La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15826

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mai 2003, 15826


Tribunal administratif N° 15826 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 janvier 2003 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Madame …, épouse …, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de mutation

------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15826 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 janvier 2003 par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, in

scrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, profes...

Tribunal administratif N° 15826 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 janvier 2003 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Madame …, épouse …, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de mutation

------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15826 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 janvier 2003 par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, professeur d’éducation artistique, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 12 juillet 2002 refusant sa mutation à partir du Lycée Michel Rodange Luxembourg vers le Lycée du Nord à Wiltz ainsi que contre sa décision du 10 octobre 2002 rejetant son recours gracieux formé le 19 septembre 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 février 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 mars 2003 par Maître Dean SPIELMANN au nom de Madame … ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Dean SPIELMANN et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mai 2003.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Considérant que Madame …, épouse .., a été nommée professeur d’éducation artistique au Lycée Michel Rodange à Luxembourg par arrêté grand-ducal du 27 septembre 1996 ;

Que par courrier du 15 avril 2002 adressé au ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, Madame … a fait état d’un changement intervenu dans sa situation privée en ce sens que son mari, professeur d’allemand, et elle-même avaient décidé de s’installer avec leur fils dans le nord du pays à …, à proximité de Wiltz, région d’où elle déclare être originaire, de sorte à projeter de se faire muter au Lycée du Nord à Wiltz ;

Qu’elle souligne que dans l’intérêt du service il serait préférable qu’auprès de ce lycée soient affectés au moins deux professeurs titulaires en éducation artistique et non pas un seul, accosté de plusieurs chargés de cours bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée, vu les charges adjointes à la tâche normale ne pouvant être assurées que par des professeurs titulaires tels le tutorat ou l’assistance à la commission des programmes ;

Qu’en date du 13 juin 2002 les époux … et … ont eu une entrevue avec le directeur du Lycée du Nord à Wiltz en vue de leur mutation vers cet établissement scolaire, Madame … faisant parvenir sa demande de mutation au ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports le lendemain ;

Que par décision ministérielle du 12 juillet 2002 la demande de mutation de Madame … a été rejetée au motif indiqué « que les besoins du service ne … permettent pas d’y donner une suite favorable » ;

Que sur recours gracieux introduit par le mandataire de Madame …, le 19 septembre 2002, la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports sous la signature du conseiller de direction au service du personnel de l’école a pris position comme suit : « Maître, Je fais suite à votre courrier en date du 19 septembre 2002 par lequel vous me priez de bien vouloir reconsidérer ma décision de refus du 12 juillet 2002 concernant la demande de mutation au Lycée du Nord de Wiltz de Madame …, épouse ….

Vous indiquez notamment à l’appui de votre demande que les cours d’enseignement artistique serait dispensés au Lycée du Nord de Wiltz par des chargés de cours à durée indéterminée dont la formation ne correspond pas à celle de votre mandante et qu’il y aurait dès lors déséquilibre structurel entre le personnel dûment qualifié et les chargés de cours.

Tout d’abord, je tiens à préciser que dans le cadre de la procédure de mutation aucun poste en éducation artistique n’a été déclaré vacant par le Ministère de l’Education nationale au Lycée du Nord de Wiltz pour l’année scolaire 2002/2003.

Ensuite, concernant la prise en charge d’une certaine partie de l’enseignement artistique par des chargés de cours à durée indéterminée, il échet de préciser que les chargés en cause sont en place au même lycée depuis un certain nombre d’années déjà, et plus précisément depuis les années 1976, respectivement 1980 et 1991.

Or, il résulte des dispositions de l’article 7 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat que « le contrat de travail à durée indéterminée devient non résiliable, sauf à titre de mesure disciplinaire, lorsqu’il est en vigueur depuis 10 ans et que l’employé a atteint l’âge de 35 ans au moins » (article 7, parag. 1er).

Le délai de 10 ans visé ci-dessus est calculé conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi précitée, à savoir que « sont mises en compte a) les périodes passées au service de l’Etat en qualité d’employé à l’essai ou sous contrat à durée déterminée à condition que ces périodes se succèdent sans interruption et qu’elles rejoignent sans interruption la période sous contrat à durée indéterminée : l’interruption de cette dernière période ne nuit pas à la prise en compte des périodes antérieures passées au service de l’Etat, lorsqu’il y a reprise de service ultérieure ».

Il résulte de ce qui précède que les contrats des chargés de cours concernés ne sauraient être résiliés qu’en cas de manquement de ces derniers à leur devoir. Tel n’étant cependant pas le cas, je ne saurai mettre fin au travail à ces personnes.

Je ne puis dès lors que confirmer ma décision du 12 juillet 2002.

Veuillez agréer, Maître, l’expression de mes sentiments très distingués. » Considérant que par requête déposée en date du 3 janvier 2003 Madame … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre les deux décisions ministérielles prévisées des 12 juillet et 10 octobre 2002 ;

Considérant qu’aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi ;

Considérant qu’au fond, la demanderesse conclut à l’annulation de la décision déférée pour motivation erronée équivalent à une absence de motivation en ce que le motif invoqué de l’impossibilité alléguée de mettre fin à la relation de travail avec des chargés de cours en poste au Lycée du Nord à Wiltz ne serait pas de nature à justifier légalement le refus lui opposé en ce qu’il concernerait des tiers à la relation statutaire existant entre la demanderesse et l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Que le refus d’accorder la mutation sollicitée constituerait en plus une discrimination positive profitant aux chargés de cours en poste et violant les droits statutaires de la demanderesse, de façon non-compatible avec les dispositions de l’article 10bis de la Constitution suivant lesquelles les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ;

