrement par la loi ;

Que si d’une part l’article 1er de la loi d’établissement vise les architectes sans autre distinction, il résulte d’autre part du commentaire des articles relativement à cet article que «le terme « architecte » couvre à la fois le professionnel qui conçoit la construction d’un immeuble et celui désigné souvent comme architecte d’intérieur, chargé des transformations et aménagements de l’intérieur d’un bâtiment » pour préciser par la suite qu’ « il va de soi que les architectes désignés p.ex. sous le terme d’architecte-paysagiste ou urbaniste, s’occupant du plan d’aménagement du territoire et de l’environnement, tombent sous la même réglementation » (cf. Doc. Parl. 3142, Commentaire des articles, p. 8);

Qu’ainsi l’accès à la profession libérale d’architecte et plus précisément à celle d’architecte d’intérieur indépendant, est régi par les dispositions de la loi d’établissement précitée (trib. adm. 3 février 1999, …, n° 9791 du rôle, précité, Pas. adm. 2002, V° Autorisations d’établissement, n° 53 et ss p. 65) ;

Considérant qu’il est constant en fait que la demanderesse s’est vu délivrer le 3 août 1999 par le ministre des Classes moyennes et du Tourisme l’autorisation d’établissement d’exercer la profession libérale d’architecte d’intérieur, tout en s’étant vue inviter à contacter l’OAI en vue de son inscription audit ordre professionnel ;

Considérant que le tribunal est dès lors amené à vérifier dans le cadre du recours en annulation déféré, si au titre de l’exercice de la profession d’architecte d’intérieur, l’inscription de la demanderesse à l’OAI s’impose au regard notamment des dispositions de la loi du 13 décembre 1989 précitée ;

Considérant que les parties convergent pour admettre qu’aux termes de l’article 7 alinéa 2 de ladite loi du 13 décembre 1989, « sont obligatoirement inscrits en tant que membres de l’ordre, les architectes et les ingénieurs-conseils, personnes physiques ou morales, soumis à un agrément gouvernemental ou dispensés de ce dernier pour les prestations de service conformément à une directive communautaire », ainsi que cette obligation a été confirmée par la jurisprudence en matière administrative (trib. adm.3 juin 1999, Tractebel Engineering Luxembourg S.A., n° 10770 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Autorisations d’établissement, n° 21, p. 55 et autre décision y citée) ;

Considérant que si l’obligation d’inscription des architectes à l’OAI se trouve légalement enracinée, encore faut-il délimiter la définition des architectes visée par ladite loi du 13 décembre 1989 ;

Considérant que l’article 1er de la loi du 13 décembre 1989 en question dispose qu’« est un architecte au sens de la présente loi, celui qui fait profession habituelle de la création et de la composition d’une œuvre de construction, d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, de l’établissement des plans d’une telle œuvre, de la synthèse et de l’analyse des activités diverses participant à la réalisation de l’œuvre » ;

Considérant que de son côté, l’architecte d’intérieur est essentiellement appelé à être chargé des transformations et aménagements de l’intérieur d’un bâtiment (cf. trib. adm. 3 février 1999, …, précité) ;

Considérant que force est dès lors au tribunal de retenir que devant les attributions de l’architecte d’intérieur se confinant à l’aménagement, sinon à la transformation d’espaces à l’intérieur d’un bâtiment construit, sa profession habituelle ne consiste ni dans la création, ni dans la composition d’une œuvre de construction proprement dite, ni encore dans celle d’une œuvre d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, ni dans l’établissement des plans d’une telle œuvre, de la synthèse et de l’analyse des activités diverses participant à la réalisation de l’œuvre, de sorte à ne point répondre à la définition de la profession d’architecte telle que retenue par l’article 1er de la loi du 13 décembre 1989 prérelaté ;

Considérant que le tribunal étant appelé à appliquer la loi et à s’en tenir aux définitions précises, le cas échéant spécifiques, se dégageant des corps respectifs de celle-ci, fussent-elles divergentes d’un corps à l’autre, il s’ensuit que l’architecte d’intérieur ne faisant pas partie des architectes visés par la loi du 13 décembre 1989, c’est en conformité avec sa loi de base que l’OAI a refusé l’inscription de la demanderesse à son ordre suivant la décision déférée ;

Considérant qu’étant donné que la demanderesse a sollicité son inscription sur demande ministérielle, il convient de souligner encore les dispositions de l’article 11 (6) de la Constitution prévoyant que « la loi garantit ….l’exercice de la profession libérale …. sauf les restrictions à établir par le pouvoir législatif » ;

Considérant que l’article 11 (6) de la Constitution réserve au pouvoir législatif le droit d’établir des restrictions à l’exercice de la profession libérale (Cour Constitutionnelle, arrêt 17/03 du 7 mars 2003, Vogel et consorts, Mémorial 2003 A, 41, p. 656) ;

Considérant qu’en l’absence de dispositions légales réglementant l’exercice de la profession libérale d’architecte d’intérieur et a fortiori en l’absence de restrictions légales y relatives, l’invitation ministérielle à la base de la demande de Madame … ayant abouti à la décision déférée apparaît comme étant sans fondement légal, partant à considérer comme non avenue ;

Considérant qu’il découle de l’ensemble des développements qui précèdent qu’à défaut d’inscription légalement prévue des architectes d’intérieur à l’OAI, le recours dirigé contre le refus d’inscription déféré laisse d’être fondé, sans que pareil refus ne puisse, d’un autre côté, être qualifié de détournement de pouvoir en raison de son fondement légal en l’état actuel de la législation ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître le recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mai 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15884
Date de la décision : 21/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-21;15884 ?

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