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19/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15761

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mai 2003, 15761


Tribunal administratif Numéro 15761 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 décembre 2002 Audience publique du 19 mai 2003 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15761 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2002 par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, et de son épo

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Tribunal administratif Numéro 15761 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 décembre 2002 Audience publique du 19 mai 2003 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15761 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2002 par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, et de son épouse, Madame …, née le… , de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 11 juillet 2002 en ce qu’il a rejeté leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2003 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Fränk ROLLINGER déposé au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2003 au nom des époux …-… ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Fränk ROLLINGER et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mai 2003.

Le 14 novembre 2001, les époux …-… introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 12 décembre 2001, ils furent entendus chacun séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 18 novembre 2002, envoyée par lettre recommandée le 19 novembre 2002, le ministre de la Justice confirma, suite au recours gracieux du 6 novembre 2002, sa décision de refus du 11 juillet 2002 informant les époux …-… de ce que leur demande était refusée comme non fondée au motif qu’ils n'invoqueraient aucune crainte raisonnable de persécution du fait de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social.

Le 19 décembre 2002, les époux …-… ont fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 11 juillet 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi est recevable.

Quant au fond, Monsieur … et son épouse, de nationalité yougoslave et appartenant à la minorité des Bosniaques, font valoir qu’ils auraient fui leur pays parce que leur famille aurait été soumise à des pressions permanentes de la part du voisinage et de l’administration, dues notamment au fait que Monsieur … aurait effectué son service militaire au sein de l’armée serbe de 1998 à 1999 et qu’il aurait activement participé pendant trois mois à la guerre au Kosovo. Ils ajoutent qu’ils auraient dû surveiller tout le temps leur maison et que la simple présence des troupes des Nations Unies n’aurait pas permis à mettre fin à tout danger de persécution. En ce qui concerne la situation actuelle en Serbie-Monténégro, le récent assassinat du premier ministre serbe Zoran Djindjic en date du 12 mars 2003 démontrerait à suffisance que la situation dans leur pays d’origine ne serait pas sécurisée.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par les époux …-… lors de leurs auditions du 12 décembre 2001 ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne les persécutions de la part de la population albanaise et serbe, s’agissant de persécutions commises par des tiers et non par les autorités étatiques, il y a lieu de relever qu’elles ne sauraient en tout état de cause être retenues que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables d’offrir une protection adéquate contre ces actes.

Ce défaut de protection doit être mis suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Or, en l’espèce, les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, voire une incapacité des autorités en place d’assurer leur protection. De plus, ils ne démontrent point que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre public en place ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants du Kosovo, étant entendu qu’ils n’ont pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités actuellement en place, même après l’assassinat du premier ministre serbe Zoran Djindjic.

Concernant la situation ethnique ou religieuse des époux …-…, il y a lieu de relever que la seule appartenance à une minorité ethnique est insuffisante pour établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que les demandeurs, considérés individuellement et concrètement, risquent de subir actuellement des traitements discriminatoires en raison de leur appartenance ethnique ou religieuse.

Les craintes dont ils font état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité.

De tout ce qui précède, il résulte que le recours laisse d’être fondé et qu’il y a lieu de le rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs au frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 19 mai 2003 :

M. Ravarani, président, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Ravarani 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15761
Date de la décision : 19/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-19;15761 ?

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