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19/05/2003 | LUXEMBOURG | N°15757

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mai 2003, 15757


Tribunal administratif Numéro 15757 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 décembre 2002 Audience publique du 19 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15757 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2002 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité yougoslave, demeurant actuellement

à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 14 juin 2002...

Tribunal administratif Numéro 15757 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 décembre 2002 Audience publique du 19 mai 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15757 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2002 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 14 juin 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du 18 novembre 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie à l’audience publique du 5 mai 2003.

Le 18 mars 2002, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 31 mai 2002, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 14 juin 2002, notifiée le 26 juin 2002, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande était refusée comme non fondée au motif qu’il n'invoquerait 1aucune crainte raisonnable de persécution du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social.

Le 26 juillet 2002, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Par décision du 18 novembre 2002 notifiée par courrier recommandé expédié le 19 novembre 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision du 14 juin 2002.

Le 19 décembre 2002, Monsieur … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle du 14 juin 2002 et celle confirmative du 18 novembre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, Monsieur …, de nationalité yougoslave et appartenant à la minorité des Musulmans du Sandzak, fait valoir qu’il aurait fui le Monténégro parce qu’il aurait reçu deux convocations pour aller au front, à savoir le 15 décembre 1991 et le 15 janvier 1992. Il explique en outre avoir entendu dire que des personnes auraient colporté qu’il ferait partie des « bérets verts » et qu’il aurait appris qu’il serait sur une liste noire de la police. Il ajoute qu’il aurait vécu dans une région où les orthodoxes formeraient la majorité confessionnelle et que sa peur serait liée au sort inéluctable de persécution sinon d’exclusion dont feraient l’objet les Musulmans du Sandzak. Il conclut que sa situation ethnique et confessionnelle justifierait pleinement son admission aux critères édictés par la Convention de Genève. En ce qui concerne son départ de la Bosnie, il fait valoir qu’il serait motivé par les considérations qu’il n’a pas la nationalité bosniaque et qu’il aurait eu peur qu’on le renverrait au Monténégro.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

2 L’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de son audition du 31 mai 2002, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il est établi en l’espèce que Monsieur … vivait en Allemagne de 1992 à 2000 et qu’il a été rapatrié par les autorités allemandes à Sarajevo en octobre 2000 où il a habité jusqu’au 16 mars 2002, date à laquelle il a quitté Sarajevo pour venir au Luxembourg. En ce qui concerne sa fuite du Monténégro, il y a lieu de relever que tous les faits invoqués par le demandeur datent d’il y a environ dix ans.

En ce qui concerne pour le surplus la situation du demandeur en tant que membre d’une minorité, il y a lieu de relever qu’il n’est pas établi qu’elle serait telle que tout membre de la minorité ethnique visée serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Or, en l’espèce, les craintes de persécutions invoquées par le demandeur, basées sur son appartenance à la minorité des Musulmans du Sandzak, sont vagues et non autrement circonstanciées. De plus dans son audition, le demandeur a relevé qu’il est Musulman non pratiquant, de sorte que les craintes invoquées sont insuffisantes pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine. Elles sont pareillement insuffisantes pour établir que les autorités qui sont au pouvoir au Monténégro ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant à leurs habitants ou tolèrent voire encouragent des agressions notamment à l’encontre des personnes appartenant à la minorité des Musulmans. A cela s’ajoute que pendant les deux dernières années, le demandeur n’a pas habité au Monténégro, mais en Bosnie où il ne fait état d’aucune persécution basée sur son appartenance à une minorité.

Concernant le motif invoqué de l’insoumission de la part de Monsieur …, il convient de rappeler que celle-ci n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. Le tribunal constate que la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que la paix s’est rétablie dans la région originaire du demandeur, de sorte qu’il n’est pas établit qu’actuellement Monsieur … risque devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de consciences valables. Les autres motifs, l’appartenance aux « bérets noirs » et le fait de se trouver sur une liste noire de la police serbe ne sont pas de nature à constituer une crainte justifiée de persécutions selon la Convention de Genève, mais s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef et lui rendant le retour dans son pays d’origine, à savoir le Monténégro, ou dans le pays où il a habité pendant les deux dernières années avant de venir au Luxembourg, à savoir la Bosnie, impossible. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3 Malgré le fait que le demandeur n’était pas représenté à l’audience des plaidoiries, l’affaire est néanmoins jugée contradictoirement, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que le demandeur a fait déposer une requête écrite.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur au frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 19 mai 2003 par :

M. Ravarani, président, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Ravarani 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15757
Date de la décision : 19/05/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-05-19;15757 ?

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