La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15727

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mai 2003, 15727


Tribunal administratif N° 15727 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2002 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15727 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2002 par Maître Estelle PLANCON, avocat à la Cour, assistée de Maître Xavier BETTEL, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur

…, de nationalité cap-verdienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformati...

Tribunal administratif N° 15727 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2002 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15727 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2002 par Maître Estelle PLANCON, avocat à la Cour, assistée de Maître Xavier BETTEL, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité cap-verdienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 18 juillet 2002, lui notifiée le 20 septembre 2002, par laquelle l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg lui a été refusé ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2003 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Estelle PLANCON déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mars 2003 au nom de Monsieur … ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Xavier BETTEL et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mai 2003.

Monsieur … s’installa au courant de l’année 1996 au Luxembourg et bénéficia d’une carte d’identité d’étranger en tant que ressortissant communautaire grâce à un passeport portugais qui se révéla falsifié. Le 11 juillet 2002, il fit l’objet d’un procès-

verbal pour usage de documents d’identité portugais falsifiés.

En essayant de régulariser sa situation, Monsieur … adressa, le 28 novembre 2001, une demande de permis de séjour au ministère de la Justice. Cette demande fut rencontrée par une décision négative du ministre de la Justice libellée de la façon suivante :

« Art.1er. L’entrée et le séjour sont refusés à Monsieur … …, né le …, de nationalité capverdienne, demeurant à L- ….

L’intéressé devra quitter le pays dès notification du présent arrêté.

Motif :

- usage d’un passeport falsifié ;

- constitue par son comportement personnel un danger pour l’ordre public ;

- défaut de moyens d’existence personnels (…) ».

Le 13 décembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 13 décembre 2002.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire l’ayant été dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Monsieur … fait valoir qu’il est arrivé au Luxembourg en 1996, que depuis lors il a toujours travaillé, qu’il est marié depuis 1997 avec Madame …, également de nationalité capverdienne, et qu’il est père de trois petits enfants étant âgés respectivement de 1, 3 et 4 ans. Il ajoute que sa femme travaille au Luxembourg en conformité avec la législation luxembourgeoise et il estime qu’on ne peut pas le séparer de ses enfants et de son épouse. En ce qui concerne les motifs invoqués par le ministre de la Justice, il souligne, quant à l’usage d’un passeport falsifié, que cette affaire n’aurait pas encore été jugée par les autorités luxembourgeoises et que dans le cas d’une expulsion il ne lui serait plus loisible de se présenter aux autorités. D’ailleurs en le condamnant pour des faits qui ne seraient pas encore renvoyés par la chambre du conseil, le ministre de la Justice violerait le principe de la présomption d’innocence. Monsieur … conteste en outre qu’il constituerait un danger pour l’ordre public et qu’il appartiendrait aux tribunaux répressifs de juger si son comportement était à considérer le cas échéant comme un danger pour l’ordre public. Quant au motif invoqué du défaut de moyens d’existence personnels, il expose que lui-même et son épouse disposeraient de moyens d’existence suffisants, qu’ils seraient locataires d’une maison d’habitation et qu’ils auraient toujours payé le loyer. Il étaye ses dires par le versement du contrat de travail de sa femme, d’un extrait de compte épargne du 13 août 2002 au 11 septembre 2002 renseignant un solde positif d’un montant de 14.506 € et d’un extrait de compte courant libellé à son nom renseignant du 12 septembre 2002 un solde créditeur de 2.374,23 €.

En ce qui concerne le motif soulevé ayant trait au risque de trouble à l’ordre public, le délégué du Gouvernement fait valoir à son tour que Monsieur … a fait l’objet d’un procès-verbal en date du 11 juillet 2001 pour usage de documents d’identité portugais falsifiés et que ce serait seulement grâce à ces documents falsifiés qu’il a pu s’installer au Luxembourg. Il ajoute que l’épouse de Monsieur … a reçu une carte de séjour valable jusqu’en juin 2006 parce que les autorités luxembourgeoises estimaient, à tort, qu’elle était le conjoint d’un ressortissant communautaire. Cependant il serait actuellement envisagé de retirer la carte d’identité d’étranger à son épouse, alors qu’elle aurait été délivrée sur base de fausses déclarations du mari.

