La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15656

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mai 2003, 15656


Tribunal administratif N°15656 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 novembre 2002 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Madame …, ..

contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de reconnaissance des diplômes

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous ne numéro 15656 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2002 par Maître Anne LAMBE, avocat à la Cour, inscrit au tableau auprès de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame

…, née le…, demeurant à B-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une déci...

Tribunal administratif N°15656 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 novembre 2002 Audience publique du 21 mai 2003 Recours formé par Madame …, ..

contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de reconnaissance des diplômes

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous ne numéro 15656 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2002 par Maître Anne LAMBE, avocat à la Cour, inscrit au tableau auprès de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le…, demeurant à B-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 7 mars 2002, par laquelle la reconnaissance de son certificat de qualification belge de sixième année de l’enseignement secondaire, enseignement professionnel, subdivision « auxiliaire familiale et sanitaire », a été refusée dans le cadre de la loi modifiée du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 février 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2003 au nom de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Georges WEILAND, en remplacement de Maître Anne LAMBE, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 avril 2003.

Le 20 juin 1984, l’Institut Notre-Dame à Arlon délivra à Madame … le certificat de qualification de sixième année de l’enseignement secondaire professionnel, subdivision « auxiliaire familiale et sanitaire ».

Au début de l’année 2002, Madame … soumit une demande en reconnaissance de son certificat de qualification belge au service de l’homologation des diplômes auprès du ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports.

Par décision du 7 mars 2002, la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, désignée ci-après par « la ministre », fit suite à cette demande en arrêtant que ledit certificat n’est pas reconnu dans le cadre de la législation du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé. Elle se référa à un avis de la commission appelée à donner des avis au sujet de la reconnaissance de diplômes relatifs à certaines professions de santé obtenus à l’étranger, émis également le 7 mars 2002.

La ministre motiva sa décision de la façon suivante : « les études mentionnées ne correspondent pas au contenu du programme théorique, technique et pratique d’une des professions de santé visées par la loi du 26 mars 1992 précitée quant à leur spécificité ».

Par un courrier de son avocat du 10 juin 2002, Madame … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle de refus du 7 mars 2002. Celui-ci n’ayant pas fait l’objet d’une décision de la ministre dans les trois mois qui s’ensuivirent, Madame … a fait déposer un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle du 7 mars 2002, par requête du 26 novembre 2002.

Quant à la recevabilité Le règlement grand-ducal du 2 juin 1994 portant transposition de la directive 92/51/CEE du Conseil relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE, ci-après appelée « la directive 92/51», prévoit dans son article 3 un recours de pleine juridiction à l’encontre des décisions de l’autorité compétente des demandes en reconnaissance des titres de formation professionnelles visées par la directive 92/51.

Il s’ensuit que la compétence du tribunal pour connaître du recours principal en réformation est conditionnée en l’espèce par la question de savoir si la demande en reconnaissance à la base de l’arrêté ministériel déféré tombe sous le champ d’application de la directive prévisée.

L’article 2 de la directive 92/51 définit le champ d’application personnel de la façon suivante : « La présente directive s'applique à tout ressortissant d'un État membre voulant exercer à titre indépendant ou salarié une profession réglementée dans un État membre d'accueil. » Etant constant en cause que Madame … est de nationalité belge, elle satisfait à la condition d’application du champ d’application personnel.

Quant à son champ d’application matériel, le mécanisme de reconnaissance des titres de formation est déclenché et délimité à partir du caractère réglementé d’une profession, au sens de ladite directive, dans l’Etat membre d’accueil, c’est-à-dire en l’espèce le Grand-Duché de Luxembourg.

Il y a partant lieu d’examiner si la profession d’aide-soignant en vue de l’exercice de laquelle la demanderesse a sollicité la reconnaissance de son titre belge afférent, constitue au Grand-Duché de Luxembourg une profession réglementée au sens de la directive.

Pour faire cette analyse dans le temps, il y a lieu de se placer au jour où la décision attaquée a été prise, à savoir le 7 mars 2002. Pour apprécier la notion de profession réglementée, le droit communautaire est à appliquer, parce que la définition de la profession réglementée au sens de la directive 92/51 relève du droit communautaire.

