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21/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15719

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mai 2003, 15719


Tribunal administratif N° 15719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2002 Audience publique du 21 mai 2003

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Recours formé par les époux … et … et consort, Luxembourg contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15719 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif

le 12 décembre 2002 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo...

Tribunal administratif N° 15719 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2002 Audience publique du 21 mai 2003

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Recours formé par les époux … et … et consort, Luxembourg contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15719 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2002 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux …, né le … et …, née le …, agissant en leur nom personnel ainsi qu’en nom et pour compte de leur fils … …, né le …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi le 29 mai 2002, portant refus d’une autorisation de séjour dans leur chef ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 février 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2003 par Maître Edmond DAUPHIN au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Mourad SEBKI, en remplacement de Maître Edmond DAUPHIN, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mai 2003.

En date du 25 juin 2001, les époux … et …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom de leur fils … …, introduisirent une demande de régularisation dans le cadre de la campagne dite de « régularisation » des étrangers en situation irrégulière sur le territoire s’étant étendue du 15 mai au 13 juillet 2001. Ils se sont vus adresser par courrier datant du 29 mai 2002, leur notifié le 9 juillet 2002, une décision signée par le ministre de la Justice d’une part et le ministre du Travail et de l’Emploi d’autre part par laquelle l’autorisation de séjour leur a été refusée au motif que « selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée. Par ailleurs, le dossier tel qu’il a été soumis au service commun ne permet pas au Gouvernement de vous accorder la faveur d’une autorisation de séjour.» Par la même décision, ils furent invités à quitter le Luxembourg dans un délai d’un mois.

Le recours gracieux introduit par les consorts … par courrier de leur mandataire datant du 9 octobre 2002 s’étant soldé par une décision confirmative émanant des deux ministres signataires de la décision initiale prise en date du 7 novembre 2002, les consorts … ont fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision prévisée du 25 mai 2002 par requête déposée le 12 décembre 2002.

Dans la mesure où ni la loi prévisée du 28 mars 1972, ni aucune autre disposition légale, n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, les demandeurs font préciser qu’ils ont sollicité la régularisation suivant la catégorie D énoncée dans la brochure dite de régularisation aux termes de laquelle peuvent prétendre à la régularisation des personnes résidant au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins, et étant atteintes d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne leur permettant pas de retourner, endéans un an, dans leur pays d’origine ou dans un autre pays dans lequel ils sont autorisés à séjourner. Ils reprochent au ministre d’avoir omis de prendre en considération les raisons humanitaires par eux énoncées et tenant au fait que leur enfant … souffre de graves traumatismes depuis sa naissance ayant entraîné un retard physique et mental, de manière à avoir fait l’objet, au Luxembourg, de soins médicaux suivis et d’avoir bénéficié de l’aide du service rééducatif ambulatoire. Ils estiment que dans la mesure où l’assistance médicale et psychologique dont a pu bénéficier leur enfant a grandement amélioré son état, un refoulement dans leur pays mettrait à néant l’effet bénéfique de tous ces soins qui lui ont été prodigués.

Le délégué du Gouvernement rétorque que suivant la conclusion du médecin de contrôle du 9 juillet 2001, les problèmes allégués de l’enfant …, dus à un retard en psychomotricité et en orthophonie et liés à une naissance prématurée au septième mois ne serait pas d’une gravité telle que le retour au pays d’origine serait impossible, de sorte que la condition requise pour la régularisation au sens de la catégorie D ne serait pas remplie en l’espèce et que la décision déférée serait partant justifiée.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs font valoir que le délégué du Gouvernement minimiserait la gravité des troubles dont leur enfant serait affecté et que le rapport du médecin de contrôle invoqué à l’appui de la décision litigieuse ne leur aurait été ni communiqué ni débattu contradictoirement. Ils font état de leur côté d’un certificat médical établi par le docteur … en date du 18 mars 2003 lequel attesterait de la gravité de l’affection dans l’enfant … est atteint.

Il se dégage des pièces versées au dossier tel que complété en cours d’instance que lors de l’instruction de la demande de régularisation des demandeurs, un avis médical fut établi en date du 9 juillet 2001, dans le cadre de leur « demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons médicales », lequel, sans pour autant renseigner le nom du médecin de contrôle en question, contient la conclusion suivante : « Il ne s’agit pas d’une affection d’une gravité telle que le retour au pays d’origine soit impossible ».

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, invoqué à l’appui de la décision litigieuse, se limite à énoncer des motifs de refus facultatifs, de manière à opérer uniquement une restriction au niveau des possibilités accordées au ministre de la Justice pour refuser une autorisation de séjour, sans pour autant se prononcer sur l’étendue du pouvoir du ministre de la Justice en matière d’octroi d’une autorisation de séjour. En l’espèce, le ministre de la Justice, en ce qu’il a participé à l’élaboration de certaines lignes de conduite destinées à préciser le contenu du cadre légal tracé en matière d’octroi d’une autorisation de séjour pendant une durée déterminée à l’avance à travers les critères publiquement énoncés dans la brochure dite de régularisation, n’a certes pas motivé à suffisance de droit et de fait la décision litigieuse par la seule référence à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, faute de préciser les raisons l’ayant amené à ne pas appliquer dans le chef des demandeurs les critères de régularisation publiquement annoncés (cf. Cour adm. 12.11.2002, n° 15102C du rôle, et 25.3.2003, n° 15902C du rôle, non encore publiés). Il n’en reste cependant pas moins que la motivation formellement indiquée à la base de la décision litigieuse a été utilement complétée en cours d’instance contentieuse par le délégué du Gouvernement et qu’il s’est avéré, au vu des pièces versées au dossier administratif, que la demande ayant abouti à la décision litigieuse a été examinée sur base des conditions de régularisation publiées dans la brochure « régularisation » éditée par les ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice, ainsi que de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse au regard plus particulièrement de l’infirmité de l’enfant ….

Dans le cadre du recours en annulation lui soumis, le tribunal apprécie d’abord si les faits sur lesquels s’appuie la décision litigieuse sont établis à l’exclusion de toute doute.

En l’espèce, il est constant à partir des explications fournies en cause par les demandeurs, telles que documentées par différents certificats médicaux versés au dossier, que l’enfant …, né prématurément au septième mois, montre une santé fragile et a fait l’objet d’un suivi médical régulier, qu’il présente un retard d’évolution globale et nécessite une aide spécifique, notamment en orthophonie et en psychomotricité et qu’il bénéficie d’une assistance en classe assurée par un ergothérapeute à raison de 3 heures par semaine.

Dans la mesure où les demandeurs ont ainsi établi que l’enfant … présente des problèmes de santé qui ont été abordés au Luxembourg de manière concertée à travers notamment l’élaboration d’un programme d’éducation différenciée dont l’objectif ne peut raisonnablement pas être atteint à travers des interventions ponctuelles et isolées dans le court terme, force est de constater que la conclusion du médecin de service invoquée par le délégué du Gouvernement à l’appui de la décision litigieuse, eu égard notamment à son caractère succinct et non circonstancié datant de plus de deux ans, est insuffisante pour énerver les indices concordants fournis en cause par les demandeurs tendant à établir une impossibilité de renvoyer l’enfant … dans son pays d’origine sous peine de compromettre sérieusement son état de santé par la mise à néant des efforts d’ores et déjà déployés en vue d’améliorer la situation du garçon concerné.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la décision ministérielle déférée encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule la décision ministérielle déférée du 13 mars 2002 et renvoie le dossier aux ministres concernés ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mai 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15719
Date de la décision : 21/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-21;15719 ?

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