Que les décisions attaquées seraient pour le surplus contraires à l’intérêt du service en ce que certaines charges adjointes, telle la participation à des commissions ou la formation de stagiaires ne sauraient être assurées que par des professeurs titulaires ;

Considérant que le délégué du Gouvernement de faire valoir qu’en l’espèce il résulterait de la décision sur recours gracieux du 10 octobre 2002 que dans le cadre de la procédure de mutation aucun poste d’éducation artistique n’aurait été déclaré vacant par le ministère de l’Education nationale au Lycée du Nord de Wiltz pour l’année scolaire 2002/2003, ce point à lui seul constituant une motivation suffisante pour ne pas faire droit à la demande de mutation de l’intéressée ;

Que le représentant étatique de réitérer l’argumentaire déployé dans le cadre de la décision sur recours gracieux déférée du 10 octobre 2002 précité ;

Que la demanderesse d’insister à travers son mémoire en réplique sur la différence de qualité existent entre le fonctionnaire de l’Etat et l’employé de l’Etat, ainsi que sur la priorité à donner aux professeurs, fonctionnaires de l’Etat, par rapport aux chargés de cours, employés de l’Etat, tout en insistant sur ce qu’elle-même remplirait les conditions légales en vue d’une mutation utile vers le Lycée du Nord à Wiltz ;

Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, désigné ci-après par « le statut général », pris en son paragraphe 2 « le fonctionnaire peut faire l’objet d’un changement d’affectation, avec ou sans changement de résidence. Par changement d’affectation il y a lieu d’entendre l’assignation au fonctionnaire d’un autre emploi correspondant à la fonction dont il est investi au sein de son administration.

Le changement d’affectation peut intervenir d’office dans l’intérêt du service ou à la demande de l’intéressé ; il est opéré par le chef de l’administration dont le fonctionnaire relève » ;

Considérant qu’en vertu de l’article 6.6 du statut général « au sens des dispositions du présent article, les enseignements secondaire, secondaire technique, supérieur et universitaire sont à considérer comme formant une seule administration » ;

Considérant qu’il est constant que des différences de statut et de régime existent comme étant inhérentes aux deux catégories d’enseignants que sont les professeurs titulaires, fonctionnaires de l’Etat, d’une part, et les chargés de cours, employés de l’Etat, fussent-ils liés à leur employeur par relation de travail à durée indéterminée, d’autre part, (cf. trib. adm. 23 décembre 1997, Maillet-Heisbourg, n° 9938 du rôle, confirmé par Cour adm. 14 juillet 1998, n° 10528C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Fonction publique, n° 189, p. 278 et autres décisions y citées) ;

Qu’ainsi même si l’employé de l’Etat est le cas échéant admis après des périodes de service plus ou moins longues au bénéfice de plusieurs des avantages statutaires du fonctionnaire de l’Etat, aucune assimilation parfaite n’est opérée entre lui et le fonctionnaire de l’Etat ;

Que le régime de l’employé de l’Etat doit au contraire être analysé de manière à reconnaître les points d’assimilation comme des dispositions spéciales limitées aux seules mesures formellement énoncées dans la loi ( Cour adm. 14 juillet 1998, précité) ;

Considérant qu’au bénéfice des réglementations successivement applicables, les chargés de cours ont été engagés dans l’hypothèse vérifiée du cas de besoin, de sorte que, même s’ils ont vu leur engagement devenir à durée indéterminée en application des dispositions d’ordre public de la loi modifiée du 24 mai 1989 concernant le contrat de travail, il n’en reste pas moins que pareils chargés de cours, tels les trois employés de l’Etat mentionnés dans la seconde décision déférée, jouissant d’une relation de travail à durée indéterminée de plus de dix ans, ne sont pas pour autant devenus titulaires d’une fonction de professeur, ni d’un poste afférent ;

Que devant le constat que le besoin en chargés de cours pour un poste d’enseignement artistique a cessé au niveau du Lycée du Nord à Wiltz, du fait de la candidature de la demanderesse, professeur d’enseignement artistique, fonctionnaire de l’Etat, le motif tiré de l’absence de vacance de poste laisse dès lors d’être fondé, encore que parallèlement, compte tenu de la relation de travail à durée indéterminée d’employé de l’Etat perdurant depuis plus de dix ans, le chargé de cours ayant assumé jusque lors la tâche d’enseignement afférente, ne voit cependant pas sa relation de travail avec l’Etat résiliée du fait de la cessation du besoin précis dont question, de même que ce dernier volet, découlant d’une situation juridique différente cristallisée à un niveau autre, ne soit pas de nature à tenir en échec la demande de changement d’affectation de la fonctionnaire de l’Etat à la base des décisions ministérielles déférées ;

Considérant qu’il s’ensuit que les décisions déférées de refus reposant sur la prémisse d’une absence de vacance de poste pour la fonction d’un professeur de l’enseignement artistique au Lycée du Nord à Wiltz en présence de plusieurs emplois occupés par des chargés de cours, employés de l’Etat, sont en cela dépourvues de motivation légale ;

Qu’à défaut d’autres motifs légaux invoqués, sinon résultant de l’état actuel du dossier, de nature à justifier les décisions de refus ministérielles déférées, ces dernières encourent l’annulation pour absence de motifs légaux la soutenant ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

dit le recours en annulation recevable ;

au fond le dit justifié ;

partant annule les décisions ministérielles déférées et renvoie le dossier devant la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mai 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15826
Date de la décision : 21/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-21;15826 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award