Il résulte de l’article 1er sous e) de la directive 92/51 qu’une «profession réglementée» est « l'activité ou l'ensemble des activités professionnelles réglementées qui constituent cette profession dans un État membre » et du même article sous f) qu’une «activité professionnelle réglementée» est « une activité professionnelle dont l'accès ou l'exercice, ou l'une des modalités d'exercice dans un État membre, est subordonné, directement ou indirectement par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession d'un titre de formation ou d'une attestation de compétence. Constituent notamment des modalités d'exercice d'une activité professionnelle réglementée:

-

l'exercice d'une activité sous un titre professionnel, dans la mesure où le port de ce titre est autorisé aux seuls possesseurs d'un titre de formation ou d'une attestation de compétence déterminé par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, -

L’exercice d'une activité professionnelle dans le domaine de la santé, dans la mesure où la rémunération et/ou le remboursement de cette activité est subordonné par le régime national de sécurité sociale à la possession d'un titre de formation ou d'une attestation de compétence. » Il y a donc lieu d’examiner de quelle façon la profession d’aide-soignant est réglementée au Luxembourg.

Réglementation de la profession d’aide-soignant au Luxembourg au 7 mars 2002 L’article 1er de la loi modifiée du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé inclut la profession d’aide-soignant dans le champ d’application des professions de santé.

Le règlement grand-ducal du 23 juillet 1999 organise la formation de l’aide-soignant.

Les dispositions pertinentes sont les suivantes:

« Art. 1er. Il est créé au régime professionnel de l’enseignement secondaire technique, division de l’apprentissage des professions de santé et des professions sociales, une section de la formation de l’aide-soignant. La profession de l’aide-soignant est portée sur la liste des professions qui s’apprennent suivant la filière de pleine exercice d’une durée normale de trois ans.

« Art. 2. Sont admissibles à la formation de l’aide-soignant les élèves qui ont réussi la classe de 9ième, voie théorique ou voie polyvalente … ».

« Art. 6. La formation théorique et pratique comprend les éléments suivants :

-

branche de formation générale identique à celle des autres formations du régime professionnel ;

-

branche de formation théorique professionnelle ;

-

branche de formation pratique : enseignement pratique en laboratoire et en situation professionnelle.

La grille des horaires sera fixée par le ministre de l’Education nationale et de la formation professionnelle ».

« Art. 8. Le présent règlement grand-ducal, étendant la durée de la formation de l’aide-soignant à trois ans, entre en vigueur à l’entrée scolaire 1999/2000. Cependant, à titre exceptionnel, pour une période transitoire de deux ans (1999/2000 et 2000/2001), une formation d’aide-soignant sera organisée pour adultes conformément à l’instruction ministérielle du 6 novembre 1978 réglementant les études et les attributions de la profession d’aide-soignant modifié le 1er juin 1981 et le 5 octobre 1987 ».

En mars 2002, l’instruction ministérielle modifiée du 6 novembre 1978 réglementant les études et les attributions de la profession d’aide-soignant était toujours applicable.

L’article 2 de la loi modifiée du 26 mars 1992 précitée dispose :

« …, l’exercice d’une de ces professions (c’est-à-dire les professions de santé) est subordonné à une autorisation du ministre qui est délivrée aux conditions suivantes :

a) le candidat doit être titulaire d’un diplôme luxembourgeois relatif à la profession concernée, soit d’un diplôme étranger reconnu par le ministre de l’Education nationale ».

Il s’ensuit qu’en date du 7 mars 2002 l’accès et l’exercice de la profession d’aide-

soignant étaient directement régis par des dispositions de nature juridique, à savoir des dispositions législatives, réglementaires et administratives qui ont pour effet de réserver expressément l’exercice de la profession d’aide-soignant aux personnes qui remplissent certaines conditions, notamment celles ayant trait à la formation spécifique y relative, et d’en interdire l’accès à celles qui ne les remplissent pas, étant entendu que tant l’exercice non autorisé d’une profession de santé que le port du titre professionnel sans y être autorisé, sont passibles des sanctions pénales prévues à l’article 16 de la loi du 26 mars 1992 sur les professions de santé.