En ce qui concerne l’absence de moyens d’existence personnels suffisants, il expose que par arrêté du 28 décembre 2001, le permis de travail a été refusé à Monsieur …, de sorte qu’il ne serait dès lors plus autorisé à travailler au Luxembourg et qu’il devrait être considéré comme étant démuni de moyens d’existence personnels légalement acquis.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger :

- …, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la sécurité publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Moyens personnels suffisants Même s’il est établi en cause que Monsieur … ne bénéficie plus d’un permis de travail depuis le 28 décembre 2001, l’absence d’un permis de travail valable n’est pas à lui seul suffisant pour conclure d’office, en présence d’autres moyens invoqués, à l’absence de moyens d’existence personnels.

Monsieur … se réfère encore aux revenus de son épouse et à son épargne.

En effet Monsieur … est marié avec Madame …. Son épouse bénéficie d’un permis de travail valable jusqu’au 8 octobre 2003 auprès de la firme …SA, où elle travaille à plein temps et gagne environ 1000 € nets par mois. Comme il appartient aussi bien à l’épouse qu’à l’époux d’assurer la direction matérielle de la famille et de contribuer aux charges du mariage, c’est à bon droit que le demandeur peut prendre appui sur le revenu de son épouse pour prouver ses propres moyens personnels suffisants.

L’argument avancé par le délégué du gouvernement, que les autorités envisageraient de retirer la carte d’identité d’étranger à Madame … est à rejeter, étant donné qu’au moment où le tribunal statue Madame … est en possession d’une autorisation de séjour et d’un permis de travail valables.

En l’espèce, le revenu de Madame …, l’épargne et les allocations familiales dont bénéficient les trois enfants de la famille établissent que Monsieur … dispose de moyens d’existence personnels suffisants.

Il s’ensuit que le motif invoqué de l’absence de moyens d’existence suffisants ne peut fonder en l’espèce la décision de refus.

Danger pour l’ordre public S’il est certes vrai que Monsieur … a fait usage de faux papiers portugais afin de pouvoir s’installer au Luxembourg, il n’en reste pas moins que cet événement, datant de 1996, n’est pas à lui seul suffisant, en l’absence d’autres éléments, et eu égard, notamment, à la longue période qui s’est écoulée entre la date de l’usage du passeport falsifié et celle de la décision d’expulsion, pour retenir que le demandeur constitue par son comportement personnel un danger pour l’ordre public.

En effet, ce seul fait, par ailleurs non poursuivi par les autorités compétentes bien que pénalement répréhensible, n’est pas de nature à dénoter dans son chef une menace actuelle suffisamment grave pour l’ordre public, étant donné que le dossier tel que soumis au tribunal ne comporte aucun élément de permettant au tribunal de retenir dans son chef un état d’esprit tendant au maintien d’un comportement délictueux à l’avenir.

Vu que les motifs énoncés à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 constituent des motifs de refus facultatifs, il y a lieu de tenir compte, en l’espèce, de la situation concrète dans laquelle se trouve Monsieur …. Celui-ci vit avec son épouse depuis presque 8 ans au Luxembourg, toujours à la même adresse, il est père de trois petits enfants, âgés respectivement de 1, 3 et 4 ans et lui-même et sa famille se sont intégrés dans la vie sociale au Luxembourg. Il s’ensuit qu’une décision de refus est susceptible de porter une atteine excessive au droit de Monsieur … à mener une vie familiale normale.

De tout ce qui précède, il résulte que les moyens invoqués par le ministre de la justice ne sont pas, en l’espèce, de nature à justifier légalement la décision de refus d’une autorisation de séjour, de sorte que la décision est à annuler.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision ministérielle déférée du 18 juillet 2002 ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mai 2003 par :

M. Ravarani, président M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15727
Date de la décision : 21/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-21;15727 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award