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19/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15765

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mai 2003, 15765


Tribunal administratif N° 15765 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 décembre 2002 Audience publique du 19 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15765 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2002 par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décis

ion du ministre de la Justice du 18 novembre 2002 rejetant sa demande en reconnaissance du statu...

Tribunal administratif N° 15765 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 décembre 2002 Audience publique du 19 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15765 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2002 par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 18 novembre 2002 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sarah TURK et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mai 2003.

Le 10 avril 2002, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 5 juin 2002, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 11 juillet 2002, notifiée le 23 juillet 2002, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande était refusée comme non fondée au motif qu’il n'invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social.

Le 31 juillet 2002, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Par décision du 18 novembre 2002, notifiée par courrier recommandé expédié le 20 novembre 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision du 11 juillet 2002.

Le 20 décembre 2002, Monsieur … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 18 novembre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le recours en réformation, ayant été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, Monsieur … fait valoir que la décision aurait fait une appréciation inexacte tant de sa situation personnelle et particulière que de la situation générale du pays d’origine. En ce qui concerne la situation générale du pays d’origine, il expose que, même après les élections au Kosovo, l’insécurité y régnerait toujours. En ce qui concerne sa situation particulière, il précise avoir pris la fuite parce que sa vie serait en danger après qu’il aurait été visé par des tirs. Pour appuyer ses dires, Monsieur … verse un article du journal « BOTA SOT » du 28 mars 2002 qui ferait état de l’attentat dont il aurait été victime. Il déclare qu’il ne saurait identifier les personnes armées qui l’auraient visé et que d’ailleurs il ne voudrait et ne pourrait accuser personne et que même s’il avait pu bénéficier de la protection de l’UNMIK, cette protection n’aurait été que sporadique. Il ajoute que son retour volontaire au pays, après avoir vécu en Allemagne de 1989 à 2000, démontrerait à suffisance que la seconde fuite de son pays serait basée sur des raisons valables et graves.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de son audition du 5 juin 2002, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne ce prétendu coup de feu sur sa voiture en date du 19 mars 2002, même à le supposer établi, il ne saurait valoir comme motif d’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. En effet une persécution émanant non pas de l’Etat, mais de groupes de la population ne peut être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève.

La notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. trib.

adm. 22 mars 2000, Dzogovic, n° du rôle 11659, Pas. adm. 2001, V° Etrangers, n° 32, p.

134).

En effet, il n’est pas établi que cette agression isolée soit encouragée ou tolérée par les autorités en place voire que celles-ci soient incapables d’offrir une protection appropriée au demandeur. Bien au contraire, il résulte de l’audition du 5 juin 2002 que la police s’est rendue sur place, que Monsieur … a été sous la garde de la police pendant une semaine et que l’instruction de l’UNMIK est toujours en cours.

Monsieur … ne soumettant au tribunal aucun autre élément permettant de retenir dans son chef une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève, l’insécurité dont il fait encore état au Kosovo s’analysant en substance en un sentiment général de peur, il y a lieu der retenir que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur au frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 19 mai 2003 par :

M. Ravarani, président, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Ravarani 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15765
Date de la décision : 19/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-19;15765 ?

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