Il y a donc lieu de conclure qu’au Luxembourg la profession d’aide-soignant est une profession réglementée au sens du droit communautaire, de sorte que la directive 92/51 est applicable.

Madame … a donc pu valablement introduire un recours en réformation contre la décision soumise au tribunal en application de l’article 3 du règlement grand-ducal du 2 juin 1994 cité ci-avant.

Le recours en réformation ayant pour le surplus été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable. Le recours en annulation est par conséquent irrecevable.

Quant au fond Violation de la directive 92/51 Madame … invoque essentiellement la violation de la directive 92/51, plus particulièrement prise en son chapitre IV intitulé « Système de reconnaissance lorsque l’Etat membre d’accueil exige la possession d’un diplôme et que le demandeur possède un certificat ou un titre de formation correspondant », comportant un seul article, à savoir l’article 5.

Tout d’abord il y a lieu d’analyser si le chapitre IV de la directive 92/51 est applicable.

Selon la demanderesse, la condition de la possession d’un diplôme serait remplie, étant donné que l’autorisation d’exercer est subordonnée à la possession d’un diplôme luxembourgeois relatif à la profession concernée.

Pour apprécier la notion de « diplôme », il y a lieu d’appliquer de nouveau le droit communautaire et plus précisément l’article 1er, point a) de la directive 92/51, lequel définit le «diplôme» de la façon suivante :

« tout titre de formation ou tout ensemble de tels titres:

- qui a été délivré par une autorité compétente dans un État membre, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives dudit État, - dont il résulte que le titulaire a suivi avec succès :

i) soit un cycle d'études postsecondaires, autre que celui visé au deuxième tiret de l'article 1er point a) de la directive 89/48/CEE, d'une durée d'au moins un an ou d'une durée équivalente à temps partiel, dont l'une des conditions d'accès est, en règle générale, l'accomplissement du cycle d'études secondaires exigé pour accéder à l'enseignement universitaire ou supérieur, ainsi que la formation professionnelle éventuellement requise en plus de ce cycle d'études postsecondaires ;

ii) soit l'un des cycles de formation figurant à l'annexe C et - dont il résulte que le titulaire possède les qualifications professionnelles requises pour accéder à une profession réglementée dans l'État membre en question ou pour l'exercer, dès lors que la formation sanctionnée par ce titre a été acquise dans une mesure prépondérante dans la Communauté… ».

En effet, pour apprécier la notion de « diplôme », il ne suffit pas de se référer à la seule législation luxembourgeoise, mais il convient d’analyser si le titre tel qu’il est défini par la législation luxembourgeoise correspond à la définition communautaire de « diplôme ».

Au Luxembourg, la formation d’aide-soignant est dispensée dans le cadre d’une section spécifique du régime professionnel de l’enseignement secondaire technique. Il est dès lors constant que le titre luxembourgeois d’aide-soignant, formation de niveau secondaire, n’est pas un titre sanctionnant un cycle court d’études postsecondaires. Ce titre ne figurant pas par ailleurs dans l’annexe C de la directive 92/51 et ne pouvant pas non plus être assimilé à un diplôme en vertu de l’article 1er a), dernier alinéa de la directive 92/51, le titre luxembourgeois d’aide-soignant n’est pas à considérer comme un diplôme au sens de la directive 92/51.

Il s’ensuit que l’article 5 du chapitre IV de la directive 92/51 n’est pas applicable en l’espèce, de sorte que le moyen ayant trait à la violation des dispositions précitées est à rejeter.

Il appartient encore au tribunal de vérifier si le titre luxembourgeois d’aide-soignant ne tombe pas sous une autre définition.

L’article 1er point b) définit le « certificat » de la façon suivante :

« tout titre de formation ou tout ensemble de tels titres:

- qui a été délivré par une autorité compétente dans un État membre, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet État, - dont il résulte que le titulaire, après avoir suivi un cycle d'études secondaires, a accompli:

soit un cycle d'études ou de formation professionnelle autre que ceux visés au point a), dispensé dans un établissement d'enseignement ou dans une entreprise, ou, en alternance, dans un établissement d'enseignement et en entreprise, et complété, le cas échéant, par le stage ou la pratique professionnelle requis en plus de ce cycle, soit le stage ou la période de pratique professionnelle requis en plus de ce cycle d'études secondaires (…) et - dont il résulte que le titulaire possède les qualifications professionnelles requises pour accéder à une profession réglementée dans l'État membre en question ou pour l'exercer, dès lors que la formation sanctionnée par ce titre a été acquise dans une mesure prépondérante dans la Communauté, » Pour accéder à la formation d’aide-soignant, le candidat doit en principe avoir réussi la classe de la neuvième de l’enseignement secondaire technique. L’enseignement secondaire technique est divisé en trois cycles, en l’occurrence les cycles inférieur, moyen et supérieur, la classe de la neuvième constituant la dernière classe du cycle inférieur, de sorte que la condition d’avoir suivi un cycle d’études secondaires est remplie en espèce.

Après la classe de la neuvième, la formation de l’aide-soignant est acquise suivant la filière de plein exercice d’une durée normale de trois ans. Elle comprend une formation générale identique à celle des autres formations du régime professionnel, une formation professionnelle et une formation pratique en laboratoire et en situation professionnelle, de sorte à répondre également aux conditions supplémentaires énoncées sous l’article 1er point b), 2ième tiret, 2ième alinéa 5 de la directive 92/51 prérelaté.

Enfin le titre luxembourgeois d’aide-soignant atteste que le titulaire possède les qualifications professionnelles requises pour accéder à la profession concernée.

De tout ce qui précède, il y a lieu de ranger le titre luxembourgeois d’aide-soignant dans la catégorie du « certificat » au sens de la directive 92/51.

Il s’ensuit que le chapitre V intitulé « Système de reconnaissance lorsque l’Etat membre d’accueil exige la possession d’un certificat » de la directive 92/51 est applicable.

L’article 6 de la directive 92/51, relevant du chapitre V, est libellé comme suit :

« Lorsque, dans l'État membre d'accueil, l'accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d'un certificat, l'autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d'un État membre, pour défaut de qualification, d'accéder à cette profession ou de l'exercer dans les mêmes conditions que les nationaux:

a) si le demandeur possède le diplôme, tel que défini dans la présente directive ou tel que défini dans la directive 89/48/CEE, ou le certificat qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l'y exercer, et qui a été obtenu dans un État membre ou b) si le demandeur a exercé à temps plein cette profession pendant deux ans, ou pendant une période équivalente à temps partiel, au cours des dix années précédentes dans un autre État membre qui ne réglemente pas cette profession au sens de l'article 1er point e) et de l'article 1er point f) premier alinéa, en ayant un ou plusieurs titres de formation:

— qui ont été délivrés par une autorité compétente dans un État membre désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives dudit État, — (…) ou — dont il résulte que le titulaire, après avoir suivi un cycle d'études secondaires, a accompli:

soit, un cycle d'études ou de formation professionnelle autre que ceux visés au point a), dispensé dans un établissement d'enseignement ou dans une entreprise, ou, en alternance, dans un établissement d'enseignement et dans une entreprise, et complété, le cas échéant, par le stage ou la pratique professionnelle intégré à ce cycle de formation, soit le stage ou la période de pratique professionnelle intégré à ce cycle d'études secondaires ou — dont il résulte que le titulaire, après avoir suivi un cycle d'études secondaires de nature technique ou professionnelle, a accompli, le cas échéant:

soit un cycle d'études ou de formation professionnelle, tel que visé au troisième tiret, soit le stage ou la période de pratique professionnelle intégré à ce cycle d'études secondaires de nature technique ou professionnelle et — qui l'ont préparé à l'exercice de cette profession. (…) » L’article 6 distingue deux hypothèses, à savoir :

- celui où l’Etat membre d’origine réglemente également la profession concernée (point a) ;

- celui où l’Etat membre d’origine ne réglemente pas la profession concernée (point b).

Le point a) vise la « même » profession. En l’espèce, Madame … exerce en Belgique la profession d’auxiliaire familiale et sanitaire et veut exercer au Luxembourg la profession d’aide-soignant. Il ne s’agit pas de la même profession. En plus, à défaut d’éléments soumis au tribunal permettant de conclure le contraire, il y a lieu de retenir que la profession d’auxiliaire familiale et sanitaire n’est pas une profession réglementée en Belgique.

Il s’ensuit que le point a) n’est pas applicable, mais bien le point b), lequel vise l’hypothèse où la profession n’est pas réglementée dans l’Etat membre d’origine. Dans ce cas, une exigence supplémentaire peut être requise du demandeur avant de pouvoir prétendre à la reconnaissance de ses preuves de qualification. Il s’agit de la preuve d’un exercice à plein temps de la profession dans un Etat membre, ceci pour une durée d’au moins deux ans. Cette preuve constitue une condition préalable à la reconnaissance du titre.

« En d’autres termes, alors que le bénéfice de la reconnaissance peut intervenir immédiatement après l’acquisition des preuves de qualification pour ceux qui les ont obtenues dans un Etat membre qui réglemente également la profession concernée, ce bénéfice se trouve différé pour ceux qui détiennent des preuves semblables délivrées dans un Etat membre qui ne réglemente pas la dite profession » (JCL 2002 Europe, Vol. 3 sous Professions médicales et paramédicales, libre circulation, reconnaissance des diplômes, fasc.740, pt. 219 p.24).

En effet, le bénéfice de la reconnaissance est soumis à la preuve de l’expérience professionnelle dans cette profession et la charge de la preuve appartient au demandeur, de sorte qu’il appartient en l’espèce à Madame … d’apporter la preuve qu’elle a travaillé pendant deux ans dans une profession semblable en Belgique.

Il s’agit en l’espèce de vérifier si Madame … rapporte cette preuve.

Tandis que Madame … estime avoir rapporté cette preuve, le délégué du Gouvernement soutient que l’expérience professionnelle dont elle fait état ne pourrait en aucun cas valoir comme preuve suffisante de l’expérience professionnelle dans la profession d’aide-soignante.

La seule pièce figurant au dossier est une attestation du directeur général de l’association intercommunale d’œuvres médico-sociales des arrondissements d’Arlon et de Virton établie le 11 février 2002, qui certifie que Madame … travaille depuis le 5 janvier 1988 à mi-temps en qualité d’aide sanitaire à la clinique Edmond Jacques à Saint-Mard.

Etant donné que le tribunal ne dispose pas d’autres éléments, à part les simples affirmations de la part de Madame …, non autrement circonstanciées, voire offertes en preuve que son travail en Belgique correspond à celui de l’aide-soignant au Luxembourg, il y a lieu de retenir que ce seul certificat, en l’absence d’autres pièces permettant au tribunal d’entrevoir une similitude plus avancée entre son travail d’aide sanitaire exercé en Belgique et celui de l’aide-soignante au Luxembourg, ne saurait valoir comme preuve de son expérience professionnelle dans cette profession.

Il s’ensuit que les questions d’un examen plus avancé de la comparabilité des formations assurées au Luxembourg et en Belgique conditionnant plus en avant celle d’un recours éventuel à des mesures correctives en cas de constatation de différences pertinentes en ce qui concerne la durée de la formation, les contenus respectifs des formations dispensées ou le champ d’activité de la profession ne se posent plus, parce que de toute façon Madame … ne peut, à ce stade de la procédure, bénéficier de la reconnaissance de son titre en vertu de l’article 6 de la directive 92/51, étant donné qu’elle n’a pas rapporté la preuve de son expérience professionnelle et n’a ainsi pas rempli la condition préalable ci-avant dégagée, posée à ladite reconnaissance.

Violation du traité CE Madame … invoque encore une violation des articles 10, 39, 43 et 49 du traité CE, sans aucunement préciser en quoi consisterait plus exactement la violation alléguée des articles en question, de sorte qu’à défaut de précisions supplémentaires y relatives, le tribunal se trouve dans l’impossibilité d’en analyser le contenu. Il s’ensuit que le moyen soulevé ayant trait à une violation du traité CE est à écarter, d’autant plus que la directive 92/51 a vocation à s’appliquer et que le deuxième moyen invoqué a trait à la violation de cette directive.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a partant lieu de retenir, par substitution de motifs, que la décision de refus déférée est justifiée en l’état actuel des éléments du dossier fournis en cause.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mai 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15656
Date de la décision : 21/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-21;15656 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award